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VIENT DE PARAÎTRE - « Drogman », de Semaan Kfoury Liban, XIXe siècle (photo)

«Roman historique » : c’est sous ce genre que se classe, résolument, le premier ouvrage de Semaan Kfoury, Drogman (2003, éditions L’Harmattan). Et c’est là aussi que se trouvent ses qualités indéniables et ses faiblesses, discutables celles-là, selon que l’on accepte le parti pris délibéré de l’auteur ou non, à savoir l’anachronisme.
L’auteur, dont on sent à chaque page l’amour pour l’histoire, la philosophie et la littérature, s’est inspiré d’une réalité familiale pour raconter l’histoire d’un drogman, ou interprète d’Orient, pendant la seconde moitié du XIXe siècle.
Salim, qui fait son apprentissage dans le couvent de Khonchara pour devenir prêtre selon la volonté de sa mère, en est délivré grâce au père jésuite qui a bien connu son père, un drogman éclairé et remarquablement doué pour les langues. Naturellement, il propose au fils, qui parle couramment le français, de s’occuper d’un hôte de marque reçu par le consul : Lamartine.
Salim découvre en quelques mois les idées du siècle des Lumières et de la Révolution, le silence et l’observation ainsi que l’amour dans les bras d’une Bédouine, au péril de sa vie. Cet interprète né sous une bonne étoile servira de guide à Nerval et enfin à Renan, quelques mois avant les événements houleux qui signeront la disparition de la Sublime Porte. Voilà pour l’histoire, qui se déroule dans un Liban qui se débat déjà au milieu de massacres interconfessionnels, pour la grande joie des agents turcs et anglais.

Préoccupations d’époque
Dans ces quelque 200 pages, Semaan Kfoury en profite, et le procédé est évident, pour développer ce qui semble lui tenir à cœur : la place du Liban au sein d’un processus stratégique qui n’a cessé de se développer depuis le Moyen Âge ; l’évolution des Libanais, ou non, au contact de la culture occidentale ; enfin, la situation dangereuse d’un homme qui en sait trop, après avoir décidé de vivre libre, loin des traditions étouffantes de son village.
À travers ces trois entrées immédiatement identifiables, l’auteur se glisse ouvertement, en mêlant ça et là des références au XXe siècle, en citant De Gaulle, les Phéniciens ou Edward Saïd.
Cette position un peu risquée dans les règles du genre tantôt appréciable, tantôt brouille le cours du récit. Les discussions politiques ou philosophiques, développées dans une poignée de chapitres, si elles permettent d’ancrer les préoccupations de l’époque, tant en Orient qu’en Occident, sont elles aussi parfois un peu surfaites. Car l’auteur, et cela transparaît régulièrement, a préparé son roman depuis longtemps : il y a introduit toute son expérience, ses pensées, ses prises de position mûries à l’ombre de lectures foisonnantes. Ce qui fait que le jeune Salim ne parvient pas, souvent, à dissimuler la figure imposante de son créateur et devient, au détour de certaines pages, un peu boursouflé, ne correspondant soudain plus à l’image que se faisait peu à peu de lui le lecteur.
Il n’en reste pas moins que Drogman est un beau premier roman. Ramassé, condensé parfois à l’extrême, il se lit avec un égal plaisir dans les pages historiques comme romancées. Les dialogues sont enlevés, les descriptions pointilleuses et minimalistes, les personnages attachants et la problématique libanaise toujours aussi inquiétante.
Diala GEMAYEL
«Roman historique » : c’est sous ce genre que se classe, résolument, le premier ouvrage de Semaan Kfoury, Drogman (2003, éditions L’Harmattan). Et c’est là aussi que se trouvent ses qualités indéniables et ses faiblesses, discutables celles-là, selon que l’on accepte le parti pris délibéré de l’auteur ou non, à savoir l’anachronisme. L’auteur, dont on sent à...