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ÉCLAIRAGE Le gouvernement israélien a accepté l’échange de prisonniers en excluant la libération de Samir Kantar Retour à la case départ ou simple manœuvre pour obtenir plus de concessions ?

Quelle mouche a donc piqué sayyed Hassan Nasrallah, samedi soir, pour exiger la libération du « doyen des prisonniers libanais », en Israël, Samir Kantar, au même titre que celle du cheikh Abdel Karim Obeid et d’aller même jusqu’à le placer en tête de la liste de ceux qui devraient être relâchés, risquant ainsi de remettre en question l’ensemble de l’opération ?
Les négociations avaient pourtant commencé depuis près d’un an, d’abord, dans le plus grand secret, puis avec de plus en plus de fuites et l’on croyait justement qu’elles étaient sur le point d’aboutir. D’ailleurs, l’émissaire allemand, qui mène les tractations depuis le début, serait venu à Beyrouth pour mettre au point les détails de l’échange, alors qu’un de ses adjoints serait en Israël pour le même job. C’est dire que le « deal » était pratiquement conclu.
Pourtant, samedi, le Hezbollah apprend par des moyens détournés que Samir Kantar, héros d’une opération à Nahariya, qui avait causé la mort d’au moins de deux hauts responsables militaires israéliens et de deux civils, en 1979, ne ferait pas partie du lot. Pour sayyed Hassan Nasrallah, c’était le signe que les Israéliens voulaient encore gagner du temps.
Il a donc choisi de leur faire parvenir un message très ferme et très clair : sans Samir Kantar, il n’y aura pas d’échange. Bien que Samir Kantar soit membre du Parti communiste, et donc aux antipodes des islamistes, tout en étant de confession druze et en ayant accompli sa mission en 1979, à l’époque où il n’y avait pas encore de Hezbollah, Nasrallah a insisté pour qu’il soit en tête des personnes libérées, en présence de sa mère qui en a eu les larmes aux yeux et d’autres familles de prisonniers libanais en Israël. Pour lui, ces propos n’étaient certes pas destinés à faire échouer l’opération, mais, au contraire, à pousser les Israéliens à tenir leurs promesses, puisque dès le début des négociations ils s’étaient engagés à libérer tous les détenus libanais (au nombre de 19), y compris ceux qui sont emprisonnés pour des crimes de droit commun et que le Hezbollah n’avait pas réclamé, se souciant uniquement des combattants. Les négociations portaient donc surtout sur l’identité des détenus palestiniens et arabes qui pourraient être relâchés.
Pour le Hezbollah, exclure Samir Kantar ressemblait fort à une manœuvre israélienne, alors que, de son côté, il a toujours respecté ses engagements. D’ailleurs, l’argument selon lequel Kantar ne peut être libéré parce qu’il a du sang de civils israéliens sur les mains ne tient pas aux yeux du secrétaire général du Hezbollah. « Nous ne parlons pas ici d’enfants de chœur ou de simples promeneurs. Tous les détenus libanais et arabes sont des combattants dont le but était de tuer des soldats israéliens. Certains y sont parvenus, d’autres ont été arrêtés avant, mais l’esprit est le même... » Sans compter que les précédents échanges de prisonniers avaient englobé des combattants ayant tué des Israéliens en Israël.

Des informations
sur Ron Arad
Les propos de Nasrallah qui ne supportent aucune interprétation n’ont pourtant pas poussé le gouvernement israélien à inclure Samir Kantar dans le lot, puisqu’il a décidé, à l’issue d’une réunion de près de huit heures, d’accepter « le deal » proposé par Sharon, en gardant Samir Kantar prisonnier, sur l’insistance du ministre des Finances, Benjamin Netanyahu.
Pour les familles libanaises des détenus, le coup est dur, même si personne ne songerait à contester les options du Hezbollah et sa manière de mener les négociations. Pour le Premier ministre israélien, la situation serait moins confortable, les familles des prisonniers israéliens exerçant de terribles pressions pour que l’échange aboutisse. D’ailleurs, même l’obstacle que constituait l’absence de nouvelles sur le pilote israélien disparu, Ron Arad, avait réussi à être surmonté, le Hezbollah s’étant engagé, dans le cadre de l’opération, à fournir tous les éléments en sa possession au sujet du sort du pilote et même, allant jusqu’à promettre de poursuivre ses propres investigations et de tenir les Israéliens au courant de tous les développements dans ce domaine. Pour le Hezbollah, c’est une concession très importante, mais il a accepté de la présenter pour faire aboutir l’échange, en sachant toutefois que des négociations parallèles se déroulent actuellement dans le plus grand secret, entre les Iraniens et les Américains, sur de nombreux dossiers, dont le cas Arad.
Pourquoi, dans ce cas, le gouvernement israélien a-t-il, au dernier moment, décidé de garder Kantar, en sachant, après les dernières déclarations de Nasrallah, que cela remettrait en question l’ensemble de l’échange ?
Des sources proches du Hezbollah fournissent plusieurs hypothèses : soit Sharon veut réellement faire échouer l’opération en en faisant assumer la responsabilité à la formation libanaise, soit, il veut voir jusqu’où il peut aller, en se disant que le Hezbollah ne peut se permettre de refuser l’échange, même sans Kantar. Pourtant, les milieux proches de la formation sont catégoriques : Nasrallah n’acceptera aucun échange sans les 19 Libanais, à leur tête Kantar, même si le frère de ce dernier proposait hier de demander à Nasrallah d’accepter la nouvelle condition, en en mettant une autre de son côté, qui pourrait consister à garder l’officier israélien, Elhanane Tenenbaum.
Toutefois, l’émissaire allemand, qui a rencontré cet officier détenu par le parti depuis octobre 2000, a bien vu que son état de santé était très grave. Sharon pourra-t-il assumer la responsabilité de la mort de cet homme, parce qu’il n’a pas voulu relâcher Kantar ? La formation n’a certes pas l’habitude de ce genre d’atermoiements, d’autant que cela signifierait que l’on reprend tout à zéro.
Ce qui est sûr, pour l’instant, c’est qu’hier le Hezbollah a refusé de commenter la nouvelle, se contenant de dire qu’il attendait d’être officiellement informé par l’émissaire allemand de la décision israélienne, ajoutant toutefois que les propos de Nasrallah étaient très clairs.
Alors, faut-il étouffer l’espoir né ces dernières semaines, pour toutes ces familles qui se préparaient à d’émouvantes retrouvailles ? Le Hezbollah considère que la balle est dans le camp israélien : les données étaient précises et les engagements clairs. Ce sont eux qui sont revenus sur leurs promesses. Ceux qui ont attendu des années peuvent le faire encore un peu. Et puis Nasrallah a promis, si l’opération échoue, de capturer de nouveaux otages israéliens, puisque, a-t-il précisé, ce serait le seul moyen de faire bouger les choses...

Scarlett HADDAD
Quelle mouche a donc piqué sayyed Hassan Nasrallah, samedi soir, pour exiger la libération du « doyen des prisonniers libanais », en Israël, Samir Kantar, au même titre que celle du cheikh Abdel Karim Obeid et d’aller même jusqu’à le placer en tête de la liste de ceux qui devraient être relâchés, risquant ainsi de remettre en question l’ensemble de l’opération ?...