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La visite de l’état-major syrien interprétée comme un indice de mobilisation optimale

C’est la toute première fois que l’état-major (au sens littéral, militaire) syrien, conduit par son chef, effectue une visite officielle au Liban. Dans le cadre d’une coopération, d’une coordination renforcée, pour la défense d’un sort commun. Le signal est clair : la Syrie ne compte pas se laisser intimider par les menaces, américaines ou israéliennes. Et rappelle qu’elle dispose de l’alliance, sinon de la carte, libanaise. Avec tout ce que cela peut impliquer comme possibilités actives (cf. Chebaa)...
Cette démarche s’accompagne de contacts qu’entreprend le président Assad avec diverses capitales arabes, en vue de tenter de former un front uni, ou moins éclaté, face au péril régional. Confronté à des pressions maximales, Damas, comme du temps de Hafez el-Assad, fait montre de détermination. Car à céder, à plier, à reculer, on perd toute possibilité de négocier en position égale. Voire de se défendre. La méthode, classique, est illustrée par les fermes propos que tiennent les deux pierres angulaires de la politique étrangère, et de la diplomatie, syriennes : Farouk el-Chareh et son prédécesseur (fondateur de ligne), Abdel Halim Khaddam. Le premier, dont les déclarations ne sont jamais militaires ordinairement, a tout simplement menacé Israël de frapper les colons juifs installés sur le Golan, s’il devait y avoir de nouvelles frappes contre la Syrie. Quant au vice-président de la République, il a traité le volet américain, réclamant le retrait des GI d’un Irak où, selon lui, aucun pays arabe n’enverrait de forces (pour aider à la stabilisation et à la normalisation) tant que l’occupation se prolongerait. Ces prises de position montrent, répétons-le, que la Syrie, tout en réitérant sa volonté de dialoguer avec Washington, ne se laisse pas impressionner. Et prévient qu’elle peut rendre coup pour coup.
Dans ce cadre, et dans les faits, peu d’observateurs pensent que le réchauffement du front de Chebaa par le Hezbollah et le timing de la visite militaire syrienne au Liban sont une simple coïncidence. Et cela, malgré les dénégations des officiels libanais comme des cadres de la Résistance, qui soutiennent qu’il n’y a pas de lien entre les deux éléments. Au contraire, disent des politiciens, en envoyant ici son état-major à ce moment précis, Damas semble vouloir corroborer lui-même les affirmations occidentales selon lesquelles il couvre, voire qu’il anime ou contrôle, la Résistance islamiste libanaise. Il abat ses cartes, en quelque sorte. Sans paraître se soucier du dernier avertissement lancé par le commandement de la région Nord israélienne. Qui fait assumer la responsabilité des bombardements initiés par le Hezbollah à la Syrie comme au Liban.
Cette escalade inquiète l’Onu, dont les représentants, Terjé- Roed-Larsen et Staffan de Mistura, ont engagé aussitôt des contacts avec les protagonistes pour les inviter à la plus extrême retenue. Car cette fois, la perspective d’une guerre généralisée se fait sérieuse. Dans la mesure même où, fait pratiquement sans précédent, la Syrie annonce qu’elle pourrait activer le front du Golan. Parallèlement à celui du Liban-Sud. Qui était jusque-là la seule soupape de dégagement utilisée contre Israël, de ce côté-ci de la région. Dont la tension est déjà rendue paroxystique par le cycle de violence qui ravage les Territoires.
Mais pourquoi la Syrie innove-t-elle, si l’on peut dire, en mettant en avant le Golan ? Parce que, répondent des sources informées, Israël lui-même a innové. En violant l’armistice conclu en 1974, par son raid sur les parages de Damas. Ainsi que par le survol de la Békaa comme de Dahr el-Beydar, d’où la Syrie avait retiré ses batteries de missiles, aux termes d’un second accord.
Ces mêmes sources, retour de Damas, confirment qu’après l’approbation du Syria Accountability Act à la Chambre des représentants US, il fallait montrer à l’Administration Bush que la Syrie n’allait pas plier. Tout en se défendant de rompre. Les Syriens répètent en effet, malgré tout, qu’ils sont prêts à discuter les exigences américaines. À en admettre certaines qui sont plus ou moins raisonnables, comme la fermeture des bureaux des organisations palestiniennes. Mais sans céder sur le principe premier, véritable objet du conflit bilatéral : les actions du Hamas, du Jihad islamique en Palestine ou du Hezbollah au Liban ne sont pas du terrorisme, comme l’affirme Washington, mais l’expression d’une résistance légitime de peuples opprimés, agressés. Pour Damas, le retour aux principes de Madrid (la terre moyennant la paix), l’instauration d’un arrangement équitable global régleraient tout. Mais pour faire aboutir le processus, qu’ils ont eux-mêmes inventé, les Américains doivent cesser d’être de parti pris aux côtés d’Israël. D’autant que leurs intérêts vitaux dans la région, en Irak comme ailleurs, leur commandent de ne pas se mettre à dos le camp arabe.
Mais, selon des responsables arabes, le problème est que l’Amérique ne l’entend plus de cette oreille, depuis le 11 septembre 2001. Pour elle, désormais, la sécurité, et surtout la lutte contre l’activisme qu’elle qualifie de terroriste, passent même avant la paix. C’est-à-dire que Washington se retrouve exactement sur la même longueur d’onde que Sharon. Et après s’être débarrassés de Saddam Hussein, les Américains n’ont plus l’intention, selon ces sources, de dialoguer vraiment. Avec la Syrie.

Philippe ABI-AKL
C’est la toute première fois que l’état-major (au sens littéral, militaire) syrien, conduit par son chef, effectue une visite officielle au Liban. Dans le cadre d’une coopération, d’une coordination renforcée, pour la défense d’un sort commun. Le signal est clair : la Syrie ne compte pas se laisser intimider par les menaces, américaines ou israéliennes. Et rappelle...