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PARTIS - Le PCL annonce un congrès général fin novembre, dans une atmosphère de fronde interne Le rôle de la Syrie au cœur des débats internes et de la polémique médiatique

La nouvelle peut paraître surréaliste. Elle est typiquement libanaise. Le Parti communiste libanais tient un congrès général les 28, 29 et 30 novembre dans une atmosphère de discorde et de dissensions rarement atteintes auparavant. Les soubresauts d’un parti d’une autre époque pourraient sembler inintéressants à la plupart des Libanais, mais le débat qu’ils entraînent, touche au passé, au présent et à l’avenir du Liban, et permet une réflexion en profondeur sur son identité et sa place dans la région et dans le monde.
Curieusement, c’est au sein du PCL qu’a lieu le débat le plus profond et le plus complet sur le rôle de la Syrie au Liban. Il est vrai que ce parti est l’un de ceux, dans le camp traditionnellement qualifié de nationaliste, qui a le plus souffert de ce rôle. C’est ainsi lui qui a été privé de victoire dans sa guerre contre le camp qualifié alors d’isolationniste, ainsi que dans les affrontements multiples avec le mouvement Amal, dans ses guerres contre les Palestiniens, avant d’être tout bonnement interdit de résistance au Liban-Sud, au profit du Hezbollah et des islamistes. Exclu du système issu de Taëf, le PCL, jadis puissant dans certaines régions, n’a plus pu obtenir un seul siège au Parlement et encore moins un portefeuille au gouvernement.
Pour un puissant courant au sein du parti, conduit par MM. Élias Atallah et Nadim Abdel Samad, le parti est mort politiquement, à moins qu’il ne modifie complètement sa vision, sa stratégie et son règlement interne, bref, s’il ne parvient pas à se moderniser. Pour l’autre courant important, conduit par la direction actuelle, ce n’est pas le moment des changements radicaux. Il vaut mieux entrer dans le système actuel, afin de cesser d’être en marge. L’heure est trop grave pour s’enliser dans les critiques. Il faut agir et sauver ce qui peut l’être.

Une polémique étalée
dans les journaux
Entre ces deux tendances, l’ancien secrétaire général, M. Georges Haoui, mène un troisième courant, moins influent que les deux précédents, mais qui pourrait aussi peser sur les débats au sein du parti, puisqu’il veut se poser en médiateur.
Selon les dernières estimations, à son dernier congrès en 1998, le PCL comptait 4 700 membres. C’est en tout cas le chiffre de ceux qui ont renouvelé leurs cartes d’adhérents. Certains pensent que, cette année, il y en aurait encore moins, tant la rigidité du commandement actuel découragerait le changement et donc les bonnes volontés. Mais le poids électoral du PCL pourrait aller jusqu’à réunir près de 60 000 voix sur l’ensemble du territoire.
À ce stade, la tenue même du congrès général serait encore hypothétique, si le courant « opposant » refuse d’y participer. La polémique est d’ailleurs dans les journaux, avec la publication d’articles signés par Atallah, mais aussi par le secrétaire général du parti, M. Farouk Dahrouj, et par certaines figures comme M. Saadallah Mazraani. Autrement dit, au sein du PCL, désormais tout est déballé au grand jour et le débat lancé à travers les médias intéresse tous les Libanais.
Officiellement, le débat aurait été entamé il y a treize ans, avec l’effondrement de l’empire soviétique. La crise au sein du parti a alors ouvertement commencé, comme d’ailleurs, au sein de tous les partis communistes dans le monde. Mais selon M. Élias Atallah, les divergences auraient commencé bien avant, en 1985 plus précisément, lorsque le parti, qui avait été le premier à faire de la résistance, a été contraint à y renoncer à la demande de la Syrie et au profit du Hezbollah.
Pour certains membres du PCL, c’était en quelque sorte la goutte d’eau qui faisait déborder le vase et ils ont commencé à se poser sérieusement des questions sur le rôle de la Syrie au Liban.

Une relecture de la guerre
et du rôle de la Syrie
Selon M. Atallah, le PCL est certes un parti indépendant, mais dans le cadre du Mouvement national, il était sous la houlette du leader Kamal Joumblatt. Ce dernier avait essayé de trouver une solution médiane avec le camp dit isolationniste, à travers « Le document constitutionnel ». « Une délégation chrétienne s’était alors rendue en Syrie, affirme M. Atallah, et le président Hafez el-Assad lui aurait conseillé de ne pas présenter de concessions, puisque la Syrie compte intervenir sur le terrain militaire. »
De fait, les troupes syriennes sont entrées au Liban en 1976, arrêtant l’élan des forces dites palestino-progressistes. Pour M. Atallah et son groupe, dès le début donc de la guerre au Liban, le rôle de la Syrie a été négatif et il n’a jamais cessé de l’être. Ce courant refuse les accusations selon lesquelles, à travers le débat lancé au sein du parti, il réglerait des comptes personnels, avec la Syrie et avec le commandement. « Le PCL, ajoute M. Atallah, devrait définir sa position vis-à-vis de la Syrie, à partir des intérêts du Liban que nous estimons menacés par les interventions syriennes incessantes dans tous les secteurs de la vie. »
Ce courant refuse de considérer que le moment n’est pas propice à ce genre de questionnement, au prétexte que la Syrie est la cible d’une campagne de dénigrement sans précédent de la part des États-Unis et de leurs alliés israéliens. « Cela fait des années que l’on nous empêche d’agir sous prétexte de menaces étrangères sur les régimes arabes, précise Nadim Abdel Samad. Nous considérons qu’il est dans l’intérêt de la Syrie d’établir un dialogue sur les questions que nous posons ».
Y a-t-il une différence entre eux et le général Aoun ? « Certainement, répond Élias Atallah. Nous autres, nous ne faisons pas appel à une puissance étrangère. D’abord par principe et parce que nous savons que dans le combat des éléphants, ce sont les veaux qui meurent, pour reprendre un proverbe arabe ».
Pour ce courant, la priorité, aujourd’hui, est de permettre aux peuples arabes de choisir leurs gouvernants ou de pouvoir s’exprimer. C’est, selon lui, le seul moyen de lutter contre les menaces américaines et israéliennes. Sur le plan local, il réclame le retrait des troupes syriennes et l’arrêt des interventions syriennes dans la vie libanaise, mais aussi l’envoi de l’armée au Sud, puisqu’il s’agit d’une armée nationale, résistante, pourquoi ne la déploierait-on pas le long de la frontière ? Pour les opposants, l’hommage à la résistance se fait par son intégration dans l’Exécutif et non en lui donnant un bout de terre pour qu’elle continue à agir selon ses désirs.
Selon les membres de ce courant, les citoyens ne sont pas forcément des idéologues. Ils ne peuvent pas se nourrir de discours. Il leur faut des mesures concrètes. D’ailleurs, en Occident, si les citoyens appuient des partis, c’est en raison de leurs programmes sociaux et pas toujours pour des raisons politiques.

Éviter l’effondrement total
et la mort politique
Élias Atallah cite d’ailleurs à ce propos l’exemple du Parti communiste français qui a refusé le débat interne, jusqu’au moment où il a connu une terrible défaite aux dernières élections. Maintenant, il a entamé une sérieuse réforme.
C’est donc à cela qu’appelle ce courant, pour éviter justement l’effondrement total. Même s’il est conscient que le parti se dirige de plus en plus vers la mort politique. Surtout s’il n’entame pas la moindre réforme. Or, justement, rien n’indique que le courant du commandement actuel est sur le point d’accepter le moindre questionnement. Un dialogue a été établi pendant dix mois, après le dernier congrès général en 1998. « Nous avons résumé les débats en réclamant une commission préparatoire aux élections qui auront lieu au cours du prochain congrès. Même cela a été refusé, explique M. Atallah. Comment, dans ce cas, accepter de participer au prochain congrès, et donc aux élections ? »
Cela ne signifie pas pour autant que ce courant compte faire scission. « C’est hors de question. En ce qui nous concerne, nous songerions plutôt à fonder un nouveau parti. Mais cela demande une plus grande réflexion. »
Pour l’instant, les opposants étudient la situation. Le conflit porte sur les questions nationales, et l’exigence d’une nouvelle lecture de la guerre et sur le système interne et la nécessité de sortir de l’image soviétique. « Il faut aussi, ajoute Élias Atallah, que le parti prenne clairement position contre le pouvoir libanais qui n’est qu’une alliance entre le rôle syrien et les parties libanaises qui en profitent ». Ce courant appelle surtout à une autocritique, rejetée pour l’instant par le commandement. Même si le secrétaire général, M. Farouk Dahrouj, invite tous les membres à participer au congrès, dans une tentative de tendre la main. Le bras de fer se poursuivra jusqu’à la fin du mois de novembre. Et peut-être plus tard. Ce qui est sûr, c’est que le PCL a le mérite de lancer un débat public. Il faut du courage pour le faire et que l’on soit pour ou contre ces idées nouvelles, elles méritent une longue réflexion.
Scarlett HADDAD
La nouvelle peut paraître surréaliste. Elle est typiquement libanaise. Le Parti communiste libanais tient un congrès général les 28, 29 et 30 novembre dans une atmosphère de discorde et de dissensions rarement atteintes auparavant. Les soubresauts d’un parti d’une autre époque pourraient sembler inintéressants à la plupart des Libanais, mais le débat qu’ils entraînent,...