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Vox populi

Le Liban, treize ans après ce que d’aucuns ont appelé la « pax syriana ». Un État déficitaire à tous les points de vue, un théâtre camusien où une même scène – tragique, et qui frise l’absurde – se joue sans cesse. Celle de la banalisation de toutes les déviations. À tel point que, pour reprendre le père Sélim Abou citant le politologue Joseph Maïla dans un discours prononcé en 1999 à l’occasion de la Saint-Joseph, les Libanais semblent avoir fini par prendre goût, non plus à la « culture de la servitude », mais, pis encore, à la « culture de la servilité ».
La banalisation de toutes les déviations. L’indifférence qui, d’ordinaire, donne mauvaise conscience. Depuis longtemps, cela n’offusque quasiment plus personne que des étudiants se fassent tabasser par des hommes en civil, que des scandales impliquant la princesse et sa cour éclatent au grand jour, qu’une chaîne de télévision soit fermée et condamnée aux oubliettes. La corruption saigne les Administrations à blanc, avec le concours de bonzes de l’Exécutif et du Législatif, toutes tendances confondues ? Cela n’empêchera pas le Libanais d’aller jouer sa fortune au Casino du Liban, de payer sa mécanique au service concerné ou d’aller consommer au centre-ville. Au vol caractérisé, à la rapine, au culte de la servitude et à la partialité de la justice vient s’ajouter le pire des maux, qui frappe aujourd’hui les responsables irresponsables de tous bords : la médiocrité. Les fonds publics sont spoliés au quotidien ? Le niveau de vie des Libanais est en chute libre ? La classe moyenne s’appauvrit irrémédiablement ? La crise sociale bat son plein, gagne en ampleur ? Qu’à cela ne tienne, aucun politique n’a des projets de solutions. Tous les discours ont échoué. La décrédibilisation est générale. Les dirigeants n’ont rien d’original à proposer, les slogans aseptisés du dialogue, de la coexistence, de l’unité et de la cohésion nationale mis à part. Les perspectives d’avenir ? Même Cassandre en tremble d’effroi. Et les jeunes – toutes communautés confondues – émigrent en masse sans aucun regret.
La répétition des mêmes scènes pervertit l’esprit et atrophie la capacité de réflexion critique, le pouvoir de dire « non », la culture de l’opposition, de la résistance. Le ras-le-bol est général, la faillite est totale, totalisante, oppressante, omniprésente. La légitimité a mis les voiles depuis longtemps : le terme a d’ailleurs été banni du discours politique, avec une préméditation minutieuse. Car, sans légitimité, point de souveraineté, de liberté, de justice, de droit, de citoyenneté, d’État, de société. C’est pourquoi il est grand temps d’agir avant qu’il ne soit trop tard. La légitimité, c’est avant tout la libre adhésion des citoyens. Le silence en est une forme négative et destructrice. Il ne faut plus se taire. Alors, vox populi.

Michel HAJJI GEORGIOU
Le Liban, treize ans après ce que d’aucuns ont appelé la « pax syriana ». Un État déficitaire à tous les points de vue, un théâtre camusien où une même scène – tragique, et qui frise l’absurde – se joue sans cesse. Celle de la banalisation de toutes les déviations. À tel point que, pour reprendre le père Sélim Abou citant le politologue Joseph Maïla dans un...