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ENVIRONNEMENT - L’étude d’une ONG fait un bilan et des propositions Traitement des déchets : des milliards dépensés sans solution satisfaisante (photos)

Plus de trois milliards de dollars dépensés sur le dossier du traitement des déchets au Liban entre 1992 et 1999 (selon des chiffres puisés dans le rapport du Conseil du développement et de la reconstruction, CDR, en l’an 2000), sans qu’une solution palpable soit en vue. Que s’est-il passé ? Où réside l’erreur ? Y a-t-il eu gaspillage ? C’est à des questions comme celles-là qu’une étude préparée par Habib Maalouf, notre confrère d’ « As-Safir » et président du Comité libanais pour l’environnement et le développement (CLED), une association écologique, tente de trouver des réponses. Cette étude comporte de nombreux chiffres obtenus auprès de diverses sources, une analyse de la situation et un plan de solution. Cofinancée par la fondation Friedrich Ebert et revue par plusieurs experts, elle a été adressée aux principaux intéressés, notamment le CDR ainsi que les ministères de l’Environnement et de l’Intérieur, et fera en septembre l’objet d’un congrès national organisé par le CLED.
Trouver une solution au problème des déchets ménagers au Liban est une tâche plus facile qu’on ne le croit, commence par constater l’auteur. Et pourtant, « on a dépensé davantage pour ce secteur que dans n’importe quel autre domaine écologique durant la période de la reconstruction, soit plus de trois milliards de dollars de 1992 jusqu’en 1999 selon le CDR (rapport de 2000), et nous continuons à débourser non moins de 200 millions de dollars par an pour nous débarrasser de nos ordures ménagères, alors qu’une bonne gestion aurait été beaucoup plus économique», indique-t-il.
M. Maalouf note que le citoyen libanais n’a jamais été au fait du véritable coût économique et sanitaire du traitement des déchets, croyant s’en débarrasser dès qu’il ne les voit plus, sans retenir que leurs dégâts à long terme reviendront le hanter ou hanter les générations futures, sachant que la réhabilitation des sites pollués s’avère particulièrement onéreuse. Selon des estimations évoquées dans des études citées par l’auteur, le coût de la réhabilitation des dépotoirs sauvages s’élèverait à 600 millions de dollars. Il ajoute que le Liban continuerait de dépenser non moins de 200 millions de dollars par an si «un plan reposant sur les décharges sanitaires (qui accueilleraient toutes sortes de déchets) est retenu».
«Voilà pourquoi, poursuit-il, les ONG et les rassemblements populaires dans les régions touchées par le problème ont décidé de lancer une campagne dont l’objectif est de proposer une solution globale nationale au problème ». Cette solution serait fondée sur les principes de réduction des ordures à la base, leur tri à la source, la réutilisation ou le recyclage de ce qui peut l’être et le compostage des matières organiques. Mais surtout, comme la responsabilité incombe en premier lieu à l’État « qui a souvent agi, dans cette affaire, comme un entrepreneur et non comme un protecteur du bien public», et en second lieu au citoyen, non conscient de son rôle dans la protection de son environnement et de sa santé, la tâche de résoudre le problème des déchets concerne tout un chacun.

75 millions de dollars par an
L’ampleur du problème n’est pas négligeable: les dernières recherches effectuées dans le domaine des déchets solides au Liban montrent qu’une proportion variant de 80 à 90% d’entre eux sont ménagers. La production nationale quotidienne est d’environ 4000 tonnes, soit un kilogramme par personne et par jour. Quant à la composition, elle est de 60% de matières organiques, le reste se répartissant entre papier, carton, matières plastiques, verre, métaux, remblais... Certaines catégories considérées comme dangereuses, à l’instar des piles, des produits de peinture, des conteneurs de produits de nettoyage, se retrouvent dans les mêmes décharges ou dépotoirs que les ordures ordinaires, ainsi que les déchets d’abattoirs, d’hôpitaux, etc. Une pollution généralisée en somme.
L’auteur de l’étude revient longuement sur les dépenses occasionnées actuellement par le plan d’urgence de gestion des déchets (initié en 1997), dont il considère que les lacunes sont nombreuses. Il rappelle que selon le contrat signé par le gouvernement avec les compagnies Sukleen et Sukomi, respectivement pour la collecte et le traitement des déchets dans le Grand Beyrouth et ses environs (jusqu’au Kesrouan et à Aley), le Liban paye 75 millions de dollars par an, une somme puisée dans la Caisse autonome des municipalités. Cela revient à dire que le coût du traitement de la tonne d’ordures est de 106 dollars, «une somme relativement élevée». Il faut compter, toujours selon l’étude du CLED, que le coût global du ramassage est de 25 millions de dollars par an, alors que le prix de l’ensevelissement à Bsalim est de 21,4 dollars par tonne, et de 37,3 dollars à Naamé (les deux décharges «sanitaires» actuellement en fonctionnement, sachant que la seconde sera saturée avant six mois).
Or, poursuit l’auteur, selon des chiffres datant de 2001, la Caisse des municipalités dispose théoriquement de 200 milliards de livres, soit 133 millions de dollars, dont les autorités locales n’arrêtent pas de réclamer le paiement. Cela signifie, dit-il, que les municipalités sont obligées d’accepter que les deux tiers des sommes qui leur sont dues soient employées dans ce secteur. Par conséquent, même si la loi régissant les municipalités devait permettre un jour l’imposition d’une taxe à ce sujet, pour couvrir une telle somme celle-ci devra s’élever à quelque 200 dollars par an et par foyer, ce qui est exagéré, lit-on dans le document.

Décharges ou
gestion intégrée ?
Rappelant que la Banque mondiale (BM), qui est traditionnellement la principale source de fonds pour des projets de ce genre, a longtemps «fait la promotion d’une politique de gestion des déchets uniquement basée sur la création de 10 à 15 décharges contrôlées dans tout le pays, qui recevraient toutes les ordures à la fois», M. Maalouf évoque l’opposition des ONG et des collectivités locales qui a fait échouer le projet. Les détracteurs de la politique prônée par la BM en ce temps-là avaient pris en compte les arguments suivants : la rareté et la cherté des terrains au Liban, la haute proportion en déchets organiques, connus pour causer une pollution du sol, de l’eau et de l’air (par les liquides et les gaz dégagés), l’efficacité limitée dans le temps des couches isolantes prévues dans les décharges (pas plus de dix ans dans les meilleures techniques, alors que la nuisance des ordures peut aller bien au-delà), l’absence d’un plan global de gestion...
Après une brève récapitulation des solutions envisagées par l’État au cours des années (toutes sont tombées à l’eau), M. Maalouf note qu’un grand nombre d’associations écologiques proposent depuis le début des années 90 l’adoption d’un plan global de gestion des déchets ménagers, fondé sur la réduction de la production d’ordures, sur une nouvelle politique de taxation qui encourage le producteur et le consommateur à utiliser des produits recyclables, sur le soutien aux industries de recyclage, sur le tri à la source, sur la participation des autorités locales, sur la revente de certains produits, sur le compostage... Ainsi, n’arriveront aux décharges que les déchets vraiment inertes, qui ne dégagent pas de polluants et ne constituent par conséquent qu’un danger très faible pour les éléments naturels.
Reste à savoir comment financer un tel plan national. L’auteur fait plusieurs suggestions à ce propos: arrêter le gaspillage, choisir des endroits qui seront consacrés au compostage et non à l’aménagement de décharges, comme cela est le cas actuellement, fermer les dépotoirs ainsi que les décharges qui ne fonctionnent pas de manière satisfaisante. Il propose également d’interrompre tous les projets en cours, qu’ils soient financés par la BM ou par d’autres organisations internationales, jusqu’à l’application d’un nouveau plan directeur, et de «tenter de convaincre la BM de la nécessité d’employer son prêt de 25 millions de dollars, destiné initialement à la création d’une dizaine de décharges, au financement du plan plus global dont les lignes directrices ont été définies ici». Un plan ambitieux et optimiste qui n’évoque pas les difficultés auxquelles on pourrait faire face en cas de revirement aussi radical.
Enfin, toute solution radicale ne peut être envisagée sans volonté politique adéquate. L’auteur plaide pour une délimitation nette des prérogatives et des responsabilités assumées par les différentes administrations, pour un plus grand rôle accordé au ministère de l’Environnement dans la planification, sachant que l’exécution est du ressort du ministère des Municipalités et que le CDR est chargé de superviser la mise au point des cahiers de charge. Une commission formée de représentants des trois administrations, toujours selon les recommandations de l’étude, aurait pour tâche de mettre en place le plan national de gestion, avec la collaboration de la population et des autorités locales.

S.B.
Plus de trois milliards de dollars dépensés sur le dossier du traitement des déchets au Liban entre 1992 et 1999 (selon des chiffres puisés dans le rapport du Conseil du développement et de la reconstruction, CDR, en l’an 2000), sans qu’une solution palpable soit en vue. Que s’est-il passé ? Où réside l’erreur ? Y a-t-il eu gaspillage ? C’est à des questions comme...