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Colloque - Participation de personnalités politiques et académiques à 4 tables rondes sur « les défis de l’avenir » Journée libanaise, hier, au sénat français

Longue journée libanaise hier jeudi dans la salle Clemenceau du Sénat français à Paris où s’est tenu un colloque sur le thème « Le Liban, les défis de l’avenir », et cela à l’initiative et sous la présidence de M. Adrien Gouteyron, sénateur de la Haute-Loire, vice-président du Sénat et président du groupe d’amitié France-Liban. Les débats, animés par le rédacteur en chef de «Valeurs Actuelles» Frédéric Pons et le rédacteur en chef de «L’Orient-Le Jour» Issa Goraieb, et auxquels ont participé de nombreuses personnalités politiques, académiques et autres, se sont déroulés dans le cadre de quatre tables rondes et ont donné lieu à des discussions avec un public nombreux. Cet événement a été marqué par une présence substantielle de l’opposition libanaise, que rendait plus évidente encore l’absence – demeurée inexpliquée – des hommes politiques proches du pouvoir libanais, qui avaient décliné l’invitation.Dans ses deux allocutions d’ouverture et de clôture, le sénateur Gouteyron, sans jamais minimiser la gravité des défis que se doit de relever le modèle libanais, a vu dans les interventions on ne peut plus directes et explicites des participants un réconfortant signe de santé ouvrant la porte à tous les espoirs. Et c’est ce même message d’espoir qu’a tenu à dégager le député de la Meurthe-et-Moselle Gérard Léonard qui préside, lui, le groupe d’amitié France-Liban à l’Assemblée nationale : espoir de l’établissement (et non rétablissement, a-t-il précisé) d’un État de droit au Liban, espoir aussi d’un recouvrement par ce pays de sa souveraineté.
M. Bernard Emié, directeur de la section Afrique du Nord et Moyen-Orient au Quai d’Orsay, a entrepris de rasséréner, quant à lui, ceux qui reprochent à la France d’avoir « lâché » le Liban, affirmant notamment que notre pays reste un partenaire d’exception de l’Hexagone dans le partenariat euro-méditerranéen. M. Emié a pressé les Libanais d’entreprendre une réconciliation en profondeur, les appelant à façonner ensemble leur avenir commun, formulant l’espoir qu’« aucune entrave, aucune dérive » ne viennent altérer l’échéance de l’élection présidentielle de 2004 et celle du scrutin législatif de 2005. Il a également recommandé que soit mené à terme le processus de réforme économique, administrative et judiciaire, soulignant qu’il y allait de la crédibilité du pays. Il a enfin plaidé pour une « redéfinition progressive » des relations libano-syriennes, ouvrant la voie à un départ des troupes de Damas conformément à l’accord de Taëf, insistant par ailleurs sur la nécessité, pour l’État libanais, de restaurer son autorité sur la totalité du territoire national.
Sur le thème « Un modèle meurtri », la première table ronde de la journée avait débuté par un exposé de M. Bassem Jisr, vice-président du Mouvement du renouveau démocratique, qui a déploré l’effet néfaste des interférences régionales sur une formule libanaise dont on assiste aujourd’hui à la résurrection. Le Dr Ghada Abdallah Yafi, après avoir dénoncé « les vices de structure », notamment en matière de représentation nationale, a appelé à une implication réelle du citoyen dans l’activité politique, demandant notamment que des ponts soient jetés entre les systèmes scolaires du pays.
M. Salah Honein, député de Baabda, a dénoncé les lacunes et insuffisances de l’accord de Taëf, « qui, bien que constitutionnel, ne concrétise pas la foi nationale » et qui, de surcroît, n’a pas été convenablement appliqué. Proclamant son attachement à la démocratie plurielle et consensuelle, M. Honein a reproché à l’accord de Taëf d’« avoir accentué l’ancrage à un confessionnalisme pur et dur » tout en prônant l’abolition par étapes du même confessionnalisme. Il a plaidé pour l’institution du mariage civil et du suffrage universel pour l’élection du président de la République, doublée d’une rotation communautaire des deux autres présidences.
Suivant à prendre la parole, le politologue Joseph Maïla, doyen de la faculté des sciences sociales et économiques de l’Institut catholique de Paris, a mis en relief « la formidable résistance » du système libanais, évoquant le communautarisme de droit au Liban et celui, de fait, qui règne dans maints pays arabes. M. Séoud al-Mawla, professeur de sociologie à l’Université libanaise et directeur du centre du dialogue à l’Université Saint-Joseph, a fait l’apologie de la coexistence, développant à cette fin les thèses de l’imam Mohammed Mahdi Chamseddine.
Lors de la deuxième table ronde, axée sur « Les scénarios géopolitiques pour le futur », M. Frédéric Encel, professeur à l’Institut des études politiques de Rennes, a fait part de sa conviction totale que le Liban redeviendra un pays souverain, se fondant pour cela sur les transformations qui, selon lui, attendent la région du Proche-Orient.
M. Samir Frangié, membre du Rassemblement de Kornet Chehwane, a souligné que le Liban, seul parmi les pays du Moyen-Orient dont l’existence a toujours été contestée par ses voisins, reste paradoxalement, malgré les faiblesses inhérentes à la nature de son régime, le seul modèle à suivre. Il a estimé que les Libanais peuvent tirer profit de ce moment historique pour recouvrer leur indépendance « à condition qu’ils fassent d’abord la double preuve de leur maturité et de leur utilité ». Ce recouvrement peut être facilité, a-t-il poursuivi, par trois facteurs : l’unité nationale, le changement en Syrie et l’instauration d’un nouvel ordre régional.
M. Misbah Ahdab, député de Tripoli, a accusé le pouvoir libanais d’abuser de la couverture syrienne pour se livrer à des pratiques antidémocratiques, rejetant par ailleurs la notion de pertes et de profits en termes communautaires, car, a-t-il dit, « tout ce qui est bon pour le Liban fait de tous des gagnants », l’inverse étant vrai aussi.
M. Khattar Abou-Diab, politologue spécialiste du Moyen-Orient, a vu dans le Liban « le maillon faible de toute une chaîne d’intérêts régionaux », s’attachant à responsabiliser les Libanais dans l’entreprise de réhabilitation de leur pays : « Pour mériter leur terre, ils doivent être unis », a-t-il notamment affirmé.
Le Dr Farès Souhaid, député de Jbeil, a fait valoir qu’alors qu’il convient d’accorder des droits aux citoyens, c’est des garanties qu’il faut offrir aux communautés libanaises. Il a souligné que la liberté est gravement menacée au Liban, « car l’État n’est pas souverain et la population n’est pas en mesure de désigner ses représentants ».
M. Antoine Sfeir, journaliste et politologue, président du Centre d’études et de réflexions sur le Proche-Orient, s’est demandé s’il existe réellement un modèle libanais mettant l’accent sur la fâcheuse vitalité des réflexes communautaires et déplorant que peu d’efforts aient été déployés à ce jour, par les uns et les autres, pour mieux se connaître.
En clôture de la session du matin, a été donnée lecture du message adressé à ce colloque par le patriarche maronite, le cardinal Sfeir, actuellement en visite à Paris, puis de celui envoyé par le dignitaire chiite sayyed Mohammed Hussein Fadlallah ; après quoi le président Amine Gemayel a prononcé une allocution dans laquelle il a évoqué la nécessité d’un dialogue serein avec la Syrie (lire par ailleurs des extraits de toutes ces communications).

Prélèvements syriens directs
et indirects
À la reprise, après un déjeuner typique libanais servi dans les salons De Boffrand du Sénat par le restaurant Fakhr el-Dine, les participants se sont penchés sur les difficultés économiques et financières que connaît le Liban. M. Ibrahim Maroun, professeur de sociologie économique à l’Institut des sciences sociales de l’Université libanaise s’est alarmé de la diminution continue de la population libanaise (de l’ordre de 100 000 personnes par an) due à l’émigration, dénonçant par ailleurs le dumping de produits syriens qui a provoqué la faillite de milliers d’entreprises libanaises et l’entente liant les banques en matière de resserrement des crédits. Il a prôné un minimum de protection pour les produits nationaux, la révision des accords commerciaux « inégaux » passés avec la Syrie, une baisse des taux d’intérêt, une relance du bâtiment et une réorganisation du travail des étrangers.
M. Pierre Daher, président-directeur général de la chaîne libanaise LBC, a brossé un tableau de la situation des médias audiovisuels au Liban et au Moyen-Orient. Il a affirmé que la création de la LBC en 1985 marquait la première infraction à la règle générale voulant que la télévision soit la chasse gardée des gouvernements. Il a déploré la « malheureuse et maladroite » fermeture de la station MTV l’an dernier, illustrant, a-t-il dit, le fait que la liberté d’expression reste relative et soumise à « des lois non écrites mais plus puissantes que les textes ». Abordant la question du financement des stations, M. Daher a assuré que les libertés publiques, la démocratie, l’égalité et la justice font partie d’un tout garantissant aussi bien le respect des droits du citoyen que la bonne marche des affaires.
M. Jean-Michel Severino, directeur général de l’Agence française de développement (AFD), a exposé les projets d’assistance au Liban dans les domaines de l’eau et de l’aménagement urbain. Il a souligné la nécessité d’une entente politique pour mettre en place une action économique. De son côté, M. Olivier Imbavet, vice-président du groupe Méditerranée et directeur général d’Air Liquide, a réclamé l’institution d’un service normatif en matière de livraison de gaz aux industries et hôpitaux libanais, tandis que M. Jean Jaujay, directeur à l’EDF, a relevé les « fraudes et tarifications inadéquates » dans le réseau électrique libanais.
M. Joe Faddoul, président de BML Istisharat, a vu dans « les prélèvements directs et indirects », dont se rendrait coupable la Syrie, l’une des raisons du déficit libanais. Au nombre des premiers, et sous un tonnerre d’applaudissements, il a cité le détournement du trafic téléphonique international, le racket frappant les importations de combustibles et le Casino du Liban, les subventions dont bénéficient des produits importés de Syrie et même le trucage des courses hippiques. Quant aux prélèvements indirects, ils auraient trait à des expropriations de terrain fictives et aux opérations de l’EDL et de la MEA.
M. Ibrahim Tabet, président-directeur général de Stratégies-DDB, a indiqué qu’en plein processus de mondialisation, le Liban se trouvait menacé de marginalisation. Il s’est dit convaincu que le principal atout stratégique de notre pays résidait dans son potentiel culturel (industrie des loisirs, information, édition, mode, musique, etc.)
M. Antoine Messarra, politologue, sociologue et professeur d’universités, a plaidé à son tour pour « une politique citoyenne » où tous les problèmes sans exception seraient soulevés et traités sous l’angle du citoyen usager, consommateur et bénéficiaire. Il n’existe pas, a-t-il affirmé, de solutions par la politique telle qu’elle est entendue et pratiquée par la plupart des politiciens, mais par une politique réhabilitée.
Enfin M. Jean-Claude Boulos, président de l’Association internationale de la publicité (IAA), a dégagé les trois axes d’espérance suivants : le potentiel considérable des Libanais expatriés, la création d’une puissante organisation des publicitaires arabes et le caractère francophone du Liban, lequel devrait être consacré par la création avec l’aide de la France d’une chaîne libanaise francophone.
Longue journée libanaise hier jeudi dans la salle Clemenceau du Sénat français à Paris où s’est tenu un colloque sur le thème « Le Liban, les défis de l’avenir », et cela à l’initiative et sous la présidence de M. Adrien Gouteyron, sénateur de la Haute-Loire, vice-président du Sénat et président du groupe d’amitié France-Liban. Les débats, animés par le...