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RENCONTRE - Une historienne mexicaine retrace la vie des premiers émigrés libanais Martha Diaz de Kuri : Écrire pour préserver le passé et continuer l’histoire(photo)

Comprendre la culture d’un peuple à travers sa cuisine. Essayer de trouver les points communs entre deux civilisations en comparant leurs habitudes culinaires. L’approche est originale. Martha Diaz de Kuri est mexicaine. Orthodontiste au départ, elle a décidé de donner une autre dimension à sa carrière. Devenue historienne, sans pour autant quitter complètement sa clinique de Mexico, elle a rédigé une dizaine de livres. Deux d’entre eux traitent de l’émigration libanaise au Mexique.

Martha Diaz de Kuri, en visite au Liban la semaine dernière à l’invitation de l’ambassadeur du Mexique, Arturo Puente Ortega, est bien placée pour présenter ces deux cultures. Jeune dentiste à Mexico, elle épouse José Kuri, Mexicain d’origine libanaise.
Mme Martha Diaz de Kuri, la cinquantaine, relève d’emblée que l’intérêt qu’elle porte au Liban n’a pas été déclenché par son mariage mais bien plus tôt. Depuis sa plus tendre enfance, elle avait des camarades de classe, des voisins et des amis libanais.
Du Liban au Mexique, chronique des émigrés, son premier livre sur le Liban, rédigé conjointement avec une Mexicaine d’origine libanaise, Lourdes Makhlouf, traite – comme son nom l’indique – de l’histoire de cette émigration. Mais Martha Diaz de Kuri ne s’est pas contentée d’un traité sec qui retrace l’histoire des 500000 émigrés libanais présents au Mexique depuis 1878, avec l’arrivée sur les côtes mexicaines du premier Libanais, Boutros Raffoul.
À cette époque et jusqu’en 1920, les Libanais fuyaient l’Empire ottoman et la pauvreté. De plus, raconte-t-elle, rares étaient ceux qui avaient choisi le Mexique comme destination initiale. Ils voulaient tout simplement partir en Amérique, ce nouveau monde, la terre des rêves et des opportunités. Mais souvent ils étaient confrontés à la fermeture des ports de New York et les cargos qui les transportaient redescendaient la côte de l’Atlantique… Beaucoup d’entre eux restaient au Mexique en espérant pouvoir s’établir plus tard aux États-Unis. Mais rares étaient ceux qui décidaient effectivement de repartir.
Avant de rédiger son premier ouvrage, l’historienne a sillonné trois ans durant le Mexique pour recueillir les histoires des premiers émigrés. C’est sa famille, ses deux fils surtout, qui l’a incitée à faire ce travail. « Je voulais que toute cette histoire orale de l’émigration libanaise soit écrite pour qu’elle ne se perde pas », explique Martha Diaz de Kuri. Et de poursuivre : « Je voulais que les histoires racontées par mes beaux-parents soient préservées, intactes, afin que mes arrière-petits-enfants qui porteront le sang libanais connaissent, à l’instar de mon mari et de mes fils, le quotidien, les souffrances et les joies des premiers émigrés. »

Des émigrés de la troisième génération attachés au Liban
Son premier livre sur l’émigration libanaise est un succès au Mexique au point que le richissime mexicain d’origine libanaise Michel Doumit Gemayel lui demande d’écrire l’histoire de sa propre famille. C’est ainsi que Martha effectue un premier séjour au Liban, il y a tout juste trois ans.
La semaine dernière, elle était à Beyrouth à l’invitation de M. Puente Ortega, qui veut présenter aux Libanais d’aujourd’hui l’histoire de leurs compatriotes qui avaient choisi il y a longtemps le Mexique comme terre d’accueil. « C’est comme pour dire que la vie a continué différemment pour ces émigrés ; leur histoire ne s’est pas arrêtée avec leur départ du Liban », explique Martha Diaz de Kuri en poursuivant que ces « Libanais, fils d’émigrés, plus d’un siècle plus tard, ont préservé intact l’amour qu’ils portent à leur pays, même s’ils ne l’ont jamais vu ». « C’est l’histoire transmise oralement et les traditions préservées qui permettent jusqu’à présent, même aux émigrés de la troisième génération, de tenir à leur pays d’origine », dit-elle.
Ces Libanais n’iront pas enregistrer leurs nouveau-nés à l’ambassade libanaise de Mexico, n’apprendront pas à parler l’arabe mais préserveront d’autres traditions, notamment l’art culinaire et les rites autour d’un repas.
Du Liban au Mexique, la vie autour de la table, le deuxième ouvrage de Diaz de Kuri et Makhlouf, présente la dimension sociale de la cuisine libanaise et les traits de caractère communs aux émigrés à travers les plats cuisinés, notamment l’adaptabilité, la convivialité et l’hospitalité. En d’autres termes, la dimension sociale de la cuisine libanaise. Et l’auteur de donner l’exemple de l’adaptabilité, notant que le taboulé au Mexique est de loin plus épicé que le plat préparé au Liban. Les premiers Libanais, n’ayant pas trouvé les piments doux qu’ils avaient chez eux, ont modifié les ingrédients de certains plats sans pour autant renoncer à la recette.
Le livre présente aussi les recettes des plats traditionnels libanais et ceux qui marquent certaines occasions, comme le «moghli» pour les naissances.
Sait-elle confectionner de bons petits plats libanais ? Bien sûr, elle a tout appris de sa belle-mère.
Martha Diaz de Kuri écrira certes d’autres livres « sur l’histoire des émigrés qui ne s’est pas arrêtée quand ils ont quitté le Liban mais qui s’est poursuivie au-delà des frontières ». Elle souhaite également que ses ouvrages écrits en espagnol soient traduits en français, en anglais ou en arabe, des langues accessibles aux Libanais qui s’intéressent au sujet.
Au cours de son séjour au Liban, Martha Diaz de Kuri a donné des conférences dans plusieurs universités. Elle était accompagnée de son époux mexicain d’origine libanaise, José, dentiste, qui effectuait, lui, son premier voyage au Liban.

Patricia KHODER
Comprendre la culture d’un peuple à travers sa cuisine. Essayer de trouver les points communs entre deux civilisations en comparant leurs habitudes culinaires. L’approche est originale. Martha Diaz de Kuri est mexicaine. Orthodontiste au départ, elle a décidé de donner une autre dimension à sa carrière. Devenue historienne, sans pour autant quitter complètement sa clinique...