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Berry se fait le champion de la résistance anti-Siniora

Après le couac de la séance avortée de questions-réponses, le Parlement, qui se met en vacances d’été, tente de terminer sa saison active en beauté. En lançant une guerre préventive contre les visées fiscales de Siniora. En effet, Nabih Berry a réuni les députés en privé pour leur recommander de refuser tout gonflement du chapitre des impôts, et des taxes, dans le projet de budget 2004 qu’ils devront étudier à la rentrée d’octobre. Dans le même sens, le président de la Chambre a publiquement prié le gouvernement de ne pas imposer de nouvelles charges à la population, qui n’en peut plus et ploie déjà sous le fardeau d’une lourde récession. Et de chercher d’autres ressources pour amortir la dette publique ou réduire le déficit budgétaire.
Ce brusque avertissement solennel est assez mal pris par les gouvernementaux. Qui, s’ils ne craignaient en professionnels prudents qu’on ne leur retourne facilement le compliment, parleraient volontiers de démagogie. Ces responsables soulignent, en effet, que Berry avait donné un aperçu de ses conceptions financières en faisant rejeter par son bloc, comme par ses ministres, la décision de tripler le tarif de l’abonnement électrique. De l’obstruction déraisonnable, à leur avis, dans la mesure où le bloc Berry avait déposé, sous le précédent gouvernement, une motion réclamant l’annulation pure et simple des arriérés de quittances antérieures à 1996. Les sources ministérielles soutiennent que le camp berryiste fait tout pour que l’EDL, dont la situation catastrophique est pourtant flagrante, non seulement ne rentre pas dans ses fonds, mais ne puisse pas espérer améliorer ses rentrées. En fait, ce que ces contempteurs laissent entendre à mi-mots, c’est que c’est principalement la clientèle politique régionale connue des berryistes qui profite, depuis des années, de l’électricité sans la payer, l’office se rattrapant un peu sur les régions qui paient, c’est-à-dire sur l’Est. Dans cette optique, le refus berryiste d’une surtarification qui ne concerne pas vraiment son électorat peut être considéré comme un geste à l’égard des pigeonnés. Mais il doit être surtout pris, redisent les ministres cités, comme une attitude populiste. D’autant plus déplorable, concluent-ils, qu’à d’innombrables occasions, ce sont les proches du président de la Chambre qui ont causé des trous dans le budget de l’État.
D’autres politiciens pensent que Berry s’est dit in petto, et en quelque sorte : puisque Hariri semble affaibli, allons-y, attaquons-le sur le flanc. À leur avis, ce ne serait pas tellement pour essayer de déboulonner le milliardaire, dont le départ n’arrangerait pas vraiment le président de la Chambre. Mais pour pouvoir plus facilement empêcher l’adoption de mesures fiscales impopulaires que le gouvernement, où il est quand même bien représenté, se verrait obligé de prendre dans le cadre du prochain budget général. En étant bien placé pour savoir qu’aux termes de la Constitution, le Parlement peut amender le projet gouvernemental mais ne peut pas le récuser en bloc. Ce qui signifie que si le pouvoir exécutif voulait s’entêter, il aurait fatalement le dernier mot.
Mais les haririens affirment, au stade actuel, qu’ils ne comptent pas en faire une affaire d’État. Plus exactement, ils soutiennent que la Chambre sera mise devant ses responsabilités : si les députés ne veulent pas de nouveaux impôts, il leur faudra trouver une solution de substitution. C’est-à-dire comprimer les dépenses publiques, en commençant par trancher dans les budgets qui sont alloués à leurs circonscriptions. Et en finissant par accepter d’élaguer l’Administration, d’en couper les branches mortes, entendre les hommes à eux qu’ils y ont placés ! En d’autres termes, pour refuser les taxes, les parlementaires devront envisager de perdre leur popularité et leurs strapontins aux prochaines élections.
C’est là, cependant, une argumentation un peu irréaliste. Parce que les députés, comme Berry l’a fait pour l’électricité, peuvent très bien dire non aux impôts sans rien proposer d’autre. De plus, le jeu est plus pervers qu’il n’y paraît, sur le plan comptable. On sait en effet que sur le papier, Siniora a réduit le budget de l’année en cours de 25 %, mais qu’il n’en est rien en pratique. De même, le rythme de pompage des fonds publics, sans compter le service de la dette, reste tel qu’on voit mal comment le ministre va pouvoir faire baisser la barre à moins de 20 % au cours du prochain exercice. Et on voit encore moins comment il peut tenir la promesse d’équilibrer le budget libanais d’ici à trois petites années. Pour les professionnels, ce sont des propos de pure forme, destinés simplement à endormir un peu le Fonds monétaire international, qui se fait pressant. De la poudre aux yeux, d’autant que les engagements de compression et de réforme pris à Paris II n’ont pas été tenus.
Cependant, le président Lahoud insiste pour que l’on mette en branle la réforme administrative, condition première du redressement, et il en a discuté ces derniers temps avec plusieurs ministres en ce qui concerne leurs départements propres. Le président du Conseil chemine dans la même direction, en répétant d’ailleurs que la responsabilité est commune. Quant à Siniora, il prépare d’ores et déjà le fameux bordereau numéro 9, porteur dans le budget des créneaux relatifs aux impôts indirects qu’on peut alourdir. Ou qu’on peut doter de saillants nouveaux appendices.
Philippe ABI-AKL
Après le couac de la séance avortée de questions-réponses, le Parlement, qui se met en vacances d’été, tente de terminer sa saison active en beauté. En lançant une guerre préventive contre les visées fiscales de Siniora. En effet, Nabih Berry a réuni les députés en privé pour leur recommander de refuser tout gonflement du chapitre des impôts, et des taxes, dans le...