Opinion La Fierté qui dérange

Dans l’opinion publiée le 9 juillet dans L’Orient-Le Jour sous le titre « Mœurs, libération et provocation » à propos des marches de la « Fierté gay et lesbienne » à travers le monde, se trouve critiquée la tolérance en Occident, « qui a atteint un niveau proche du laxisme », alors qu’est occultée la persécution systématique dont font l’objet les homosexuel(le)s dans notre pays.
La publication de cet article a coïncidé en effet avec celle, dans un autre quotidien beyrouthin, de témoignages de deux gays et d’une lesbienne – tous libanais – qui ont révélé leur homosexualité à leurs parents. Le premier s’est fait licencier par son propre père, le deuxième a été violemment battu et menacé de mort par ses frères, et la troisième a dû être hospitalisée après avoir eu l’arcade sourcilière fendue par un coup de poing asséné par son frère aîné.
La répression ne se limite pas à la famille. Les homosexuel(le)s sont souvent soumis(es) à des arrestations arbitraires et même à un « examen anal » opéré par un médecin légiste, un traitement dégradant et inhumain, sans aucune valeur scientifique.
Pis encore, le projet de réforme du code pénal prévoit de durcir l’article 534, qui réprimerait nommément « l’homosexualité masculine et féminine » en élargissant l’objet du délit de « l’acte sexuel contre nature » à « toute relation sexuelle contre nature », et qui doublerait la peine de prison d’une amende.
Les homosexuel(le)s d’Europe ont souffert sous le joug des nazis, qui les ont forcés à porter un triangle rose avant de les rassembler dans des camps d’extermination, tandis que ceux des États-Unis ont mené une longue lutte qui vient tout juste d’être couronnée de succès par l’abolition des lois prohibant les rapports entre deux personnes de même sexe.
Pas plus « permissive » que le légendaire Carnaval de Rio ou un mardi gras typique à La Nouvelle-Orléans, la « Fierté gay » n’est autre qu’une célébration de droits acquis au terme de profondes souffrances et d’innombrables sacrifices. Des droits qui manquent cruellement au Liban avec, au premier chef, le droit à la différence.

Ralph SHAYNE