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démocratie - Le rapport du département d’État très critique envers l’État libanais Beyrouth riposte et reproche à Washington sa vision « ambivalente »

La riposte libanaise à la publication par le département d’État américain de son premier rapport annuel sur la démocratie et les droits de l’homme dans le monde ne s’est pas fait attendre. Alors même qu’il a affirmé ne pas avoir reçu jusque-là une copie officielle du texte du rapport, notamment dans sa partie consacrée au Liban, le ministre des Affaires étrangères, Jean Obeid, s’est livré hier à une longue critique de ce document qui, naturellement, ne ménage pas l’État libanais et lui adresse des reproches devenus désormais traditionnels.
M. Obeid reconnaît que l’état de la démocratie et des droits de l’homme est loin d’être parfait au Liban, mais, à l’instar de tous ses prédécesseurs et de l’ensemble des dirigeants, il finit par céder à la tentation d’excuser un mal par un autre, évoquant tantôt les méfaits de la guerre au Liban, tantôt les agissements d’Israël à l’égard des Palestiniens et tantôt les imperfections de la démocratie dans le monde entier, y compris même chez l’auteur du rapport, c’est-à-dire aux États-Unis. Il s’abstient toutefois – pour le moment – d’opposer le moindre démenti aux affirmations contenues dans ce document.
Rendu public mardi, ce rapport, qui est disponible sur le site internet du département d’État, est en réalité distinct de celui que publie chaque année ce ministère sur la situation des droits de l’homme dans le monde, dont la dernière version, sortie il y a quelques mois, était d’ailleurs relativement indulgente pour les autorités libanaises.
Dans le cas présent, il s’agit d’un texte qui doit être soumis au Congrès américain et qui relate dans le détail les efforts et les activités du ministère et des agences qui en dépendent dans 92 pays du monde, pour y encourager la démocratie et le respect des droits de l’homme. Afin de pouvoir évaluer les besoins, une description plus ou moins rapide de la situation dans chacun de ces pays s’imposait.
S’agissant du Liban, le rapport va droit au cœur des problèmes qui se posent dans ce pays. Il y constate notamment un système judiciaire « sous influence » du pouvoir politique, des prisons « surpeuplées », des arrestations et des détentions « arbitraires » d’opposants et des « abus » de la part d’agents des forces de l’ordre sur la personne des détenus. Il relève en outre que les libertés religieuses, de rassemblement et d’association sont « restreintes ».
Le texte dénonce l’absence de transparence dans l’exercice des pouvoirs politique et judiciaire, estimant qu’il s’agit là d’une cause essentielle des difficultés que connaissent les droits de l’homme dans ce pays.
Pour ce qui est de la démocratie, il constate une impossibilité pour les citoyens d’exercer leur droit à changer de gouvernement et attribue ce fait à plusieurs facteurs, parmi lesquels « l’absence de contrôle de la part du gouvernement sur de larges portions du territoire », les « lacunes » du système électoral, les irrégularités du scrutin législatif de l’an 2000 et, naturellement, « l’influence syrienne ».
Puis le rapport détaille les programmes engagés par Washington au Liban pour contribuer à y renforcer la démocratie. Il évoque notamment une donation d’un million de dollars de l’Agence des États-Unis pour le développement international (USAid) dans le cadre du programme intitulé « Transparence et contrôle », six millions de dollars pour le programme « démocratie et gouvernance », ainsi que 200 000 dollars pour le renforcement, en particulier, des administrations locales (municipalités).
D’autre part, 544 élus locaux, parmi lesquels des présidents et vice-présidents de conseils municipaux, issus de 350 municipalités du Liban, ont participé à 13 ateliers parrainés par l’USAid destinés à développer leurs capacités de gestion administrative et financière ainsi que leurs ressources humaines.
L’agence américaine a aussi accordé 29 dons, d’un montant atteignant dans certains cas 25 000 dollars, pour soutenir les activités d’organisations non gouvernementales et autres organismes de la société civile.
Par ailleurs, le rapport mentionne les efforts déployés par l’ambassade des États-Unis à Beyrouth pour amener les autorités libanaises à lutter plus efficacement contre le trafic des personnes, un fléau qui, hélas, revient souvent ces dernières années dans les rapports sur les droits de l’homme au Liban.
Un don de 330 000 dollars, destiné à l’édification d’un asile pour les victimes de trafic de personnes, a notamment été accordé dans ce domaine.
Sur un autre plan, l’ambassade a financé la participation de cinq femmes libanaises à un programme aux États-Unis visant à promouvoir à travers la région le rôle de la femme dans la vie politique.
Enfin, une ONG américaine, l’Institute of World Affairs, a été chargée par le département d’État de gérer un projet de réconciliation entre chrétiens et musulmans dans trois villages libanais, que le rapport n’identifie pas. Ce projet, indique le texte, est actuellement en voie de devenir un modèle pour d’autres efforts de réconciliation à travers le Moyen-Orient.

Les commentaires
de Obeid
Réagissant à ce rapport, ou plutôt à sa partie descriptive de la situation au Liban, le chef de la diplomatie a commencé par indiquer qu’il n’avait pas encore été notifié du texte littéral. « Nous le commenterons en détail dès que nous aurons pris connaissance de l’intégralité du document », a-t-il dit dans une déclaration à la presse.
« Pour ce qui est des grandes lignes, je voudrais préciser que la démocratie et la justice idéales sont inexistantes tant chez nous que chez les autres et que l’insatisfaction à cet égard, petite ou grande, est partout », a-t-il ajouté.
« La démocratie s’est arrêtée au Liban pendant vingt ans. L’État était en panne », a souligné M. Obeid. « Pendant vingt ans, le processus démocratique a été gelé et la justice était soumise à des pressions durant la guerre. » Aujourd’hui, « nous avons repris ce processus et nous nous efforçons de corriger notre démocratie », a-t-il dit, affirmant que le Liban cherche actuellement à « passer d’une loi (électorale) incomplète à une loi capable de servir pour plusieurs scrutins ». En fin de compte, a-t-il poursuivi, « nous nous devons d’améliorer notre situation démocratique et judiciaire de façon continue ».
« Indépendamment des demandes, des conditions posées et des menaces lancées à partir de l’étranger », il faut toujours garder à l’esprit que « nul ne peut se permettre de donner des leçons aux autres et s’en dispenser lui-même, qu’il s’agisse de grandes puissances ou d’États de taille moyenne ou modeste », a enchaîné le ministre.
« Nous avons pu voir ce que les guerres, et notamment la dernière (en Irak), ont détruit en matière de symboles de démocratie et de justice dans beaucoup de pays », a-t-il relevé.
M. Obeid a, en outre, reproché aux États-Unis de « ne regarder que d’un seul œil et avec ambivalence tout ce qui se passe hors d’Israël ». « Pour notre part, nous souhaitons que l’Amérique utilise ses deux yeux en optant pour un seul et même point de vue », a-t-il lancé.
« En Israël, il y a des mises à mort qui précèdent les accusations. Les tueries, les assassinats et les destructions se font sur des soupçons en Cisjordanie. On ne cherche même pas à faciliter la tâche des modérés en Palestine », a-t-il accusé.
Pour le ministre, « la crédibilité des propos que tiennent les Américains serait autrement plus grande lorsque les États-Unis auront fait cesser les assauts quotidiens lancés en Palestine contre les lois humaines, la démocratie et la justice ».
Il a aussi évoqué implicitement les arrestations menées par les États-Unis après le 11 septembre d’individus « détenus uniquement sur soupçons, sans procès et sans qu’ils ne soient remis aux autorités de leurs pays ».
Tout cela « ne nous dispense pas de rectifier la situation chez nous. Mais nous faisons cela parce qu’il est bon pour nous de le faire, pas parce que les autres nous adressent des reproches ou nous posent des conditions », a-t-il conclu, en affirmant qu’il est « partisan du renforcement de la démocratie et de la justice » et qu’il appelle « avec insistance » à combler les lacunes dans ce domaine, à condition que les mêmes critères s’appliquent à tous.
La riposte libanaise à la publication par le département d’État américain de son premier rapport annuel sur la démocratie et les droits de l’homme dans le monde ne s’est pas fait attendre. Alors même qu’il a affirmé ne pas avoir reçu jusque-là une copie officielle du texte du rapport, notamment dans sa partie consacrée au Liban, le ministre des Affaires étrangères,...