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Actualités

«Le Hezbollah est une réalité libanaise et ne reçoit d’instructions de personne»(photo)

Une heure de véritable bonheur. Un chef d’État si généreux de son temps et si ouvert à toutes les questions, c’est bien rare de nos jours. Le président Mohammed Khatami a bien montré, dans la conférence de presse qu’il a tenue hier matin à l’hôtel Phoenicia, qu’il était un homme de dialogue. Et la modération qu’il n’a cessé de prôner dans chacun de ses discours apparaît dans toutes ses réponses, comme l’expression d’une conviction profonde. En plus de soixante minutes, le chef de l’État iranien a donc abordé tous les thèmes de l’actualité : des contacts entre Américains et Iraniens à Genève, à la structure du Hezbollah, qui, selon lui, est un parti purement libanais, à la « feuille de route », en passant par les plans américains en Irak et les menaces contre la Syrie, le Liban et l’Iran, ainsi que les attaques terroristes contre l’Arabie saoudite. S’il a répété des positions déjà développées, il a aussi pris le temps de plaisanter, doublant souvent son traducteur et laissant aux journalistes présents une impression de chaleur et de bienveillance. On est bien loin de l’image austère des mollahs en tenue sombre et à l’allure sévère. Dans un des salons de l’hôtel Phoenicia, aménagé pour la circonstance, le président iranien est apparu comme un homme ouvert, allant lui-même au devant des journalistes et distribuant sourires et salutations avec une grande simplicité. Le ton avait d’ailleurs été donné par ses adjoints. Si les services libanais étaient en charge de la sécurité, ce sont les Iraniens qui ont organisé la conférence et aucune contrainte n’avait été imposée aux journalistes. En plus d’une heure, un seul journaliste iranien a pu poser une question et le président n’y a pas répondu, précisant qu’il faut laisser le tour aux Libanais. À un autre, fier d’étaler ses connaissances en persan, il a déclaré : « Parlez donc en arabe, nous sommes au Liban. » Et lorsque Robert Fisk (de The Independent britannique) a posé une question en anglais et que le traducteur tardait à faire son job, Khatami lui a demandé : « Voudriez-vous que je traduise moi-même ? » Ce qui ne l’a pas empêché d’éviter de répondre à la question, qui était formulée ainsi : « D’après vous, que sont venus faire les Américains en Irak ? » Et Khatami a lancé : « Vous me prenez pour George Bush ? C’est à lui que vous devriez poser cette question. » Mais à la fin de la conférence, le président iranien s’est avancé vers Fisk, l’invitant en Iran. Un journaliste en a profité pour lui demander si Téhéran possède des armes chimiques, et le président a souri : « Désolé, il fallait poser cette question pendant la conférence. Maintenant c’est fini. » Les contacts de Genève ne sont pas récents Tout cela pour donner une idée de l’atmosphère détendue qui a régné tout au long de la conférence, où, avec ses yeux vifs et son amabilité, le président de la République islamique d’Iran a réussi à mettre les journalistes en confiance. La première question a porté évidemment sur les contacts entre Iraniens et Américains à Genève et sur l’éventualité de la conclusion d’un accord portant sur la neutralisation des Moujahidine Khalq en contrepartie d’une non-ingérence iranienne en Irak. Le président Khatami a précisé à ce sujet que les contacts avec les États-Unis ont commencé il y a un ou deux ans, sous l’égide des Nations unies. Ils ne sont pas liés aux derniers développements. « Il s’agissait essentiellement de discuter de la situation en Afghanistan, qui était alors à l’apogée de sa complexité. Il y en aura d’autres, au sujet de la situation en Irak, mais je m’étonne que l’on en parle comme s’il s’agissait de contacts récents. Les divergences entre les Américains et les Iraniens sont très importantes et nous considérons que ce sont les Américains, à travers leur politique, qui empêchent leur résorption. Dès le départ, notre position dans l’affaire irakienne était très claire : nous avions des problèmes avec le régime de Saddam, mais nous étions opposés à l’invasion américaine de ce pays. Pour nous, la seule solution est que les Irakiens puissent décider eux-mêmes de leur sort et qu’il y ait ainsi un pouvoir populaire, national, représentatif de toutes les factions de la population, selon des critères démocratiques. Concernant le groupe terroriste que vous évoquez, nous constatons malheureusement qu’il existe une sorte d’entente entre ses membres et les États-Unis. Nous espérons que les Américains modifieront leur attitude et traiteront ce groupe conformément à leur guerre contre le terrorisme. » L’invasion américaine de l’Irak était une erreur Selon lui, il est dans l’intérêt de la région que les Américains laissent la gestion de l’Irak aux Irakiens. « Je suis convaincu que ce peuple ayant une grande histoire n’accepte pas l’occupation américaine. Les Américains devraient donc se retirer au plus tôt pour céder la place à un pouvoir populaire nationaliste, représentatif de toutes les parties. Le mieux serait un conseil de commandement parrainé par les Nations unies qui devrait procéder à des élections libres auxquelles tous les Irakiens pourraient participer. » Khatami a ajouté que l’occupation de l’Irak par les Américains est « une grande erreur, sur le plan moral et sur le plan politique. La chute de Saddam n’a fait de peine à personne, mais la méthode utilisée est inquiétante pour l’humanité. D’autant que cette occupation contredit le principe du dialogue des civilisations dont le sort doit être décidé par l’humanité entière ». Interrogé sur son appui à l’État libanais et à la Résistance, Khatami a adressé un hommage à cette résistance qualifiée, selon lui, de libanaise. « C’est tout le Liban qui a béni cette Résistance et elle lui appartient. Grâce à leur solidarité, les Libanais ont créé cette Résistance qui a réussi à chasser l’ennemi de son territoire. Une partie du territoire est encore occupée et tant qu’elle le restera, la résistance sera légitime. » Au sujet des menaces américaines contre le Liban, la Syrie et l’Iran, Khatami a rappelé que la vraie menace dans la région est le fait d’Israël, avec son arsenal d’armes de destruction massive. « Israël refuse de signer les accords contre la prolifération des armes et les États-Unis qui mènent campagne contre les armes de destruction massive continuent d’appuyer Israël. Il n’y a aucune limite devant ce pays. Le problème, c’est que les États-Unis ne font pas la différence entre le terrorisme et la résistance contre l’occupation. Tant qu’ils ne modifieront pas leur approche, le problème demeurera. Avec la Syrie et le Liban, nous avons de bonnes relations. Nous n’intervenons pas dans nos affaires réciproques, mais nous œuvrons en vue de la réalisation du droit et de la justice. » Le Hezbollah n’a pas besoin d’armes de l’étranger Prié de dire s’il a conseillé au Hezbollah de geler ses opérations, le président iranien a répondu que ce parti est « une réalité libanaise et il ne reçoit ses instructions d’aucune partie étrangère. Nous autres, nous défendons le droit à la résistance tant qu’un territoire est occupé. Mais je ne crois pas que le Hezbollah ait besoin d’armes envoyées de l’étranger pour mener à bien son action. Il a les moyens nécessaires pour cela. Quant à nous, nous n’intervenons pas dans les affaires internes d’un pays, ni au Liban ni en Palestine ». Au sujet de l’extrémisme, Khatami a précisé qu’il a toujours appelé à la modération « car l’extrémisme est nuisible à l’humanité. Surtout maintenant que des armes terriblement destructrices existent. L’extrémisme entraîne la violence et le terrorisme. Nous condamnons ce qui s’est passé en Arabie saoudite. J’ai d’ailleurs envoyé un message de condoléances au roi Fahd et au prince héritier Abdallah. Ce genre d’actes donne des prétextes à ceux qui souhaitent imposer des guerres aux peuples et ils n’entraînent qu’un regain de violence ». Évoquant la difficulté de prôner un islam moderne et ouvert, alors qu’en Iran même les courants extrémistes sont importants, Khatami a déclaré que ces divergences « existent partout et dans toutes les religions. Mais le propre de l’islam ouvert est d’accepter l’autre et d’accepter les divergences ; ce qui n’est pas le cas de l’islam extrémiste. Les idées religieuses se renouvellent et les divergences d’opinion sont un signe de développement. Il faut bien que l’islam réponde aux exigences de l’époque et que l’on trouve un lien entre la foi et la liberté. Notre époque souffre du manque de foi et de morale. Nous, nous voulons la liberté, et l’Occident veut la foi et la morale ». Au sujet de la situation en Palestine, Khatami a estimé que « les États-Unis ne sont pas un arbitre neutre. Mais il ne peut y avoir de stabilité dans la région sans l’émergence d’un pouvoir palestinien, d’un État, la fin de l’occupation des territoires et le retour des Palestiniens dans leur patrie ». Concernant les changements dans la politique internationale, le président iranien a affirmé que Washington veut être l’unique puissance et imposer sa volonté au monde, mais la solidarité entre l’Orient et l’Occident mettra en échec cette politique. Il s’est aussi demandé pourquoi sa visite au Liban et en Syrie pourrait inquiéter les États-Unis alors que c’est ce pays qui fait peur au monde avec sa force et ses moyens. Il a enfin réitéré le souhait de son pays de ne pas fournir de prétexte aux États-Unis, qui appliquent une politique « têtue et extrémiste ». Il a fallu que ses adjoints lui fassent remarquer l’heure pour que le président mette fin aux questions. Après le mot de remerciement du président de l’Ordre de la presse, Mohammed Baalbacki, M. Khatami a encore pris le temps de s’avancer vers les journalistes pour des échanges à bâtons rompus. Une leçon d’ouverture et de communication pour les leaders politiques... Scarlett HADDAD
Une heure de véritable bonheur. Un chef d’État si généreux de son temps et si ouvert à toutes les questions, c’est bien rare de nos jours. Le président Mohammed Khatami a bien montré, dans la conférence de presse qu’il a tenue hier matin à l’hôtel Phoenicia, qu’il était un homme de dialogue. Et la modération qu’il n’a cessé de prôner dans chacun de ses...