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THÉÂTRE - Au Gulbenkian (LAU), « Le nouveau locataire » d’Ionesco Solitude, emprisonnement et absence(photos)

De toute évidence les élèves et les ateliers de dramaturgie affectionnent les pièces d’Eugène Ionesco. Pour leur force de suggestion et aujourd’hui leur classicisme révolutionnaire ! Pour ceux qui sont restés sur l’impression du fantastique et de l’absurde avec La Cantatrice chauve ou Les Chaises, il est temps de renouveler leur stock d’images insolites et de plonger encore davantage dans le délire verbal et la tragédie du langage avec Le nouveau locataire du célèbre dramaturge roumain qui a pourtant opté d’écrire en français. Et que nous verrons ici dans une version arabe (littéraire, s’il vous plaît). Mise en scène par Annie Tabakian, les élèves en beaux-arts et information de la LAU présentent au théâtre Gulbenkian cette œuvre courte (une demi-heure) mais à la fois féroce et délirante. Un « nouveau locataire » est un sujet fécond pour Ionesco pour dénoncer et recomposer l’univers. On s’en doute bien. Comédie? Peut-être bien par le saugrenu de ce langage syncopé et versant dans la logorrhée. Langage mitraillant la réalité à travers les propos faussement décousus de cette gardienne, concierge au discours intarissable et aux contorsions pathétiques. Et l’on glisse insensiblement vers un drame effrayant, celui de la solitude, de l’isolement, de l’emprisonnement, de l’incompréhension, de l’incommunication. Ne cherchez pas une histoire linéaire derrière l’éventail de ces mots qui coulent comme un flot que rien n’endigue. Pas plus d’explication et de réalité concrète à ces personnages fétiches et fantoches affublés de plastique transparent avec nombril à l’air et qui, en jeunes filles dans le vent, disent n’importe quoi et se trémoussent. Oubliée la concierge au verbe fou et enterrée sous des masses de filets verts qu’on tire ensuite sur un fil comme du linge à sécher… Parodie de la vie, de ces locataires improbables, de leur existence banale et commune, presque insipide et carcérale. Fusent quelques rires à cause de ces trois personnages étranges comme de pitoyables machines à la mécanique détraquée. Dans un décor fait de tiges en fer et de voiles entre pénombre et lumière, prison insaisissable de toute traversée humaine, ce décor est prétexte à rien, si ce n’est dire l’absurde des choses. Affublés des signes de l’absence et du vide, des comédiens débitent un texte débouchant sur le mal de vivre. Campée par Dima Moukayed, la gardienne des lieux a le débit excessivement rapide et nerveux, souvent même inaudible. Les deux acolytes (Wafaa Halawé et Rim Saleh), à la présence tout aussi lointaine que leur propos, sont presque des mimes aux mouvements brusques comme échappés à l’univers des marionnettes. Manipulées. Bien entendu. Un Ionesco en représentation (et de surcroît en arabe si bien élevé !), dans une œuvre mineure peu traitée sur scène, loin de sa cantatrice, de ses chaises, de ses rhinocéros et de son roi qui se meurt, voilà probablement toute l’originalité de l’enjeu. Edgar DAVIDIAN
De toute évidence les élèves et les ateliers de dramaturgie affectionnent les pièces d’Eugène Ionesco. Pour leur force de suggestion et aujourd’hui leur classicisme révolutionnaire ! Pour ceux qui sont restés sur l’impression du fantastique et de l’absurde avec La Cantatrice chauve ou Les Chaises, il est temps de renouveler leur stock d’images insolites et de plonger...