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Le pouvoir se préoccupe d’amadouer Bkerké

Le pouvoir multiplie les ouvertures en direction de Bkerké, pour en résorber le mécontentement. C’est sans doute un effet résiduel des bonnes manières réciproques qui ont accompagné, et suivi, le discours du président Assad à Charm el-Cheikh, prestation applaudie en son temps par les évêques maronites. Les dirigeants prêtent en tout cas beaucoup d’attention aux positions du cardinal Sfeir concernant le gouvernement. Ils tentent d’atténuer les réactions négatives en espérant que de la sorte ils bénéficieraient d’une ombrelle ecclésiale tacite. Afin que le camp chrétien, plus exactement de l’Est, laissé encore une fois sur la touche, y reste sagement en faisant montre d’une neutralité bienveillante. Ce qui serait d’autant plus appréciable pour les incorrigibles loyalistes que nombre de pôles écartés de leur combinaison pèsent politiquement assez lourd sur la scène locale. C’est-à-dire qu’ils sont notoirement populaires, même à l’Ouest. Cette tranche d’exclus, pensent les tenants du pouvoir, se récrierait sans doute moins fort si Bkerké se montrait d’assez bonne composition. Ils ont dès lors préparé leur coup du mieux qu’ils pouvaient. En entourant Bkerké de mille sollicitudes verbales dès avant la formation du nouveau cabinet. Et en s’efforçant de le faire accepter leurs arguments qui tiennent en deux mots : impératifs régionaux. Ce qui explique, à les en croire, qu’il a fallu adopter une configuration renforçant manifestement les liens avec la Syrie. Et cela en toute hâte car la situation ne supporte ni atermoiements ni tiraillements. Un fait accompli qui ne s’avoue pas, pourrait-on dire. À partir de cette conclusion, les loyalistes ont laissé entendre qu’il n’est pas impossible de prévoir une sorte de compensation, en répondant à des vœux déterminés de Bkerké. Pour sa part le patriarche, peu sensible aux manœuvres politiciennes, a comme d’habitude répété des constantes d’ordre général. Ainsi que des critères sélectifs reposant tout à la fois sur les équilibres, la représentativité, la compétence et l’intégrité, aussi bien intellectuelle que morale. Mgr Sfeir a, comme de bien entendu, refusé de se prêter au petit jeu des noms. Ce qui, un peu paradoxalement, fait les affaires des loyalistes. Car nul ne peut les accuser d’avoir rejeté frontalement une quelconque demande spécifique patriarcale. En d’autres termes, ils n’ont opposé aucune fin de non-recevoir au patriarche. Ce qui les autorise à continuer à le courtiser, plus ou moins ouvertement, pour tenter de le porter à une attitude globalement modérée à leur égard. Cependant le prélat ne s’empêche pas, devant un nombre limité de ses visiteurs, de multiplier remarques et interrogations négatives au sujet du gouvernement. Il se demande ainsi, selon l’un de ces témoins qui ont toute sa confiance, « ce qui a changé au fond... Qu’y a-t-il de neuf dans le nouveau gouvernement, et pourquoi faire un changement qui n’en est pas un... Pourquoi n’avoir pas saisi l’occasion pour mettre en place un Cabinet de véritable union nationale représentant toutes les franges... » Pour toute réponse, le camp d’en face invoque l’urgence, sans que l’on sache où elle peut bien résider du moment qu’au fond tout reste pareil. Toujours est-il que Mgr Sfeir, s’élevant au-dessus des considérations de l’heure, souhaite sincèrement au nouveau gouvernement de réussir, puisque le pays en serait aise. Il espère ainsi que l’on pourra enfin débloquer les projets gelés par suite des disputes entre dirigeants, au profit de la relance économique. À son avis, la population ne va pas trop s’attarder sur la formation du cabinet, car elle se préoccupe surtout des résultats pratiques. Toujours selon la même personnalité, le patriarche « ne se sent évidemment pas concerné par le gouvernement et ne saurait en partager, de près ou de loin, la responsabilité en cas d’erreurs ou d’échec. Il continuera, comme d’habitude, à formuler des observations, à exprimer des avertissements, à répercuter les demandes ou les plaintes de la population. La position adoptée par rapport à la guerre en Irak et l’éloge du discours du président Assad ne signifient pas que Bkerké renonce à son rôle historique. Surtout en ce qui a trait aux constantes nationales, à l’indépendance, à la souveraineté. Les positions mentionnées n’ont évidemment pas été adoptées pour une quelconque récompense sous forme de siège ministériel. Le patriarche, tout aussi évidemment, n’investit pas dans le marché de sordides intérêts politiciens. Sa ligne est de nature purement nationale, liée à l’intérêt supérieur bien compris du pays. Le nouveau gouvernement, très marqué côté syrien, ne comporte pas d’éléments relevant de Bkerké et encore moins de Kornet Chehwane. » « Cependant, se hâte de souligner le même témoin, malgré tous les reproches que l’on peut adresser au pouvoir, le patriarche évalue à leur juste mesure les pressions US visant la Syrie. Il prône dès lors une cimentation des rangs, une élévation au-dessus des intérêts particuliers, une coopération solidaire, pour surmonter les épreuves de l’heure et en affronter les périls. Aucun être sensé ne devrait en effet ignorer la gravité de la situation présente. » Et son étrangeté : les différents chefs de file du camp loyaliste se livrent une drôle de course à se laver les mains du nouveau gouvernement. Ils se renvoient la balle, pour ce qui est de la responsabilité d’avoir fait un tel montage. Ce qui prouve, signe alarmant, que le scepticisme règne au sein même du pouvoir quant aux chances de réussite de la fausse nouvelle formule. Toujours est-il que les loyalistes indiquent qu’à la suite de multiples interventions, et pour arrondir un peu les angles, la Syrie a accepté la cooptation de Farès Boueiz, considéré généralement comme étant un opposant modéré. Il reste à savoir si la modération va également l’emporter au niveau des rapports entre les présidents. C’est ce que promettent leurs partisans respectifs. En soulignant que Cardahi, par exemple, a reçu les félicitations des haririens pour sa renomination. Philippe ABI-AKL
Le pouvoir multiplie les ouvertures en direction de Bkerké, pour en résorber le mécontentement. C’est sans doute un effet résiduel des bonnes manières réciproques qui ont accompagné, et suivi, le discours du président Assad à Charm el-Cheikh, prestation applaudie en son temps par les évêques maronites. Les dirigeants prêtent en tout cas beaucoup d’attention aux...