Les chiites de Baalbeck maudissent Bush et Saddam Hussein

«Bush et Saddam sont tous deux des criminels de guerre et se retrouveront en enfer. » Les imprécations d’un cheikh chiite de Baalbeck traduisent le sentiment mitigé des chiites libanais face à la guerre contre l’Irak. « Le peuple irakien est en train d’être égorgé par les envahisseurs après avoir été massacré par Saddam Hussein », s’indigne ce religieux de 55 ans cité par l’AFP dans un reportage effectué à Baalbeck. Il affirme avoir passé sept ans dans les geôles du régime irakien et ne veut pas révéler son identité. « J’ai été torturé par les membres du parti Baas. Ils m’ont arraché les ongles et m’ont brûlé avec des mégots, et j’ai vu de respectables hommes de religion exécutés. Où est aujourd’hui l’armée de Saddam Hussein ? Elle n’a servi qu’à réprimer la population », ajoute-t-il. De nombreux chiites libanais ont fait leurs études dans la ville sainte de Najaf en Irak, considérée comme la capitale historique du chiisme, et y ont établi des liens avec l’opposition au régime. Hassan Rustom, 38 ans, commerçant, s’en prend aussi aux « fanfaronnades de Saddam Hussein et de sa clique qui n’ont pas réussi à protéger le peuple irakien des bombes américaines ». « Que fait l’armée de Saddam qui a promis d’enterrer les envahisseurs aux portes de Bagdad ? Où sont les armes qu’il a achetées en réduisant les Irakiens à la misère ? » ajoute-t-il. « Néanmoins, il s’agit d’une guerre menée par les plus puissantes armées occidentales au monde, et les nations arabes et islamiques ont le devoir sacré de soutenir les Irakiens, quelle que soit la nature de leur régime », selon lui. Dans un café-restaurant de Tyr, des familles libanaises ne quittent pas des yeux l’écran de télé. Des femmes éclatent en sanglots à la vue des victimes civiles et des images d’enfants blessés. « Cela me rappelle les souffrances des enfants libanais blessés par les bombardements lors de l’occupation israélienne du Liban-Sud », qui a pris fin en 2000, affirme Oum Ali. « La situation en Irak est identique à celle qui prévalait au Liban après l’invasion israélienne de 1982. Le premier choc passé, les Irakiens déclencheront la résistance populaire. Ils sont comme nous, ils n’accepteront jamais l’occupation étrangère », affirme Ali Srour, 38 ans, du village de Aïta Chaab, proche de la frontière israélienne. Pour Farouk Hamadé, 55 ans, un sympathisant du Hezbollah, les Irakiens « n’ont d’autre choix que de suivre l’exemple libanais et palestinien et se faire exploser contre les envahisseurs, car ils n’ont que leurs corps à opposer à la machine de guerre américano-britannique ». Mais les chiites libanais ne semblent pas mobilisés outre mesure. Les calicots de soutien à l’Irak sont presque inexistants dans la banlieue sud de Beyrouth.