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Société - Le souci médiatique est toujours un souci politique À la TV, le pouvoir de l’intox(photo)

Le début de la guerre d’Irak et toutes les péripéties dont elle s’est accompagnée auront eu une conséquence prévisible : des millions de téléspectateurs scotchés à leurs écrans, de longues heures, dans l’attente de la moindre nouvelle. Des informations, ils en obtiennent des tonnes, souvent contradictoires, et, surtout, des analyses interminables. Cette « guerre en direct », avec des journalistes accompagnant les soldats, ne peut qu’avoir son effet sur ces millions de témoins, confortablement assis devant leurs postes. « J’ai l’impression d’assister à un film hollywoodien, sauf que, cette fois, les faits sont réels », s’exclame une jeune femme. D’autres, nombreux, ont acquis un réflexe, celui d’allumer la télévision dès le réveil, et de zapper, pour s’assurer qu’aucune nouvelle ne leur a échappé. Certains sont fidèles à une station. « J’étais un peu comme tout le monde, j’écoutais les nouvelles le matin et le soir, raconte Wadih, un téléspectateur. Depuis le déclenchement de la guerre contre l’Irak, je suis devenu un accro du petit écran. Je trouve qu’il est intéressant d’être renseigné en pareil cas. » La frénésie générale n’a pas épargné les enfants. À force de voir son père regarder indéfiniment la télévision, Fabienne, une petite fille de sept ans, n’a pu s’empêcher de s’intéresser à son tour aux événements, demandant des informations complètes sur la question. Un garçon de onze ans, Cyril, habitué à ce que sa mère lui épargne les images fortes à la télévision (celles montrant des cadavres, par exemple), s’est mis lui-même à l’avertir de fermer les yeux dès qu’un spectacle insoutenable pour les âmes sensibles passait sur le petit écran... Et puis il y a Marie, huit ans, qui lance un jour à sa mère, avec le plus grand sérieux : « Tout ce qui arrive en Irak est de la faute de Ben Laden. » Par ailleurs, certains collèges ont même prévu des écrans au sein du campus afin que leurs élèves restent informés. Les commerces, eux aussi, sont pour la plupart dotés d’un poste de télévision ou, du moins, d’une radio. Les conversations vont bon train, à n’importe quelle heure de la journée, notamment en ces jours où le client se fait rare. Même dans les gymnases, les sportifs, à l’affût de la moindre nouvelle, interrompent régulièrement leurs activités pour se river sur le petit écran. D’autre part, il y a ceux, même minoritaires, qui fuient le trop-plein d’informations. « On ne sait plus qui croire, c’est un véritable lavage de cerveaux, s’indigne Danièle. Il y a tellement d’informations, que je n’ai plus l’impression que la dimension politique ou humaine de la guerre soit toujours prioritaire. Les nombreux médias se font la course à qui mieux mieux, comme s’il s’agissait d’un phénomène à la mode plutôt que d’une tragédie dont les civils payent le prix. Les chaînes locales, elles aussi, ne parlent plus que de ça. Je comprends qu’il s’agisse d’un événement très important, voire mondial. Mais moi, je finis par fuir la télévision. Comme s’il s’agissait d’un feuilleton, je demande des nouvelles des derniers développements chaque deux jours. » « Les images d’une guerre en direct sont d’une trop grande réalité, qui nous envahit », explique Chawki Azoury, psychiatre et psychanalyste. Il précise que « depuis la guerre du Golfe, il y a eu une implosion télévisée dans les foyers, l’horreur de la guerre y entre directement ». « Pourquoi couvre-t-on avec autant de précision ce conflit ? », se demande-t-il. « Que veut chacun des protagonistes quand il envoie de telles images au public ? Le souci médiatique est toujours un souci politique. On peut s’interroger sur le pouvoir d’intox que véhiculent les images. » Pour ce qui concerne les enfants, M. Azoury considère que l’impact peut être à double tranchant : ils peuvent se trouver attirés par de telles images, ou au contraire juger celles-ci répugnantes. « Mais il est important de ne pas empêcher les enfants de regarder la télévision dans de telles circonstances, dit-il. Il ne faut pas non plus leur permettre de suivre les informations continues comme un film de guerre, du matin jusqu’au soir. Il est également très important de nommer les choses, les images de cadavres ou de blessés par exemple, afin de permettre aux enfants de prendre une distance par rapport aux actes de guerre. » Les esprits des téléspectateurs du Liban et du monde semblent aujourd’hui concentrés sur cette guerre tant médiatisée, comme pris dans l’engrenage d’une violence qui ne les concerne peut-être pas tous mais qu’ils ne peuvent pas ignorer pour autant. Suzanne BAAKLINI
Le début de la guerre d’Irak et toutes les péripéties dont elle s’est accompagnée auront eu une conséquence prévisible : des millions de téléspectateurs scotchés à leurs écrans, de longues heures, dans l’attente de la moindre nouvelle. Des informations, ils en obtiennent des tonnes, souvent contradictoires, et, surtout, des analyses interminables. Cette « guerre en...