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Correspondance Par le petit bout de la lorgnette

PARIS – de Mirèse AKAR Mais pourquoi ces présentateurs et ces envoyés spéciaux s’obstinent-ils tous à prononcer Oum Quassar alors que le nom d’Oum Qasr s’inscrit simultanément sur le petit écran ? Pourquoi certains disent-ils Basra, comme nourris dans le sérail, alors que d’autres martèlent sans relâche un Bassora en trois syllabes ? Voilà le genre de réflexion qu’on se fait en regardant compulsivement les journaux télévisés qui, au tout début de la guerre en Irak, s’étiraient jusqu’à durer une heure pleine, sans éviter redites et remplissage. Façon de s’attacher à l’anecdotique pour se détourner de l’essentiel, de ruser avec la réalité crue et drue plutôt que de subir, dans son fauteuil, l’attaque frontale des images. On se sent d’humeur à pratiquer un certain humour noir en se demandant si ces prononciations fautives font partie des dommages collatéraux. Mais à peine s’est-on reproché de se montrer aussi léger qu’à entendre encore tous les commentateurs, sans exception, se contorsionner pour dire le mot « Marine » avec l’accent américain, on en vient à plaindre les Français, décidément peu doués pour les langues ! Autre erreur d’un autre ordre, relevant cette fois du lapsus éloquent. Il est arrivé à Jean-Pierre About qui, deux semaines durant, a couvert la vie comme elle va – ou ne va pas – dans la capitale irakienne, de dire avec sa voix d’éternel enrhumé Beyrouth au lieu de Bagdad. Cela dans le journal du soir de Patrick Poivre d’Arvor, lequel s’est empressé d’expliquer que son confrère avait été l’envoyé spécial de TF1 à Beyrouth lors d’un autre conflit de sinistre mémoire. Toute guerre étant par définition insoutenable, on peut choisir de la regarder, dans la mesure du possible, par le petit bout de la lorgnette. Ainsi, dans le maelström d’images qui déferle implacablement, avait-on retenu, avec ce même parti pris de l’anecdotique, celle d’un chiot égaré, recueilli par des GI’s à bord de leur camion. A-t-il eu droit aux mêmes rations que les militaires ? Le reverra-t-on au cours d’un prochain reportage ? L’équipe de tournage qui l’avait repéré devrait mettre un point d’honneur à le montrer aux téléspectateurs, se dit-on, tout en ayant un peu honte d’avoir des préoccupations aussi futiles. Mais, là encore, on est prompt à s’absoudre tant le besoin est fort de laisser dériver son attention et ses pensées. « Pêche melba ! Pêche melba ! » n’arrête pas de glapir, dès qu’il entend parler des peshmergas, un de mes jeunes voisins, vraiment trop jeune pour avoir pu lire L’art du contrepet, mais qui doit sans doute être en manque de dessert. Épatés d’avoir un rejeton aussi spirituel, ses parents envisagent de vendre sa trouvaille au Canard enchaîné. À chacun sa rêverie, drolatique ou mélancolique, sur les mots et sur les noms. Devant les énormes panaches de fumée qui s’élèvent de Mossoul bombardée, comment ne pas se souvenir que c’est la ville qui nous donna la mousseline ? Quant à Kerbala, c’est un roman à l’eau de rose – « ’Azra’ Karbala », « La vierge de Karbala » – qu’elle nous remet immanquablement en mémoire : un des rares titres de la littérature arabe pour adolescents d’il y a quelques décennies et qui fut notre lecture-pensum en classe de sixième.
PARIS – de Mirèse AKAR Mais pourquoi ces présentateurs et ces envoyés spéciaux s’obstinent-ils tous à prononcer Oum Quassar alors que le nom d’Oum Qasr s’inscrit simultanément sur le petit écran ? Pourquoi certains disent-ils Basra, comme nourris dans le sérail, alors que d’autres martèlent sans relâche un Bassora en trois syllabes ? Voilà le genre de réflexion qu’on se...