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Vie politique - Le régime semble désormais favorable à un changement de cabinet Tensions larvées au sein du pouvoir

Crise muette, sans doute, mais crise quand même. Ni les conseils pressants de Damas ni les démarches des conciliateurs locaux n’y font rien : les présidents n’arrivent pas à s’entendre. Ils consentent à ne pas étaler leurs conflits au grand jour, à cause des circonstances et des périls. Mais c’est tout. Les visiteurs de Baabda comme de Koraytem en sortent tous en hochant la tête d’un air désolé. Ce qu’ils viennent d’entendre, sous le sceau de la discrétion, c’est, de part et d’autre, un long déballage de griefs réciproques. Un bras de fer feutré mais certain, qu’attisent les rumeurs croissantes sur un prochain changement de cabinet. Des bruits essentiellement distillés par des politiciens considérés comme particulièrement proches du régime. C’est le litige sur la New TV qui, après avoir rallumé les braises, tarde à s’éteindre. On sait que le président du Conseil avait été indisposé par un projet d’émission peu aimable à l’égard de l’Arabie chère à son cœur. Il avait demandé au ministre des Télécoms d’interdire d’antenne satellitaire la chaîne. Cardahi avait d’abord composé avec Hariri puis s’était rétracté. Et la guéguerre avait repris, pour aboutir à un semblant de trêve une fois la guerre tout court déclenchée en Irak. L’explosion, ou l’implosion, sont encore évitées à ce stade. Surtout grâce aux efforts des Syriens, qui insistent pour que le bruit des passes d’armes reste entre quatre murs et ne soit pas médiatisé. Mais au stade actuel, « il n’est plus question de revenir au lavage des cœurs », indique sobrement un ministre influent autant qu’informé. Du reste, Hariri abonde dorénavant dans le sens des amis qui, comme Joumblatt, avaient critiqué le susdit nettoyage cardiaque, en faisant valoir que c’était un coup porté aux institutions en tant que telles. Un retour, en somme, au système contournant, monopolisateur, dit de la troïka. C’est donc parce qu’on est dans une drôle d’impasse locale (interdit de se disputer et pas moyen de se réconcilier) que Hariri a tourné ses regards et ses efforts vers l’extérieur. En multipliant les voyages diplomatico-économiques, avec la bénédiction des Syriens, il veut servir dehors puisqu’à l’intérieur il est coincé. En effet, tous les projets qui lui tiennent à cœur se trouvent bloqués par le veto tacite des loyalistes de la branche supérieure. Qui, en outre, ont la calme audace de fustiger ce qu’ils appellent « la fuite en avant voyageuse » du président du Conseil. Ajoutant, sans s’embarrasser de formules enveloppées, que Hariri « se prend pour le ministre des Affaires étrangères de la Syrie et du Liban réunis. » Un rôle qu’un député opposant critique à son tour, mais sous l’angle du respect des institutions comme des usages. C’est-à-dire que, pour ce parlementaire, Hariri aurait dû à tout le moins se faire accompagner dans son périple européen par Hammoud, titulaire nominal du portefeuille des AE. Cependant l’action extérieure de Hariri l’a personnellement servi. Dans ce sens que les Syriens ont beaucoup apprécié qu’il exploite son entregent en faveur de leurs thèses propres. On sait en effet que, dûment mandaté, il a pu proposer aux Européens une coordination, un axe, avec Damas et Beyrouth ensemble, pour contrer les visées régionales US. Il n’empêche que Hariri subit des pressions internes de plus en plus fortes. Selon ses proches, il interprète ainsi le geste de Berry, qui a largué ses deux ministres en les radiant du mouvement Amal, comme une attaque en règle, visant à dégommer les Trente aussi tôt que possible. Il est difficile de ne pas donner raison sur ce point à Hariri. Car sur le plan disciplinaire, Beydoun et Abdallah ont été lâchés par leur direction il y a plus de trois mois, sans que la décision soit rendue publique. Mais Hariri ne veut pas contrer le président de la Chambre de front et il tente de réhabiliter son alliance avec lui. Il reste que si Berry a agi maintenant, ajoutent les haririens, c’est parce qu’il sait que Baabda de son côté songe sérieusement à faire abréger l’existence de l’actuel gouvernement. Selon des loyalistes, le régime pense qu’il vaut mieux changer l’équipe au moins deux ans avant l’expiration de son mandat. Parce que ensuite, en fin de parcours, il n’y aurait plus assez de carburant, comme on dit, assez d’influence pour peser sur la formation du cabinet. Et pour y disposer sinon de la majorité du moins d’une minorité de blocage (le tiers des voix). Il reste qu’en pratique la bataille des antihaririens paraît assez mal engagée. D’abord, redisons-le, parce qu’il est en grâce en ce moment auprès des tuteurs. Ensuite parce que en tout, ces derniers sont d’avis qu’on ne peut pas se payer le luxe, dans les graves circonstances régionales présentes, d’une crise ministérielle au Liban. Les Syriens ne veulent pas se casser la tête avec ce genre de problème. Et, selon leurs hérauts locaux, ils répètent aux Libanais qu’avant de rien chambouler, il leur faut s’entendre. Sur les litiges en souffrance comme sur la composition d’un nouveau gouvernement. Or dans le climat actuel, on peut parler de tout sauf d’entente. Philippe ABI-AKL
Crise muette, sans doute, mais crise quand même. Ni les conseils pressants de Damas ni les démarches des conciliateurs locaux n’y font rien : les présidents n’arrivent pas à s’entendre. Ils consentent à ne pas étaler leurs conflits au grand jour, à cause des circonstances et des périls. Mais c’est tout. Les visiteurs de Baabda comme de Koraytem en sortent tous en...