Rechercher
Rechercher

Actualités

Le prochain coup américain pourrait être en Afrique du Nord, selon l’ancien secrétaire général du PCL Georges Haoui : La guerre, une occasion historique de rééquilibrer les relations avec la Syrie

Georges Haoui est à mille lieues de croire à la démocratisation de la région promise par les membres de l’Administration américaine et par le président George W. Bush. L’ancien secrétaire général du Parti communiste libanais (PCL) rejette d’ailleurs toutes les raisons invoquées par les États-Unis pour justifier leur intervention en Irak, et retient une motivation principale animant Washington : le pétrole et les ressources humaines. Pense-t-il que le discours américain sur la démocratisation du Moyen-Orient est viable ? Et quelles seront, d’après lui, les répercussions de l’offensive américaine sur le système international ? « Il est clair que l’agression contre Bagdad n’est pas le résultat de l’existence ou non d’armes de destruction massive, qui avaient été fournies à Saddam par les USA contre l’Iran et les Kurdes, relève M. Haoui. Par ailleurs, les liens entre Bagdad et el-Qaëda n’ont pas été prouvés : ce n’est donc pas la question du terrorisme qui motive les Américains. C’est encore moins la nature du régime qui explique l’entreprise des États-Unis. Il y a beaucoup de Saddam Hussein. Il n’est pas le seul dictateur, et il n’est peut-être pas le pire. Parmi tous les régimes totalitaires de la région, beaucoup sont les alliés des États-Unis, et jamais les Américains n’ont pris position en fonction de la vision qu’ont ces régimes des droits de l’homme, de la démocratie et des libertés publiques ». L’« hégémonie » US sur la région Pour M. Haoui, « les Américains veulent établir une hégémonie totale sur l’Irak, le pétrole et les ressources naturelles et humaines irakiennes ». Et d’ajouter : « Et pour cause, ce pays domine toute la région. Ils pourront manœuvrer tout ce qui est antisaoudien, de même que les régimes fantoches et caricaturaux du Golfe, et exercer une pression sur l’Iran qui pourrait déboucher sur une confrontation militaire. La Turquie, elle, verra son unité menacée par la question kurde. C’est aussi le Liban, la Syrie, la Jordanie et la question palestinienne qui seront directement affectés », craint-il. Mais l’intervention n’a pas uniquement un but régional, mais aussi une portée internationale, poursuit M. Haoui. Les États-Unis avaient le choix entre l’établissement d’un système international multilatéral et démocratique, où ils auraient joué un rôle prépondérant avec d’autres puissances – l’Union européenne, la Russie, la Chine et le tiers-monde – et le maintien d’une unipolarité, celle de « l’hyperpuissance technologique qui ne veut que des satellites sur le plan international, qui veut prendre le contrôle du monde » pour s’auto-ériger en « donneur » universel. « Le prochain coup, après le Golfe et la question palestinienne, c’est-à-dire la Syrie et le Liban, visera un pays d’Afrique du Nord, déclare M. Haoui. La Libye peut-être, ou bien l’Algérie, en raison des contradictions américano-françaises. Le pétrole importé vers l’Europe passe par le Nigeria et la Libye. Il ne suffit pas de dominer les ressources du Golfe, mais aussi de pousser le blocus antieuropéen aux limites de l’UE. Le rôle d’Aznar et de Berlusconi au sein de la coalition est peut-être de provoquer un conflit pour justifier une intervention en Afrique du Nord. La domination de l’Irak vise l’Europe et les pays de l’UE qui aspirent à traiter avec les États-Unis d’égal à égal », poursuit-il. La victoire à quel prix ? M. Haoui estime que si la victoire militaire américaine est quasiment sûre, ce qui importe est de savoir à quel prix elle sera remportée. « Les Américains ont déjà perdu politiquement, affirme M. Haoui. Militairement, ils vont occuper l’Irak. Tout le monde sait que la grande confrontation va se dérouler à Bagdad. Est-ce que les soldats US pourront facilement abattre Saddam Hussein et sa famille ? Pourront-ils installer un régime irakien proaméricain assez représentatif, à partir de l’opposition irakienne, ou devront-ils nommer un haut-commissaire américain ? Tout changera si un noyau dur de la garde de Saddam parvient à défendre Bagdad pour quelques jours, deux semaines au maximum », indique M. Haoui. En cas de victoire militaire rapide en Irak, « et si les États-Unis font preuve de souplesse dans la gestion de ce pays », ils régneront alors en maîtres incontestés sur le système international, qu’ils réorganiseront selon leurs desiderata, en faisant sauter le système de l’Onu. « Les pro-américains en Europe seront plus agressifs, les puissances comme la France et l’Allemagne seront étouffées économiquement et toutes les instances régionales et internationales qui feront face à cet expansionnisme militaro-économique seront balayées », indique-t-il. Mais Georges Haoui pense que cette domination américaine sur le Moyen-Orient ne durera pas longtemps, parce que les régimes arabes satellites des Américains et non représentatifs seront pris en étau entre les pressions de Washington et la rancœur de la rue arabe. Dans ce dernier cas de figure, précise-t-il, « les peuples se vengeront des régimes progressistes qui ont construit des armées bonnes à défendre leurs trônes et pas à libérer le territoire arabe », dit-il, en allusion à une phrase prononcée par feu Kamal Joumblatt à Damas. « Mais, en définitive, la démocratisation se manifestera au bout d’une série de luttes populaires et militaires contre l’occupation américaine des pays arabes », ajoute-t-il. L’opportunité unique d’un dialogue interne Selon Georges Haoui, la guerre qui se déroule actuellement en Irak devrait fournir l’occasion aux Libanais et aux Syriens de dialoguer sur les moyens de rééquilibrer les relations dans le sens du respect de l’égalité et de l’indépendance des deux pays. Il faut en finir, selon lui, avec les abus dans les relations libano-syriennes pour que la classe politique libanaise n’exploite plus ces relations pour s’attribuer des postes ministériels. « C’est maintenant que les Syriens sont ouverts aux négociations à ce sujet », insiste-t-il. Georges Haoui lance enfin un appel au dialogue et à la réconciliation nationale au Liban sous l’égide de Baabda car, dit-il, l’opportunité est historique et il ne faut pas la manquer. L’ancien secrétaire général du PCL demande l’organisation d’une conférence de réconciliation nationale, « nécessaire », puisque « tout conflit interne pourrait amener à une intervention américaine ou israélienne et à une partition du pays ». « La garantie de la sécurité du pays ne pourra plus être extérieure, même syrienne. Elle doit être fondée sur une entente intérieure. Cela ne veut pas dire que le rôle syrien ne sera pas décisif », poursuit-il. Dans ce cadre, M. Haoui souligne que « le patriarche Sfeir, Kornet Chehwane, le PCL, les milieux qui demandent une révision des relations libano-syriennes sur la base des principes d’égalité et de souveraineté ne doivent pas se retrouver confrontés à la cellule de Hamad, aux Ahbaches, à Nasser Kandil, aux ulémas du Akkar, aux partis islamistes, au parti Kataëb qui a gagné les musulmans en perdant les chrétiens et aux Forces libanaises de Fouad Malek qui ne sont ni “fortes”, ni “libanaises”. C’est bien par l’ouverture et le dialogue qu’il faut traiter avec l’opposition libanaise », souligne-t-il. Affirmant qu’après « la mainmise sur l’Irak, c’est par les ordres que l’Amérique traitera avec la Syrie et le Liban », M. Haoui souligne que les USA « exigeront une mise au pas du Hezbollah, du Jihad islamique et du Hamas ». « Ce sont les Libanais, dans le cadre des relations privilégiées et amicales qu’ils ont avec la Syrie, qui devront demander à Damas le retrait de ses troupes, et pas aux États-Unis. » Georges Haoui n’appelle pas à un Paris III ni à un Taëf II, mais à Baabda I, un congrès national pour le dialogue regroupant toutes les parties libanaises sous l’égide de la présidence de la République, pour discuter d’un agenda en plusieurs points : une révision de la stratégie libanaise contre Israël, qui devrait être défensive, le rééquilibrage des relations libano-syriennes, une série de réformes politiques et juridiques concernant l’accord de Taëf, l’établissement d’un nouveau pacte national sur les libertés publiques, l’élaboration d’une véritable solution économique d’essence purement libanaise, et la libération de Samir Geagea pour qu’il puisse participer à la réconciliation nationale, en tant qu’ex-parrain chrétien de l’accord de Taëf. « J’aimerais aussi que Michel Aoun rentre au Liban, abandonne son pari américain et retourne à ses paris sur le peuple libanais », note-t-il. Et de conclure : « Si les trois présidents ne veulent pas profiter de cette occasion, il faudra alors qu’une initiative officieuse et populaire voie le jour dans ce sens. » Michel HAJJI GEORGIOU
Georges Haoui est à mille lieues de croire à la démocratisation de la région promise par les membres de l’Administration américaine et par le président George W. Bush. L’ancien secrétaire général du Parti communiste libanais (PCL) rejette d’ailleurs toutes les raisons invoquées par les États-Unis pour justifier leur intervention en Irak, et retient une motivation...