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LIBAN-KOWEÏT - L’émirat adresse une plainte officielle à la Ligue arabe et proteste auprès de l’ambassadeur libanais Beyrouth cherche à éviter la crise et le chargé d’affaires koweïtien tente de calmer le jeu (photos)

La question irakienne ne divise pas seulement l’Europe et les membres du Conseil de sécurité, elle place aussi le Liban et le Koweït au bord d’une crise sans précédent. Depuis dimanche, dès la fin de la réunion ministérielle arabe au Caire, les Koweïtiens ne décolèrent pas contre le chef de la diplomatie libanaise, le ministre Mahmoud Hammoud. Menaces directes des députés du petit émirat, convocation de l’ambassadeur du Liban, protestation officielle auprès de la Ligue arabe, les Koweïtiens expriment haut et clair leur mécontentement, au sujet de ce qu’ils qualifient de « mauvaise gestion » de la réunion arabe, présidée par le Liban, dans un langage bien peu diplomatique, même si leur chargé d’affaires à Beyrouth, M. Soleiman al-Harbi, qui s’est rendu au palais Bustros, a cherché à calmer le jeu. La diplomatie libanaise est certes sur la sellette, mais cette crise ne fait que refléter les dissensions arabes, à la veille de la tenue d’un sommet extraordinaire consacré à la situation en Irak. Que reproche le Koweït au Liban ? Selon des sources diplomatiques présentes lors de la réunion ministérielle arabe, le chef de la diplomatie koweïtienne s’est offusqué du fait que le communiqué final de la réunion n’a pas été soumis au vote. En réalité, le communiqué en lui-même, préparé par le Liban, posait déjà un problème. Selon une dizaine de pays membres de la Ligue arabe, regroupés autour de l’Égypte, de l’Arabie saoudite et du Koweït, un tel communiqué n’est pas nécessaire puisqu’un sommet extraordinaire doit se tenir avant la fin du mois. Ces pays estiment qu’il n’est pas correct de devancer une réunion des rois et chefs d’État arabes par un communiqué émanant des ministres des Affaires étrangères, qui semblerait leur dicter les positions à adopter. De leur côté, le Liban et la Syrie, et avec eux la Libye et le Yémen souhaitaient la publication d’un communiqué parce qu’ils considèrent que dans le cadre d’un sommet arabe, leur position serait minoritaire. Le texte n’a été soumis qu’à la Syrie Il fallait donc, à leurs yeux, poser déjà un cadre aux débats futurs. Même si, officiellement, ils estiment avoir été pris de court par l’annonce du ministre égyptien des Affaires étrangères de la tenue du sommet le 28 février. En sa qualité de président en exercice du sommet arabe jusqu’en mars, c’est le Liban qui dirigeait donc la réunion ministérielle et c’est donc lui qui était la cible des critiques. C’est aussi la diplomatie libanaise qui a préparé le communiqué final, soumettant toutefois le texte à la seule délégation syrienne. Le jugeant suffisamment ferme et conforme à ses positions au sujet de la crise irakienne, la Syrie a donné son aval. Toutefois, la diplomatie libanaise a évité de soumettre le texte au vote, car elle n’ignore pas que les positions libanaise et syrienne sont loin de faire l’unanimité chez les Arabes. La réunion s’est donc terminée et le communiqué final a été distribué, provoquant l’ire de la délégation koweïtienne, qui considère qu’il ne reflète pas ses appréhensions ni les dangers réels qui menacent la région. Mais ce qui a fait déborder le vase dans lequel bouillonnait la colère du Koweït, ce sont surtout les déclarations du ministre libanais Mahmoud Hammoud à la presse, dans lesquelles il a précisé que seul le Koweït a émis des réserves sur le contenu du communiqué final. Les Koweïtiens ont tenu à préciser que leur pays n’était nullement isolé, ce que d’ailleurs on comprend aisément, vu la position mitigée de nombreux pays arabes. Deux fautes, c’est trop... Deux fautes, c’était donc trop pour un émirat qui est l’un des principaux bailleurs de fonds du Liban et qui se considère actuellement comme l’une des principales cibles en cas de réaction militaire irakienne. Lundi, le Parlement koweïtien a âprement discuté de la question, adressant de vives critiques au Liban et hier, le Koweït a présenté une « protestation officielle contre le Liban » pour « violation des règlements de la Ligue arabe », auprès du secrétaire général M. Amr Moussa. M. Ahmed Khaled al-Koleib, délégué koweïtien auprès de la Ligue, a ainsi déclaré que « la réunion du Conseil de la Ligue a adopté malheureusement et pour la première fois un communiqué sans former un comité pour le préparer. Ce communiqué avait été transmis à une seule délégation et il a été distribué quelques minutes avant la fin de la réunion. Le président du conseil de la Ligue (M. Mahmoud Hammoud) a ignoré une demande de la délégation saoudienne, soutenue par dix pays dont l’Égypte, de soumettre le communiqué au vote ». Hier aussi, le secrétaire au ministère koweïtien des Affaires étrangères, M. Khaled Soleiman al-Jarallah, a convoqué l’ambassadeur du Liban, M. Khaled Moustafa al-Kilani, pour lui faire part du mécontentement de son gouvernement sur la manière dont le Liban a dirigé les séances de la réunion ministérielle arabe. Visiblement, le Koweït ne compte pas passer l’éponge, occultant les considérations qui ont poussé le Liban à se comporter de la sorte, afin d’éviter sans doute un conflit avec les partisans d’une position ferme, à savoir la Syrie essentiellement, mais aussi la Libye et le Yémen, sans compter qu’il n’est pas loin de partager cette option. Interrogé sur la question, le ministre d’État koweïtien, chargé des Affaires extérieures, cheikh Mohammed al-Sabbah a répondu : « Nous considérons le Liban comme un pays souverain et il doit assumer seul la responsabilité des fautes qu’il commet. Or, le communiqué final doit refléter les opinions des pays arabes. Ce qui s’est passé est une falsification de la volonté arabe. Sinon, pourquoi la présidence de la réunion a-t-elle refusé de soumettre le communiqué au vote ? » « Le Koweït est une démocratie » Cette affaire épineuse a fait hier l’objet d’une réunion entre le président Émile Lahoud et le ministre des Affaires étrangères, Mahmoud Hammoud, qui s’était empressé, lundi soir, de déclarer que le Liban tenait à ses relations cordiales avec le Koweït, tout en ajoutant qu’il comprenait parfaitement la position de ce pays. Le Liban officiel ne veut absolument pas provoquer une crise avec le Koweït, considéré comme un pays frère et ami, surtout dans cette période particulière où un consensus arabe est plus que jamais vital pour les pays de la région. Le message a d’ailleurs été visiblement bien reçu par le chargé d’affaires koweïtien au Liban, M. Soleiman al-Harbi, qui s’est rendu hier, à sa propre demande, au palais Bustros pour un entretien avec le ministre Hammoud. Devant les journalistes, M. al-Harbi a précisé que les relations de son pays avec le Liban n’étaient pas en crise. Au sujet des vives critiques adressées au Liban par des députés koweïtiens, M. al-Harbi a déclaré : « Notre pays est une démocratie et les membres du Parlement sont libres de s’exprimer et de donner leur opinion, mais cela ne représente pas la position officielle. » Selon le chargé d’affaires koweïtien, au cours de l’entretien, il n’a été question que de la position de son gouvernement et de l’application des règlements internes de la Ligue, réaffirmant que le Koweït est avec tous les efforts arabes communs et que son gouvernement n’a pas évoqué la possibilité de suspendre ses aides au Liban. L’alerte a en tout cas été chaude et, comme d’habitude, c’est le Liban qui s’est trouvé en première ligne, essuyant toutes les critiques. Si sa diplomatie ne sort pas vraiment grandie de cette crise qui, malgré les démarches du Koweït auprès de la Ligue et la convocation de l’ambassadeur du Liban, devrait être rapidement circonscrite, les Arabes aussi y laissent des plumes, face à un monde en pleine turbulence et à la veille d’échéances cruciales. Scarlett HADDAD
La question irakienne ne divise pas seulement l’Europe et les membres du Conseil de sécurité, elle place aussi le Liban et le Koweït au bord d’une crise sans précédent. Depuis dimanche, dès la fin de la réunion ministérielle arabe au Caire, les Koweïtiens ne décolèrent pas contre le chef de la diplomatie libanaise, le ministre Mahmoud Hammoud. Menaces directes des...