DESIGN - Zein Daouk Jabre signe des poufs, des sacs, des châles … L’originalité instinctive (photos)

Pour commencer, elle a toujours été belle. Yeux marron, teint de porcelaine, cheveux noirs aux reflets vermillon… Puis, elle a ce caractère « infernal, incontrôlable » décrit par une amie d’enfance : « Elle est comme un pur-sang arabe, on ne peut pas la tenir. » L’humour en plus, la fille devient phénomène. Zein Daouk Jabre a également du style. Beaucoup de style. Portrait d’une touche-à-tout qui s’amuse à colorier les accessoires, du babouche (ou plutôt des mules) au sac, en passant par les poufs, les châles et même les chambres d’enfants. Rigolote, un brin survoltée, elle bouge en permanence. Même au cours de l’entretien. Il faut la suivre, au propre comme au figuré. Autour d’un café au lait, dans son atelier-bureau-maison de la rue Clemenceau, elle se prépare à dévoiler son parcours. Mais avant, il lui faut ouvrir cette boîte de biscuits à l’emballage réticent. Qu’à cela ne tienne, elle en viendra à bout grâce à un cutter. Elle tranche le plastique d’un geste froid, d’une précision chirurgicale. Habile des mains lorsqu’il s’agit de créer, elle s’excuse de sa maladresse en déposant de travers l’assiette à biscuits sur une table basse. « Je ne suis pas une bonne House Wife », dit-elle en rigolant. Un coup d’œil circulaire dément ses propos. Une maison à l’ancienne décorée avec beaucoup de goût. Où chaque chose est à sa place, où chaque objet est personnalisé d’une touche créative. Architecte de formation, diplômée de l’AUB, elle a d’abord exercé sa profession dans le bureau de Nabil Tabbara, partenaire de son père. Au bout d’un an, elle rend son équerre. Se marie avec Wissam Jabre, architecte également. Collabore avec lui de 1993 à 1997. Puis naissance de la petite Emma. Arrivée avant terme, elle nécessitait beaucoup d’attention. La jeune maman se retrouve donc à la maison. Comme un lion en cage. Au bord d’une crise majeure d’ennui. Pour s’occuper, elle tient le pinceau. « J’ai toujours aimé dessiner. » Enfant, elle rêvait de devenir peintre. Mais aussi médecin. Puis architecte. Une fois devenue architecte, elle a viré designer. Et le talent, dans tout cela ? « Mon vrai talent, c’est l’instinct. Il m’aide à discerner entre ce que je peux faire et ce que je ne peux pas. À un moment donné, j’ai senti que je ne pouvais plus être architecte. Finalement, cela m’a réussi. » Dessins tous azimuts Retour à la peinture. Son dada depuis toujours. Mais son instinct, toujours lui, lui dicte que ce n’est pas encore le moment de se donner entièrement à cet art. Des touches colorées par-ci par-là ne font pas de mal. Elle se met alors à fignoler des petits meubles pour la chambre de sa fille. Une chiffonnière, puis un lit, puis des coussins. La voilà qui dessine sur tout ce qui lui tombe sous la main. Saisie par une véritable obsession du pinceau, elle transforme son quotidien. Invitée à un mariage, pas encore débarrassée des kilos de la maternité, elle se confectionne un beau châle en soie naturelle, avec une fleur majestueuse dans le dos. Succès immédiat. Les commandes pleuvent. Même chose pour les sacs. Vient le tour des mules. Mais là, elle ira plus loin encore, fabriquant elle-même ses accessoires. L’originalité et cette pointe d’excentricité. C’est ce qui fait le succès de ses objets. Un jour, vous la verrez en train de peindre la chambre d’un enfant. Un autre, en train d’exposer ses poufs post-modernes (à l’Espace SD). Et un autre encore, le nez au soleil, dans le jardin de sa maison, peignant un grand châle frangé. Parfois, Zein Daouk Jabre sent qu’elle illustre parfaitement le dicton anglais qui dit : « Jack of All Trades, Master of None » (sorte de touche-à-tout qui n’excelle en aucun domaine) . Et modeste, en plus… Maya GHANDOUR HERT