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Opinion Privatisation vs nationalisation

Commençons par affirmer, avant d’éveiller la curiosité du lecteur, que nous sommes résolument en faveur de la privatisation, l’autre système, très en vogue le siècle dernier, ayant donné les preuves de sa faillite dans la plupart des pays où il a été appliqué. Il existe, cependant, entre les deux camps des nuances aussi variées que les facteurs pris en considération par les pays amenés à prendre des décisions capitales. Les facteurs impliqués se rapportent à la dimension du pays concerné, à sa capacité à maîtriser la science, aux moyens techniques dont il dispose ainsi qu’aux moyens financiers dont il peut bénéficier pour résoudre son problème. Il est aussi dangereux pour le Liban, en matière de privatisation, de se comparer à la France ou aux É-U qu’il l’est pour la grenouille de La Fontaine, dont on connaît la folie. Il serait utile, à ce stade, de rappeler les définitions essentielles des deux termes opposés. La privatisation consiste à confier au secteur privé des activités qui étaient jusqu’alors le propre du secteur public. La nationalisation consiste à transférer à la communauté les moyens de production qui sont entre les mains de propriétaires privés. Tant que la privatisation se passe en vase clos, c’est-à-dire lorsqu’un État confie ses activités à des organisations nationales, l’intérêt public est sauf, dans la mesure où il peut assurer la souveraineté de l’État et sanctionner le civisme des membres du secteur privé. Mais dès qu’il s’agit de confier un service public essentiel à une société étrangère, dépendant d’un pays puissant et industriel, l’opération devient excessivement périlleuse. L’État solliciteur se met, en l’occurrence, en position de faiblesse par rapport à l’État pourvoyeur et perd de ce fait sa chance unique de maîtriser cette science qui l’a pris au dépourvu. Que se passe-t-il, en effet, lorsque l’État appâté par des promesses financières considérables devient tributaire d’une organisation extranationale ? – La société étrangère désigne quelques experts pour étudier l’implantation de ce nouveau marché. Leurs rapports restent secrets. – Une infrastructure technique est mise en place, dont les procédures de travail échappent à l’autorité locale. – Des cadres et des fonctionnaires nationaux sont recrutés pour faire fonctionner la machine administrative. Leur obédience va à la société mère. – Les problèmes divers sont résolus par une minorité d’étrangers aidés par une majorité de nationaux. La minorité dispose du droit de décision. – Les redevances de l’État sont acquittées « rubis sur l’ongle » en l’absence d’un authentique contrôle de l’État solliciteur. La faiblesse de cette aventure est apparente à l’œil nu et se passe de commentaires. Nous avons connu une situation similaire, dans les années soixante, lorsqu’il s’est agi de doter le Liban d’une infrastructure moderne dans le domaine technique de la cartographie. Les bénéfices importants d’une cartographie moderne, de levers cadastraux appropriés et de plans urbains précis ont poussé le législateur à confier au ministère de la Défense ce domaine essentiel. Deux conceptions différentes ont très vite émergé du flot des conseils techniques ; l’une consistait à confier à une société étrangère la photogrammétrie du territoire national ; l’autre consistait à organiser un service public capable de faire face à ce problème. Inutile de dire que c’est la deuxième option qui a prévalu, marquant les étapes suivantes : – Faire appel à des experts auprès de l’Institut géographique national de France, experts subventionnés complètement par l’autorité locale. – Mettre en place une direction pour gérer les affaires géographiques et la doter d’une unité de photographie aérienne. – Développer une législation spéciale pour confier le travail topographique à des bureaux privés d’ingénieurs libanais. – Collaborer avec l’USJ à l’institution d’une branche d’ingénieurs géographes. – Renforcer la section topographique des arts et métiers, et embaucher tout le personnel diplômé de cet établissement. – Créer une tradition libanaise dans la profession, favorable à l’esprit de corps. Plusieurs milliers de Libanais ont été associés à cette expérience fructueuse, et ils sont encore là pour témoigner de sa réussite. Le domaine de la télécommunication est un service public essentiel dont les valeurs financière, sociale, stratégique sont tellement importantes qu’il mérite absolument de demeurer dans les vases clos de l’État. Il aurait fallu, pour cela, que le Conseil des ministres établisse à son compte un programme rationnel en décidant du pays étranger auprès duquel il sollicitera l’aide technique (la France conserve en cette occurrence une place privilégiée), et en y ajoutant les facteurs nécessaires à une privatisation de longue durée. Ces facteurs impliquent la création d’un institut pour former les cadres de l’Administration : BT, TS, ingénieur ; l’établissement de procédures spéciales pour faire participer des bureaux privés à des réseaux divers de télécommunications ; le financement de cette opération gigantesque par des citoyens qui désirent placer leur confiance dans le parcours de l’État. Il est malheureusement indispensable, à la décharge du service public en question, de mettre en relief quelques indicateurs qui prouvent bien que ce service n’a pas l’envergure suffisante pour faire face à ce genre de problèmes. Le plus spectaculaire des indicateurs est qu’il a été incapable jusqu’à ce jour de fournir à ses clients des factures détaillées de conversations téléphoniques ; opération facile dont l’absence d’exécution ne présage rien de bon en matière de management, sans compter les lenteurs administratives intolérables sur des formalités largement payées par le citoyen avant leur mise à exécution. Le problème ne réside pas dans un choix entre privatisation et nationalisation, il s’agit tout simplement pour l’État de choisir entre privatisation intra-muros et privatisation extra-muros. Mais quand un petit pays en voie de développement se livre pieds et poings liés à des sociétés étrangères tributaires de puissances industrielles et organisées, il y perd, pour une poignée de dollars, sa souveraineté et ses plumes. Antoine EL-DAHDAH Ambassadeur
Commençons par affirmer, avant d’éveiller la curiosité du lecteur, que nous sommes résolument en faveur de la privatisation, l’autre système, très en vogue le siècle dernier, ayant donné les preuves de sa faillite dans la plupart des pays où il a été appliqué. Il existe, cependant, entre les deux camps des nuances aussi variées que les facteurs pris en considération...