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La situation - Tiraillements au sein de l’Exécutif, imbrication entre les affaires et la politique, interventionnisme syrien... Les derniers développements ont fait resurgir un triple dysfonctionnement

La polémique et les tiraillements qui ont marqué la vie politique au cours des derniers jours ont mis en relief un triple dysfonctionnement dans l’exercice du pouvoir : au plan constitutionnel, d’abord ; au niveau gouvernemental, ensuite ; et, une fois de plus, dans les relations avec la Syrie. Ce n’est, certes, pas la première fois que les rapports entre le chef de l’État et le Premier ministre s’enveniment de la sorte. À l’ombre de l’ancienne Constitution, les crises aiguës entre les deux pôles de l’Exécutif étaient déjà fréquentes, mais le fait que la tension resurgisse – tout aussi fréquemment – après Taëf prouve que des failles très graves persistent dans l’édifice constitutionnel. En l’absence d’un dialogue en profondeur appelé à disséquer la réalité libanaise, il paraît évident que l’on n’a pas encore atteint le système politique adéquat susceptible d’assurer équilibre et stabilité dans les rapports intercommunautaires. Cet équilibre interne ne saurait être atteint sans une loi électorale qui permettrait à chaque communauté de porter au Parlement ses véritables représentants et non pas ceux choisis par une autre partie. Les aberrations accumulées sur ce plan depuis une décennie expliquent sans doute les secousses fréquentes qui marquent notre vie politique. Mais bien au-delà des textes de loi, c’est sans doute l’esprit du Pacte national et l’essence même de la formule libanaise qui font encore défaut. La démocratie consensuelle n’est pas – et ne devrait pas être – un simple slogan creux. Elle peut – et elle devrait – se traduire par un comportement responsable dans la pratique quotidienne du pouvoir. Cela implique que chaque composante de la société doit admettre le droit à la différence et accepter l’autre sans chercher à l’assimiler ou à le marginaliser. * * * D’une manière plus prosaïque, le dysfonctionnement apparu ces derniers jours a dénoté aussi des débordements à caractère politicien qui ont constitué une innovation en la matière. Sous les mandats des présidents Amine Gemayel et Élias Hraoui, le pays avait connu le phénomène des ministres frondeurs qui se rebellaient contre le président de la République ou le Premier ministre. Aujourd’hui, l’équation est quelque peu inversée. C’est le chef du gouvernement qui mène un mouvement de fronde contre l’un de ses ministres ! La campagne haineuse et outrancière menée par les députés et les médias haririens contre le ministre des Télécommunications a constitué, sans aucun doute possible, une tache noire dans l’entreprise de privatisation de la téléphonie mobile et a jeté le discrédit sur le projet de privatisation dans son ensemble. Manifestement, le ministre Cardahi gêne et représente un obstacle à un partage du gâteau portant sur le marché juteux du cellulaire. Le plus grave dans cet épisode qui n’en finit plus d’empoisonner le climat politique, c’est qu’il met en relief la difficulté pour certains responsables d’établir une dissociation nette entre leurs propres affaires lucratives et la gestion de la chose publique. Une telle imbrication n’est certes pas nouvelle au Liban, mais elle a visiblement atteint un seuil alarmant. Et malsain. * * * Ce double dysfonctionnement constitutionnel et intragouvernemental qui s’est exacerbé ces derniers jours a remis sur le tapis, s’il en était encore besoin, l’éternel et traditionnel problème des rapports avec Damas. La mission urgente effectuée mercredi dernier par la délégation syrienne en vue de calmer le jeu sur la scène locale a redonné un souffle nouveau à l’interventionnisme syrien que l’on espérait s’être quelque peu atténué. Dire que le jeu de la Syrie sur l’échiquier libanais constitue une atteinte à l’indépendance du pays et à l’autonomie de décision du pouvoir central est devenu un lieu commun. Mais ce que l’on oublie parfois, c’est que l’ingérence syrienne représente l’un des principaux facteurs qui stimulent systématiquement les dysfonctionnements constitutionnel et intragouvernemental. En jouant alternativement, au gré de ses intérêts ou de sa raison d’État, une partie contre l’autre ou un pôle du pouvoir contre l’autre, Damas contribue à entretenir le flou dans les rapports entre Libanais, aux différents échelons de la vie politique. Ce qui maintient le cercle vicieux d’un déséquilibre interne chronique. Un état d’équilibre est généralement l’aboutissement d’une succession de situations instables. De ce fait, pour que les diverses composantes communautaires puissent enfin édifier un système tenant compte de leurs particularismes respectifs, il faudrait donner libre cours aux interactions internes. Même si parfois elles se manifestent par des tensions et des frictions extrêmes. Mais pour que ces interactions puissent avoir l’effet salutaire escompté, les Libanais devraient pouvoir se retrouver entre eux. Loin des interférences régionales. Et ils devraient, surtout, faire preuve d’une grande maturité politique. Michel TOUMA
La polémique et les tiraillements qui ont marqué la vie politique au cours des derniers jours ont mis en relief un triple dysfonctionnement dans l’exercice du pouvoir : au plan constitutionnel, d’abord ; au niveau gouvernemental, ensuite ; et, une fois de plus, dans les relations avec la Syrie. Ce n’est, certes, pas la première fois que les rapports entre le chef de l’État...