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Médias - La présidence du Conseil ordonne la coupure du relais de la chaîne à Jouret el-Ballout La New TV muselée... sur satellite

L’encre du verdict contre la MTV venait à peine de sécher qu’un nouveau scénario a été concocté mardi dernier, menaçant la chaîne New TV de fermeture. Contournant ce qui lui a semblé être un nouveau « piège » tendu aux médias de l’opposition, le directeur de la chaîne, Tahsin Khayat, a fini par se plier à la décision de la justice qui lui interdisait de diffuser une émission, prévue mercredi soir, et consacrée à la situation politique en Arabie saoudite. Auparavant, le ministre des Télécommunications, Jean-Louis Cardahi, avait coupé le relais satellitaire de la station, pour l’empêcher de diffuser l’émission, à la demande de la présidence du Conseil. Une action que les responsables de la chaîne ainsi que les milieux de la presse ont dénoncée avec virulence, estimant qu’elle est aussi arbitraire que l’étaient les procédés de la fermeture de la MTV. Personne, disent-ils, ne peut préjuger de la teneur d’une émission avant sa diffusion. Dénonçant les procédés de « censure préalable », M. Khayat a estimé en outre que c’est toute la démarche qui est condamnable, le Premier ministre n’étant pas habilité à décider de la suspension des émissions par satellite. Par conséquent, même si la décision d’interdire le programme est pour certains « justifiable aux yeux de la loi », la suspension pure et simple de toutes les émissions par satellite ne s’impose pas pour autant. Tout a commencé avec la diffusion, samedi dernier, d’un spot publicitaire sur la NTV annonçant une émission qui traite notamment de l’opposition saoudienne, intitulée Sans contrôle (Bila Rakib). La réaction n’a pas tardé à venir, d’abord de la part de l’ambassadeur du royaume saoudien, Fouad Sadek Mufti, qui s’est dépêché d’appeler le président de la chaîne, lundi soir, pour lui demander d’annuler l’émission, en arguant qu’elle constitue une « attaque directe contre l’Arabie saoudite ». Ce à quoi M. Khayat a répondu en affirmant que de telles craintes sont injustifiées et qu’il n’est pas question qu’une chaîne qui se respecte fasse preuve de partialité. M. Khayat a justifié ses propos par le fait que les « loyalistes » qui devaient prendre part au débat étaient plus nombreux que les « opposants » au régime saoudien. Le lendemain (mardi), le Premier ministre, Rafic Hariri, a pris la relève, en convoquant chez lui les ministres de l’Information, des Affaires étrangères et de la Justice, respectivement, MM. Ghazi Aridi, Mahmoud Hammoud et Samir el-Jisr, pour une réunion urgente axée sur les « effets négatifs » que pourrait avoir une telle émission sur les relations libano-saoudiennes. D’autant plus, ont indiqué les participants, que le royaume wahhabite est soumis, depuis quelque temps, à une campagne médiatique négative de la part de l’Occident. Dans une lettre adressée par le bureau de la présidence du Conseil, le ministre des Télécommunications, Jean-Louis Cardahi – qui n’était même pas présent à la réunion –, a été sommé de couper le relais satellitaire de la station, à Jouret el-Ballout. Entre-temps, les ministres réunis avaient tenté de convaincre, « par tous les moyens », le président de la chaîne d’ordonner l’annulation de l’émission. En vain. « J’ai reçu des appels de la part des trois ministres, qui étaient encore réunis chez M. Hariri. À tour de rôle, les uns et les autres m’ont fait comprendre – certains usant de menaces, d’autres par la persuasion – que je devrais renoncer à diffuser l’émission », a affirmé M. Khayat. Un des moyens de pression agité par Ryad serait la menace saoudienne de renvoyer près de 150 000 Libanais résidant en Arabie saoudite. « Ma réponse était claire. Pour moi, il n’était pas question de suspendre cette émission d’autant que les responsables n’en connaissaient pas encore la teneur », a dit le président de la chaîne. Une critique qui a d’ailleurs été relevée par un certain nombre d’observateurs politiques qui ont unanimement dénoncé « les tentatives de museler les voix de l’opposition avant même qu’elles ne se soient exprimées ». Pour Tahsin Khayat, l’annulation de cette émission équivaudrait à la fermeture de la chaîne. Entre-temps, M. Cardahi avait ordonné la coupure du relais satellitaire – une décision que Tahsin Khayat a critiquée avec virulence – car, a-t-il dit, « le gouvernement a outrepassé, une fois de plus, le rôle du Conseil national de l’audiovisuel (CNA) et fait fi des règles de procédure prévues par la loi ». « C’est au ministre de l’Information de soumettre un rapport au Conseil des ministres qui peut alors saisir la justice (notamment sur recommandation du CNA) », a affirmé M. Khayat. Or la décision de couper le relais n’a même pas été prise en Conseil de ministres, mais à l’issue d’une réunion privée entre M. Hariri et quelques-uns de ses ministres convoqués en dernière minute. Cette mesure restera en vigueur jusqu’à la prochaine réunion du Conseil des ministres, soit le 9 janvier. « Je m’attendais à ce que M. Cardahi ne se soumette pas aussi facilement à la décision du Premier ministre et qu’il prenne une position aussi courageuse que celle qu’il avait adoptée en ce qui concerne la téléphonie mobile », a affirmé M. Khayat. Le ministre de l’Information, Ghazi Aridi, a pour sa part affirmé qu’aucune « décision n’a été prise à l’issue de cette réunion. Nous sommes simplement convenus de poursuivre les contacts avec les responsables de la chaîne pour éviter une crise », a-t-il affirmé. Lors d’un point de presse, M. Aridi a toutefois rappelé les dispositions de la loi sur l’audiovisuel, notamment l’article 531, qui interdit la diffusion de programmes portant atteinte aux relations avec des pays amis. La même loi stipule que tout programme diffusé sur satellite doit être soumis au préalable au ministre de l’Information, a poursuivi M. Aridi. Mercredi soir, et après avoir affirmé à maintes reprises qu’il ne reviendrait pas sur sa position, le directeur de la NTV a fini par obtempérer « seulement après avoir reçu une circulaire du procureur général », Adnane Addoum, lui interdisant la diffusion de l’émission. La requête de la justice a été remise par un officier des Forces de sécurité intérieure, accompagné d’une trentaine de policiers, qui ont établi un cordon de sécurité autour du bâtiment abritant les studios de la NTV. « Je n’ai fait que me soumettre à la décision judiciaire. Cela ne veut pas dire que j’ai changé d’avis », affirme Tahsin khayat qui persiste et signe : « L’émission sera à nouveau reprogramée et diffusée, et ce grâce à une décision judiciaire », promet-il en indiquant qu’il a bien l’intention de se pourvoir en justice, dans l’espoir d’obtenir gain de cause. Qualifiant la mesure prise par la présidence du Conseil « d’illégale », le président de la chaîne estime que cette dernière doit rétablir le relais au plus vite, d’autant que l’émission en question n’a pas été diffusée. Pour M. Addoum, la chaîne peut recommencer à diffuser indépendamment d’une décision judiciaire, car la coupure du relais a été prise sur une circulaire de la présidence du Conseil. Par conséquent, dit-il, « il faut une autre circulaire pour revenir sur la décision de suspension ». Connu pour son opposition farouche à M. Hariri, notamment à sa politique économique et financière, Tahsin Khayat est convaincu que cette affaire a été montée de toutes pièces par le Premier ministre qui « l’attendait depuis longtemps au tournant ». « La fermeture de la NTV est depuis longtemps programmée. Elle devait être fermée en même temps que la MTV, mais les responsables n’ont pas trouvé les arguments nécessaires pour nous incriminer », a affirmé M. Khayat. Interrogé sur la question de savoir qui a pris l’initiative d’interdire cette émission, et dans quelle mesure le conflit personnel qui l’oppose au Premier ministre a été déterminant dans cette affaire, le président de la NTV accuse, sans hésiter, M. Hariri d’avoir « entraîné l’Arabie saoudite dans une affaire dont elle aurait pu se passer, en l’utilisant pour régler ses problèmes avec la NTV. Peut-être cherchait-il à lancer des fleurs aux Saoudiens pour rentabiliser son coup », a-t-il dit. « Quoi qu’il en soit, poursuit M. Khayat, je ne comprends pas comment un État, qui dépense des milliards pour redorer son image, puisse s’inquiéter d’une telle émission. » Justifiant la manière dont a été traité ce dossier, le président du CNA, Abdel Hadi Mahfouz, a affirmé que la suspension des émissions satellitaires sur la NTV « ne signifie en aucun cas que la liberté d’expression est en danger ». Selon lui, « la mesure préventive » prise par le parquet vise à préserver les relations entre le Liban et un pays arabe à l’ombre des perturbations qui secouent la région. En attendant de voir si, comme prévu, la suspension sera prochainement levée, les milieux médiatiques suivent avec préoccupation ce dossier, craignant que cette nouvelle « violation » ne constitue une fois de plus un précédent : lequel verrait la « censure préalable » s’ériger désormais en règle. Jeanine JALKH
L’encre du verdict contre la MTV venait à peine de sécher qu’un nouveau scénario a été concocté mardi dernier, menaçant la chaîne New TV de fermeture. Contournant ce qui lui a semblé être un nouveau « piège » tendu aux médias de l’opposition, le directeur de la chaîne, Tahsin Khayat, a fini par se plier à la décision de la justice qui lui interdisait de diffuser...