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Actualités - REPORTAGES

Théâtre de rue - 150 troupes, 4 jours d'explosion artistique et de folie créative Le Festival de Chalon-sur-Saône : du beau spectacle ! (photos)

Chalon-sur-Saône, en plein cœur de la Bourgogne et de son vignoble, est une charmante ville de 60 000 habitants. Chaque été depuis treize ans, fin juillet, elle est envahie par un flot de touristes et de visiteurs qui viennent participer à «Chalon dans la rue», festival de théâtre de rue dont l’emblème est un tournesol. Créé en 1987 par Pierre Layac et Jacques Quentin, cet événement culturel est en effet devenu l’un des plus importants rendez-vous du spectacle de rue en France. Il attire des centaines de compagnies locales et internationales et des centaines de milliers de spectateurs. Cette année, la 14e édition de «Chalon dans la rue» c’était, du 20 au 23 juillet, quatre jours d’explosion artistique et de folie créative. Les cours, les places, les jardins, les parkings…l’espace public a été exploré dans ses moindres coins et recoins par près de 150 troupes, aux décors plus ou moins lourds, fixes ou déambulatoires. Il y avait, d’une part, le «in», avec 32 compagnies de théâtre invitées (22 françaises, trois africaines, une belge, deux hollandaises et 4 israéliennes) pour 28 projets artistiques différents ; et, d’autre part, le «off», avec près de 120 compagnies. Les spectacles du «in» sont gratuits ou payants, mais nécessitent souvent, dans les deux cas, une billetterie. Leurs dates sont déterminées d’avance et leurs lieux sont fixes. Les spectacles «off» sont gratuits, mais il arrive qu’une participation symbolique soit demandée sur place. Par contre, leurs dates et lieux n’étant pas fixes, le festivalier doit faire un choix et un repérage au quotidien. Il peut pour cela consulter Le Journal dans la rue, vendu à la criée dans la ville (5 francs), où l’on trouve aussi le plan des lieux de spectacles, ainsi que diverses informations pratiques. Mais qu’est-ce que le théâtre de rue ? En vérité, c’est un art qui reste mal défini, puisqu’il comprend le théâtre plus ou moins conventionnel, mais aussi le cirque, le mime, la parade, la musique, la danse, les arts plastiques, les spectacles de chansonniers et le multimédia. Toutefois, l’important est d’étonner, d’amuser, d’émouvoir, de faire rêver ou de donner à réfléchir. Soleil, soleil Patrie de Nicéphore Nièpce, inventeur du procédé photographique, Chalon-sur-Saône est, comme son nom l’indique, traversée par la Saône. L’été y est vert, fleuri et ensoleillé, pour le bonheur des festivaliers qui se prélassent sur l’herbe, entre deux spectacles, ou se promènent sur les quais. À l’exception de quelques rares représentations qu’on ne peut joindre qu’en empruntant une navette spéciale, les spectacles sont tous concentrés dans un même rayon, assez large, mais que l’on peut parcourir à pied. L’atmosphère n’en est que plus agréable : on se croise, on se salue, on échange impressions et émotions, et on se donne des conseils quant à la programmation. Car plus que les journaux et les affiches, le bouche à oreille reste la référence préférée du festivalier. Les journées du festival commencent plutôt tard dans la matinée, ce qui permet aux fêtards de bien récupérer. Rendez-vous au «Rendez-vous des festivaliers», à la maison du festival, près de l’«Accueil public». Là, Thierry Binoche et le Théâtre Group’ accueillent, de 11h30 à 13h30, un certain nombre d’artistes et de troupes pour des mini-débats ou des «morceaux choisis» de leurs spectacles. Deux heures de rencontres qui éclairent la lanterne du public. C’est également là que campe «La Centrale du Festivalier», qui propose ses services : informations sur les compagnies et sur les programmateurs ; la cote des compagnies, des programmateurs et du public. On est aussi invité à dire ce que l’on pense : une «boîte de dénonciations» est toujours prête à recueillir les plaintes, rumeurs, insatisfactions ou coups de cœur… Et c’est parti ! Guidés par leur programme, les festivaliers se dirigent ensuite vers les spectacles de leurs choix. Jusqu’au soir, on enchaîne les plaisirs, qu’on peut faire durer jusqu’au petit matin, dans quatre lieux de convivialité et de musique, aux ambiances différentes : latino, africaine, tzigane, orientale et rock français. Place à l’imagination La programmation de «Chalon dans la rue 2000» était particulièrement heureuse, «in» et «off» confondus. Aussi nombreux que variés, les spectacles couvraient un large éventail de styles et de genres. On citera entre autres le très original spectacle multimédia interactif de la compagnie Art Point M, intitulé «Quelques gens de plus ou de moins». Suivant un parcours aléatoire, délivré par ordinateur, le visiteur explore, seul, un monde étrange, entre réel et virtuel, baigné dans une ambiance sonore. Sur les 15 caisses en bois, il en expérimentera 5 seulement, mais pourra découvrir ce que cachent les autres sur ordinateur. Cinq face-à-face avec des personnages étranges ou avec lui-même ; cinq expériences drôles, choquantes, gênantes, intéressantes ou relaxantes. «Arena Voz», de la compagnie Babylone, est un conte où les concepts espace/temps sont complètement chamboulés. Sur le sable nu d’une piste et sur une musique en direct défilent à toute allure des personnages qui semblent tout droit sortis d’une bande dessinée. Bloc Opératoire et ses «Chimères Amères» nous plongent au cœur de l’horreur. Trilogie autour d’une anti-Alice au pays des merveilles, victime d’inceste. Une histoire triste à en mourir, où l’humour est tellement noir qu’on ne le voit plus, mais dont on ne peut qu’applaudir la mise en scène et les idées. Les Cubiténistes Aha ont imaginé un «Musée de la vie quotidienne». Ou comment transformer le public en œuvre d’art. Une foire à la photo «vivante». La devise de «L’Orchestre de chambre de Ville» de la compagnie Décor Sonore-Allegro Barbaro est : «Quand on écoute autrement, on entend autre chose». Ces 20 musiciens se confrontent aux sonorités de la ville. Au-delà de leurs instruments, ils mettent en œuvre toute la richesse de l’«instrumentarium» urbain : klaxons, marteau-piqueur, moteurs, sirènes. Lackaal Duckric a inventé «Le Confort Universel», par l’homodomotique : un nouveau concept révolutionnaire, mélange de matériel humain et de combinés électroniques. C’est entre les rayons d’un grand magasin de la ville que la troupe a installé ces hommes objets. Pour mieux vous servir… À travers trois spectacles, chapeautés par le Théâtre de l’Utopie, c’est toute l’Afrique d’aujourd’hui qui nous est contée, d’un ton critique, dénonciateur, féroce et burlesque : «Les Nouraanes (Bénin) – Le Rêve des Éoliennes» (d’après Patrick Collet) ; «Les Paléos (Côte d’Ivoire) : En attendant le vote des bêtes sauvages» (d’après Ahmadou Kourouma) et «Les Matitis (Gabon) : Scènes de la vie quotidienne» (d’après Hubert Freddy Ndong Mbeng). Du beau spectacle, fort, à fleur de peau. Surprises et émotions Un inconditionnel de «Chalon dans la rue», chouchou du public : Calixte de Nigremont. Ce personnage haut en couleur proposait cette année aux festivaliers «La Flagornerie Facile en 4 leçons, ou Master Class de Veulerie». Et de prêcher sur la place publique, chaque jour pendant une heure, l’art de la flatterie. Avec un étonnant sens de la répartie et beaucoup d’à-propos, et en faisant participer le public qui venait toujours très nombreux. Ces rencontres hilarantes pleines de jeux de mots plus ou moins subtils ont été clôturées par une finale de la «Coupe du monde de Flagornerie», en présence du maire de la ville. Victoria et Les Ballets C de la B sont allés fort avec leur spectacle «Tous des Indiens», tout en violence contenue. Cris, pleurs, rires hystériques, portes claquées, fenêtres enjambées, déchirements, embrassades… Cela court dans tous les sens, saute, éclate, se pose pour mieux rebondir. Une pièce en montagnes russes, qui vous prend à la gorge. Avec des acteurs marquants, tous excellents. Ambiance fofolle et un peu nostalgique avec «Déjà Revue» du Cirque en Kit : Les descendants d’une famille de music-hall tentent de sauver le cabaret familial. Ils se transforment en guide ou en serveur avant de se changer à la hâte pour jouer la comédie, chanter, danser ou exécuter des numéros de cirque. Travaillé dans les détails, ce spectacle offre un agréable moment d’évasion. Dans «Pic Nic», la troupe Vis à Vis invite le public à découvrir l’autre côté de la scène. Devant, il y a un couple de jeunes mariés qui pique-nique. Derrière, il y a les coulisses et les techniciens… Une initiative intéressante, pour le moins qu’on puisse dire. Installation impressionnante pour «www.sandman.nl» de la troupe The Lunatics. Six énormes antennes paraboliques, un sablier géant, des sacs, des jets d’eau et deux curieux engins aux moteurs qui vrombissent fort. Un beau spectacle à effets spéciaux, moderne et très visuel, qui parle de marchands de sable et du temps qui s’écoule, inexorablement. Les amoureux de la mécanique et des inventions bizarroïdes auront apprécié à coup sûr «Le Conservatoire des Curiosités» de la compagnie Opus. Présentée à nouveau au public, après 30 ans d’oubli, la fameuse «Ménagerie Mécanique» d’André Durupt était exposée dans de vieux réfrigérateurs. Visite guidée de ces animaux plus que curieux, qui ne se nourrissent que d’électricité. Chalon chamboulée On aurait du mal à définir le superbe spectacle «Cahin Caha» de la compagnie Chiencru, mélange d’acrobaties, de music-hall, de danse et de musique «live». On reste bouche bée devant ces numéros variés parfaitement maîtrisés, sur les thèmes de l’amour et de la peur, qui s’enchaînent à un rythme d’enfer. On remonte le temps avec le Théâtre de l’Escouade qui se propose de rappeler au public les grands moments du XXe siècle dans «XXs, petites chroniques d’un siècle déjà passé». Trois scènes différentes, pour un spectacle en trois temps, basé sur le mouvement et, surtout, sur la participation du public. Qui apprécie. Parade aux couleurs éclatantes pour les quatorze percussionnistes de la compagnie Caméléon, qui ont déambulé tambour battant dans les rues de Chalon. Une «Batucada» inspirée par les rythmes afro-brésiliens, détonnante et… contagieuse. On se laisse envahir, et en cadence ! Les Obsessionnels ont fait «Main jaune sur la ville». Les Krishnous annoncent la venue de leur maître le gourou Grossvater, de son vrai nom Albert Pauthiron. Ils prêchent et tentent de convertir. Beaucoup d’imagination et de comique pour cette caricature des sectes, dont le message reste clair : attention, attention ! «La Ballade K» de Kabbal, c’est le voyage d’un vaisseau étrange, sorte de machine mécanique et musicale au système bien jonglé. L’équipage parle un langage spécial, codé, et s’active. Mais cette structure mobile n’est pas si bien huilée qu’elle en a l’air. Et à bien y regarder, on se reconnaît dans ces automates. Pour supprimer le chômage et donner de l’occupation à tous, le Théâtre de l’Unité propose 31 «Petits métiers», utiles à leur manière, et autant de machines pour les illustrer : le claqueur d’enfants, l’essayeur de cercueils, le souffre-douleur, le porteur de toast à la con, le démorveur-torcheur, le promeneur de vieilles dames, le montreur de vie-en-rose, le marchand de petits-riens, le promeneur d’oiseau, etc. Amusant et ingénieux. Place à la danse avec «Between», d’Olivier Bodin. Une pièce pour 4 danseurs et un musicien, où l’expression des corps et des visages est poussée à l’extrême. Un moment fort et de la bonne musique, comme on l’aime. Elles sont quatre. Quatre femmes au grand cœur, délurées mais tellement fraîches, qui n’ont pas leur langue dans leur poche et qui forment le Quartet Buccal. Dans «Entre chiennes et louves», elles chantent leurs hommes et l’amour, sans fausse pudeur. Les textes sont beaux, les voix sont belles et le public applaudit à tout rompre. Etc., etc. Avec toute la bonne volonté du monde, il serait impossible de raconter Chalon dans la rue, tourbillon d’images et d’émotions. Une gerbe d’images et de moments forts qu’on emporte avec soi, avec la ferme intention d’en faire durer la magie le plus longtemps possible. Par le souvenir.
Chalon-sur-Saône, en plein cœur de la Bourgogne et de son vignoble, est une charmante ville de 60 000 habitants. Chaque été depuis treize ans, fin juillet, elle est envahie par un flot de touristes et de visiteurs qui viennent participer à «Chalon dans la rue», festival de théâtre de rue dont l’emblème est un tournesol. Créé en 1987 par Pierre Layac et Jacques Quentin,...