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Actualités - REPORTAGES

Société - Le sort des coopératives du Liban, un enjeu national Tractations accélérées pour sauver les supermarchés populaires (photos)

Que deviendront les coopératives du Liban, ces espèces de marchés populaires fréquentés par des milliers de Libanais, à faibles revenus ? Les responsables du secteur coopératif viennent de tirer la sonnette d’alarme : menacée de faillite, l’entreprise a déjà accumulé une dette de près de 59 millions de dollars, dont 38 millions pour les seuls fournisseurs. La fermeture des magasins Coop aura, c’est le moins qu’on puisse dire, des conséquences économiques bien lourdes. Elle risque non seulement de mettre les 2 000 personnes qu’elle emploie au chômage, mais elle affectera également tout le secteur économique environnant, à savoir une soixantaine d’industries étroitement dépendantes, pour l’écoulement de leurs produits, de cette institution. Comment un secteur aussi important, qui englobe plus de 58 institutions, et qui, jusque-là-comptait parmi les plus prospères au Liban, s’est-il enlisé dans une spirale d’endettement ? Le timing de la crise a-t-il une signification politique ? Le président du conseil d’administration des coopératives Mounir Farghal énumère une série de raisons qui seraient derrière ce brusque retournement de situation. Tout d’abord, dit-il, la baisse des ventes, évaluée à 3,5 millions de dollars par mois, est à l’origine de la crise et provient directement de la récession dans laquelle le Liban s’enfonce depuis plus d’un an. Pourtant, les coopératives sont le lieu par excellence où les gens affluent en temps de crise économique, précisément à cause des prix compétitifs qu’elles pratiquent. Avec un volume des ventes qui atteignait les 220 milliards de LL par an, «un des plus importants du secteur de la vente au détail» souligne Mounir Farghal, on est en droit de se demander si le problème ne relève pas plutôt d’une mauvaise gestion comme certains l’affirment, fruit d’une politique d’expansion mal adaptée. «Il est vrai que nous nous sommes lancés l’année dernière dans une politique de développement qui nous a coûté plusieurs milliards de livres libanaises, reconnaît M. Farghal. Celle-ci a consisté en acquisitions d’immobiliers et d’équipements. C’était en effet un mauvais calcul, mais on n’avait pas prévu que la situation allait s’aggraver de la sorte», précise-t-il. De toute manière, les Coop ont toujours fait des jaloux, et ceux qui sont partis en guerre contre ce secteur sont nombreux, surtout parmi les concurrents, les grands supermarchés essentiellement, qui n’ont pas apprécié que ce secteur soit exempté de taxes par l’État, note le directeur du conseil d’administration. Un dossier politique Certaines sources estiment par ailleurs que cette crise a été exagérée et politisée à outrance, surtout en période électorale, «plus particulièrement à Beyrouth, transformée en une véritable arène où le gouvernement s’oppose à ses détracteurs». Ces sources estiment que le timing n’est pas tout à fait innocent et, qu’une fois de plus, l’opposition cherche à manipuler certains dossiers socio-économiques chauds, pour souligner l’incapacité du gouvernement actuel à gérer la situation, voire même d’être à l’origine de cette crise. Bref, rien de nouveau, jusque-là. Des rumeurs font par ailleurs état d’une véritable affaire de corruption dans laquelle seraient impliquées plusieurs personnes du conseil d’administration, ce qui expliquerait la lourdeur de la dette et la gravité de la situation dans laquelle s’est retrouvé le secteur coopératif du jour au lendemain. C’est la raison pour laquelle le gouverneur de la Banque centrale, qui s’est saisi du dossier la semaine dernière, aurait exigé de soumettre les coopératives à un audit interne. Entre-temps, toutes considérations politiciennes mises à part, ce sont quelque 2 000 salariés à la Coop qui sont menacés dans leur emploi, sans parler des 25 000 actionnaires, dont 20 000 sont issus de milieux pauvres, détenant des actions de moins d’un million de livres libanaises. Cinq autres mille personnes se partagent le reste des actions, qui varient entre 2 millions de LL et 20 millions de LL l’action. «À l’annonce de la crise, les actionnaires se sont rués vers l’administration centrale pour essayer de se faire rembourser. Ils étaient affolés», raconte un des actionnaires qui avait investi, avec son frère, dans les Coop 20 millions de LL, la totalité de leur épargne. «Au début, nous avons été obligés de satisfaire les premiers actionnaires qui avaient demandé à être remboursés, ce qui équivalait à près de 10 milliards de LL (20 % du capital de la société). Par la suite nous avons pris la décision d’interdire cela, jusqu’à nouvel ordre», a affirmé Mounir Farghal, qui affiche un optimisme déroutant dès qu’on l’interroge sur les solutions à adopter pour affronter les difficultés. Solutions en vue Avec près de 8 millions de dollars de dettes sur l’immobilier, 12 millions de dollars de prêts auprès des banques, 38 millions qu’ils doivent aux fournisseurs, les coopératives du Liban n’auront pas la tâche facile. Des négociations viennent d’être entamées avec les différentes parties concernées, à savoir le ministre de l’Économie Nasser Saïdi, le gouverneur de la Banque du Liban, Riad Salamé, le président des Associations des industriels Jacques Sarraf. Selon le président du conseil d’administration des coopératives, Mounir Farghal, une réunion «préliminaire» a fixé les grandes lignes d’une coopération future qui devrait s’établir entre les quatre parties en présence. «Il s’agit en premier lieu de trouver un équilibre dans la relation entre les partenaires concernés, à savoir les banques, les fournisseurs, les industriels et les coopératives, afin de redynamiser le rôle de ces dernières». Celles-ci auraient également demandé un prêt auprès des banques, contre hypothèque de ses biens immobiliers. Au cours d’une réunion qui a groupé par la suite le gouverneur de la Banque centrale et les banques créditrices, il a été convenu que les banques obtiendraient des coopératives «sur-le-champ» la somme de 4 millions de dollars, sur les 12 millions qu’elles leurs doivent, le reste de la somme devant être échelonné avec ses intérêts par des bons du Trésor à long terme. D’autres réunions sont prévues avec le président de l’Association des industriels, un secteur qui risque également d’être touché, 60 industries libanaises étant dépendantes des coopératives pour l’écoulement de leurs produits. «Nous sommes les seuls à encourager la production libanaise, industrielle ou agricole», souligne M. Farghal, d’où les répercussions que pourrait avoir cette crise sur le plan national. D’autres solutions internes, cette fois, sont également envisagées. Une gestion de crise, comprenant deux volets, sera mise en place, nous confie le président du conseil d’administration. Tout d’abord, il s’agit de mettre en gérance certaines branches du secteur des vêtements, des jouets et des chaussures. Ce secteur constitue 20 % de l’ensemble des coopératives du Liban. Certaines sources affirment qu’il serait même question de vendre les branches dites improductives. Quant au second volet, il consiste à mettre en place une gestion de type familial avec un système de primes au rendement. «Ce régime consiste d’abord à encourager la motivation individuelle, à comprimer les dépenses et à augmenter les ventes, tout en supprimant la mentalité bureaucratique», explique Mounir Farghal, qui assure toutefois que ce plan de redressement n’envisage pas des licenciements. En attendant que les solutions commencent à porter leurs fruits, on ne peut qu’espérer que ce dossier sera traité loin des considérations politiciennes. Pour une fois, on aimerait voir l’intérêt public primer sur ceux des individus ou sur tel ou tel autre camp en présence, tant il est vrai que les coopératives constituent une source de revenus pour des milliers de Libanais.
Que deviendront les coopératives du Liban, ces espèces de marchés populaires fréquentés par des milliers de Libanais, à faibles revenus ? Les responsables du secteur coopératif viennent de tirer la sonnette d’alarme : menacée de faillite, l’entreprise a déjà accumulé une dette de près de 59 millions de dollars, dont 38 millions pour les seuls fournisseurs. La fermeture...