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Actualités - OPINION

Les constantes libanaises

Alors que le Liban est entré, depuis l’échec du sommet syro-américain de Genève, dans une zone de turbulences qui risque de se transformer en zone de tempêtes, le Pouvoir, lui, continue d’aller à la dérive. En l’espace de deux semaines, les trois déclarations officielles concernant le retrait ont, toutes, soulevé des remous au sein de l’équipe dirigeante. La première de ces déclarations, celle du ministre de la Défense, a entraîné une mise au point quelque peu cavalière de la part d’une «source autorisée». La deuxième, celle du chef de l’État, a provoqué un débat sur les prérogatives du président de la République. La troisième, faite par le directeur de la Sûreté générale, a suscité la colère du Premier ministre et ouvert la voie à de nouvelles polémiques. Cette confusion, qui se traduit par des conflits sur les prérogatives des uns et des autres, ne se limite pas à une question de forme. La position officielle concernant l’application de la résolution 425 est, quant au fond, également incohérente. Le Pouvoir estime en effet que la prise en charge par l’armée libanaise, aidée par les forces des Nations unies, des zones libérées fera du Liban le gardien des frontières nord d’Israël avec pour effet de la placer en opposition avec les Palestiniens désireux de poursuivre la lutte armée à partir du Liban-Sud et de le priver de tout moyen de pression concernant la solution du problème des réfugiés palestiniens établis sur son territoire. Cette argumentation repose sur un amalgame, l’amalgame entre l’application de la résolution 425 qui porte uniquement sur le retrait israélien des territoires occupés et la conclusion d’un accord de paix avec Israël qui, lui, devrait inclure une solution au problème des réfugiés. L’objectif des gouvernements libanais qui se sont succédé depuis 1978 était de faire cesser les agressions israéliennes contre le Liban et de rétablir la sécurité au Liban-Sud. Personne n’avait estimé à l’époque que cette résolution était dans l’intérêt d’Israël. D’ailleurs, ce dernier n’y avait pas souscrit et avait même empêché par la force l’armée libanaise de se déployer aux côtés de la Finul avant d’annoncer la création d’un «État» dans les zones qu’il occupait. Pourquoi cette résolution a-t-elle soudainement changé de nature ? Pourquoi cette inversion des rôles ? Israël est-il devenu plus faible pour avoir besoin de «garanties» libanaises ? Les Palestiniens sont-ils aujourd’hui plus forts qu’ils ne l’étaient en 1978 ? Pouvons-nous espérer, avec la reprise des opérations palestiniennes, forcer Israël à accepter une solution au problème des réfugiés ? Le Pouvoir va à la dérive et le pays est menacé d’un retour à la case départ. Il est temps que toutes les forces politiques en prennent conscience et réfléchissent sur les «constantes» nationales qui devaient leur servir à la fois de guide et de garde-fou pour éviter de retomber dans les erreurs du passé. Quelles sont ces constantes ? 1- L’indépendance et la souveraineté du Liban sont étroitement liées à l’unité nationale. Les interventions extérieures qui ont marqué le quart de siècle écoulé ne sont pas simplement le fait de «complots» tramés de l’extérieur, elles ont, toutes, été sollicitées par l’une ou l’autre des parties libanaises en conflit. Aussi est-il nécessaire, à la veille du retrait israélien, qu’une attention particulière soit accordée au problème de l’unité nationale et que tout soit fait pour calmer les appréhensions des uns et des autres : appréhensions des musulmans qui craignent que les chrétiens ne mettent à profit les changements en cours pour dénoncer le principe de la participation égalitaire des communautés au pouvoir, et appréhensions des chrétiens qui redoutent que leurs coreligionnaires du Sud ne fassent les frais du retrait israélien. 2- L’unité nationale ne peut, dans le cas du Liban, s’incarner dans un homme, un parti, ou une communauté. Elle est, de par la nature même de notre société, une unité complexe qui repose sur le principe de la participation la plus large des Libanais à la gestion de l’espace commun que représente l’État. Ce principe est essentiel dans un pays où l’identité de l’individu ne se limite pas à la seule appartenance nationale, mais prend en considération tous les autres niveaux d’appartenance, communautaire, régionale, culturelle, familiale, etc. Tenter de «confisquer» le pouvoir sous n’importe quel prétexte ne peut conduire qu’à discréditer l’État et à en faire l’objet d’une lutte permanente entre les individus et les groupes qui constituent la société. 3- La paix civile est liée au respect des institutions. Toute entorse à cette règle se répercute négativement sur l’équilibre à la fois politique et communautaire du pays. On ne peut pas truquer des élections et s’étonner que le débat politique se transporte du Parlement dans la rue. Dans une société pluraliste et diversifiée, les sources de conflit sont toujours présentes. Il n’est pas possible de les supprimer en «uniformisant» la société, c’est-à-dire en éliminant la diversité qui la constitue, mais il est facile de les gérer à la condition toutefois d’assurer le fonctionnement des institutions. La démocratie et la justice sont les seuls garants de la paix civile. C’est sur la base de ces «constantes» qu’une action commune devient possible. Il est temps, pour chacun et pour tous, d’y participer.
Alors que le Liban est entré, depuis l’échec du sommet syro-américain de Genève, dans une zone de turbulences qui risque de se transformer en zone de tempêtes, le Pouvoir, lui, continue d’aller à la dérive. En l’espace de deux semaines, les trois déclarations officielles concernant le retrait ont, toutes, soulevé des remous au sein de l’équipe dirigeante. La première...