Rechercher
Rechercher

Actualités - REPORTAGES

Théâtre - Il anime un atelier d'une semaine à l'Alba Nabil Azan : le théâtre contemporain rend au spectateur sa liberté (photo)

Le metteur en scène Nabil Azan anime un atelier d’une semaine à l’Alba – Université de Balamand. Avec 16 étudiants en deuxième année d’audiovisuel, il planche, jusqu’au 1er avril, sur une œuvre contemporaine : Roberto Zucco, de Koltès. L’an dernier, au théâtre Monnot et en collaboration avec le Centre culturel français, le metteur en scène Nabil Azan avait animé un cycle de découverte du théâtre contemporain, intitulé Acte 1. Quatre pièces avaient été travaillées avec un groupe d’étudiants de l’Alba, de l’UL et de l’Iesav, et avaient abouti à des lectures scéniques ouvertes au public, aux théâtres Monnot et al-Madina. Des rencontres et débats autour du théâtre avaient également réuni des professionnels libanais et français. La deuxième partie de ce programme – qui devait s’intituler Acte 2 – était prévue pour février-mars 2000. Mais faute de moyens, elle a dû être remise à l’année prochaine. Qu’à cela ne tienne ! Nabil Azan a quand même fait le voyage à Beyrouth pour animer un atelier à l’Alba, qui avait participé activement à l’opération de l’an dernier et avec laquelle il avait eu un bon contact. Cet atelier d’une semaine – dont le début a coïncidé avec la Journée internationale du théâtre – sera peut-être clôturé, le 1er avril, par une petite représentation, «à l’intime». «Cet atelier que j’anime devait en principe faire partie d’un ensemble qui aurait aussi comporté la création d’une des pièces travaillée l’année dernière, Le Renard du Nord , de Noëlle Renaude», indique Azan. Traduite en arabe, cette œuvre était programmée pour le 24 mars sur les planches du théâtre Monnot. Le programme devait également comprendre des ateliers pédagogiques, plutôt techniques, articulés autour de la question des métiers du théâtre. «Comme je devais être là pour le spectacle, avec un décorateur, un éclairagiste et un costumier, j’allais en profiter pour que chacun de nous anime un atelier autour de sa spécialité», ajoute le metteur en scène. « Roberto », serial killer Directeur de la compagnie française La Barraca , Nabil Azan ne s’intéresse qu’à l’écriture contemporaine, «qui se porte très bien en France», dit-il. Il fait partie, entre autres, du comité de lecture d’une maison d’édition théâtrale. Ce qui lui permet de découvrir constamment de nouveaux auteurs. «Il est important de travailler sur la mémoire, mais il est aussi important de voir ce qui s’écrit et ce qui se pense aujourd’hui», ajoute-t-il. Pour l’atelier à l’Alba, il a choisi de travailler sur un texte de Bernard-Marie Koltès, Roberto Zucco . Koltès est l’auteur qui a assuré la relève de ces prédecesseurs des années 50. Il est l’héritier direct de Genet et de Beckett, en version refaçonnée, bien sûr. Sa carrière a suivi une ascension fulgurante. Il avait fait tandem avec Patrice Chéreau, qui a monté la plupart de ses pièces. Il est mort du sida en 1989, à 40 ans à peine. «Cette pièce est intéressante parce qu’elle raconte l’histoire d’un serial killer», note Azan. À l’époque, elle avait fait scandale et avait été traduite, très vite, en plusieurs langues. «Ce qui est très beau dans cette pièce, c’est qu’il n’y a pas de jugement. L’auteur n’a aucun affect pour son personnage. Il n’en fait pas un héros». Roberto est quand même l’ange exterminateur de toute une société qui a complètement perdu valeurs et idéaux. «Cette société est fichue et elle est très proche de notre société aujourd’hui, que ce soit au Liban ou ailleurs», insiste Azan. Roberto est le produit de cette société. «Bien sûr, il est coupable, mais exterminer des gens paumés, finalement, est-ce si grave que cela ?», ajoute-t-il dans un sourire. «Ce serait presque leur rendre service…». À part la découverte d’un auteur, ce que Nabil Azan essaye d’apporter aux étudiants à travers cet atelier c’est «une prise de conscience de ce qu’est jouer un texte et de ce que cela implique», dit-il. «Chaque phrase que l’auteur a écrite a une valeur, sinon un sens. Et aujourd’hui, le répertoire du théâtre contemporain abonde de textes qui travaillent justement la notion du sens, ce qui est très intéressant», ajoute-t-il. «Avant, on écrivait une pièce au sens presque unilatéral. Aujourd’hui, il faut le chercher partout dans le texte». Le théâtre, un art collectif Pour Nabil Azan, il est par ailleurs important que les étudiants découvrent l’importance du corps dans l’espace, un corps qui joue. «Dans ma démarche de metteur en scène, j’essaye autant que possible de mettre le corps au service du texte», dit-il. «Le texte parle, le corps aussi. Le théâtre ne se limite pas à “dire du sens”». Enfin, il essaye de les amener à bien comprendre qu’une scène n’est pas une donnée définitive et qu’il y a d’innombrables façons de faire passer un texte. «Jouer, c’est jouer un texte mais aussi jouer avec le texte, et aussi jouer avec les autres», souligne-t-il. «Mais il y a au Liban une forte tendance à jouer seul. Parce qu’il y a au fond très peu de théâtres dans notre pays, même si on compte pas mal de gens qui s’en occupent», ajoute-t-il. «Or, le théâtre est l’art collectif par excellence». Une autre particularité du théâtre contemporain est que, du moins chez la plupart des auteurs, «on ne peut plus parler de characters (caractères), comme disent les Anglo-Saxons ; autrement dit de personnages types. Il n’y a plus de psychologie», affirme Azan. «L’homme d’aujourd’hui est éclaté. Il est plusieurs et multiple. Et il est bon que cette multiplicité soit montrée et prise en charge par l’acteur», ajoute-t-il. Et le spectateur est invité à faire sa propre démarche pour retrouver une unité, à partir de ce personnage atomisé. «Aujourd’hui, on rend au spectateur sa liberté , et c’est une chose merveilleuse», conclut le metteur en scène.
Le metteur en scène Nabil Azan anime un atelier d’une semaine à l’Alba – Université de Balamand. Avec 16 étudiants en deuxième année d’audiovisuel, il planche, jusqu’au 1er avril, sur une œuvre contemporaine : Roberto Zucco, de Koltès. L’an dernier, au théâtre Monnot et en collaboration avec le Centre culturel français, le metteur en scène Nabil Azan avait animé un cycle...