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Actualités - REPORTAGES

Portrait - Peintre, sculpteur et musicien Olivier Gredzinski : symbiose avec la terre (photos)

Lorsqu’il trouve, en l’Espace SD, plus de 800 m2 pour s’exprimer, Olivier Gredzinski se dit «quelle aubaine !». Pendant un mois, il préparera dans les moindres détails cette méga exposition (jusqu’au 2 avril) intitulée «Tourba». Une rétrospective de ses sept dernières années de travail, dans laquelle il a mis tout son jus. Rencontre avec un artiste qui ne fait pas de concession. Français, d’origine polonaise, marié à une Libanaise et père d’un garçon de sept ans, Olivier Gredzinski vit à Beyrouth depuis fin 1996. «J’ai rencontré ma femme il y a 12 ans, à Nice, alors que nous étions tous les deux étudiants en Arts décoratifs», indique-t-il. En 1991, alors qu’il visite le pays du cèdre pour la première fois, il est frappé par sa lumière et sa chaleur. Quelques années plus tard, il s’y installe avec sa petite famille. Après quelques expériences avec différentes galeries du pays, il comprend qu’il ne pourra pas travailler avec elles. «Parce qu’il n’y a pas de souci artistique assez prononcé, ni de philosophie assez profonde», dit-il. D’autre part, c’est trop cher. Il décide alors de se prendre en main tout seul et découvre l’Espace SD qui n’est pas vraiment une galerie mais plutôt un lieu où l’artiste a la liberté de faire ce qu’il veut, à ses propres frais. Un lieu où il peut donc se livrer plus simplement et plus pleinement. À chacune de ses expositions, Olivier Gredzinski présente tout un univers à l’atmosphère particulière, fait de sculptures, de peintures et d’instruments de musique qu’il fabrique lui-même. À l’Espace SD, il a rassemblé des travaux assez divers (plus de 200 œuvres), dont les plus anciennes remontent à 1993, sur le thème de l’inspiration à travers les traditions primitives et les arts premiers. «Tout ce qui rejoint l’Océanie, l’Afrique, les Amériques et aussi l’Asie et l’Orient», précise-t-il. Il y a d’abord des toiles représentant la période parisienne, et donc travaillées essentiellement à l’huile. Pour la période libanaise, l’artiste a ensuite développé un monde très tactile – fait de terre et d’éléments de la terre et composé de toiles mais aussi de totems, de masques et d’outils – fortement inspiré du chamanisme, et qui dégage une charge d’énergie. Des produits locaux récoltés dans la nature Tourba a attiré à ce jour plus de 700 curieux. «C’est assez exceptionnel», note l’artiste. «Je crois que les gens sont touchés par ce style de peinture, qui est à la fois simple et difficile parce qu’on n’a pas l’habitude de le voir». Depuis qu’il vit au Liban, Olivier Gredzinski travaille à partir de produits locaux et naturels : terre, sable, pigments naturels, cire d’abeille, toile et bois. «J’aime être en symbiose avec la terre et ses éléments», dit-il. «De plus, étant donné que ma démarche artistique est assez mystique et spirituelle, la terre du Liban est importante pour moi, parce qu’elle rejoint beaucoup de choses. C’est un ferment historique, c’est incommensurable». À l’Espace SD, les visiteurs peuvent visionner une vidéo expérimentale, réalisée par Wadih Safieddine, qui montre bien la relation qu’a l’artiste avec la terre. On le voit récoltant de la terre dans la montagne, puis à l’œuvre, dans son atelier. Un atelier qu’il a d’ailleurs reconstitué sur place, à l’Espace SD, pour tout le temps de l’exposition. «C’est exactement le même, mais en plus petit», précise-t-il. «J’ai choisi de dévoiler aux gens quelque chose qu’on ne montre pas en général, qui est le cabinet secret et intime de l’artiste. J’ai voulu qu’ils voient comment je travaille, quels sont les produits que j’utilise, bref je me suis ouvert au regard extérieur». La musique, un carburant Comme pour son premier vernissage au Liban et pour les suivants, Olivier Gredzinski a offert aux visiteurs de l’Espace SD un concert original, un peu spécial. Mais pourquoi toujours ce mariage peinture/musique ? «La peinture demande une concentration mentale assez forte», répond-il. «Pensée, digestion, création, résultat… Il y a cet aspect méditatif obligatoire ; on ne peut pas avoir un résultat direct, ni un plaisir immédiat. En complémentarité, la musique est intéressante parce qu’elle est concrète, au niveau de l’écoute», poursuit-il. «On joue d’un instrument et le résultat est immédiat. On a une pulsion, c’est physique. D’autre part, le son de certains instruments nous fait voyager. Ensuite, lorsqu’on peint, on est dans une situation d’inspiration très forte. La musique est comme un carburant». Il fabrique de ses propres mains la plupart des instruments qu’il utilise, et toujours à partir de matériaux locaux. Il s’agit d’instruments ethniques inspirés des traditions primitives. Percussions, flûtes, petits instruments avec des lamelles, réalisés au moyen de tonneaux de vin, de peaux de vaches ou de chèvres pris à l’abattoir, de bois de cèdre ou d’eucalyptus et d’éléments instruments recyclés. «J’ai fait beaucoup de recherches, j’ai voyagé, mais il faut aussi une grande part d’invention et de créativité», explique-t-il. Fabriquer un instrument représente une semaine à 15 jours de boulot. «Pour moi, en ces temps de cybernétique où tout est “speed”, prendre son temps pour travailler un instrument est un acte de résistance artistique», insiste-t-il. «Je refuse le matérialisme spirituel et artistique». Son instrument de prédilection reste le didjeridoo, «inventé» par les aborigènes d’Australie et qui remonte à 60 000 ans. Il s’agit en fait d’une branche, dont l’intérieur a été creusé par des termites et qu’on décore en général de totems, au dehors. «Quand on souffle dedans, on a l’impression qu’il y a un synthétiseur à l’intérieur», fait remarquer Olivier Gredzinsky. «Avec peu de moyens, on peut donc arriver à un résultat optimum», dit-il. Et après Tourba ? «Je suis obligé d’aller de l’avant», indique Olivier Gredzinski, qui a tourné définitivement le dos aux galeries libanaises. «Je pourrais d’une part organiser des expositions “in situ”, dans des grands espaces, avec une réelle implication sur le terrain. D’autre part, il va falloir m’ouvrir sur l’étranger». Et de conclure, philosophe : «La situation dans laquelle je me trouve est à la fois un problème et une chance». Et la chance, il faut savoir la saisir au vol.
Lorsqu’il trouve, en l’Espace SD, plus de 800 m2 pour s’exprimer, Olivier Gredzinski se dit «quelle aubaine !». Pendant un mois, il préparera dans les moindres détails cette méga exposition (jusqu’au 2 avril) intitulée «Tourba». Une rétrospective de ses sept dernières années de travail, dans laquelle il a mis tout son jus. Rencontre avec un artiste qui ne fait pas de...