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Actualités - OPINION

Tempête ubuesque dans le verre d’eau local

L’œil vissé au mauvais bout de la lorgnette, c’est-à-dire le gros, qui réduit le monde au diamètre de la pupille voyante, les acteurs se livrent sur la scène locale à des jeux puérils, des taquineries de potaches irresponsables. Ou manipulés par le surveillant général. Au moment où le monde entier retient son souffle pour voir si, et quand, le volcan régional va entrer en éruption, nos gens de Pompei ne songent qu’à leurs luttes de foire, au cirque permanent de leurs joutes claniques. Provoquant un climat de tension intérieure paroxystique, presque sans précédent. Au risque de précipiter cette chute économique que leurs largesses accumulées, leur gestion commune tissée de gabégie et de corruption ont mise en mouvement. Bref, les surprises servies en rafales par le pouvoir mettent le pays dans une situation que l’un des piliers de Kornet Chehwane qualifie de dramatique. Ce pôle s’interroge sur la lucidité comme sur les objectifs de certains dirigeants. Il rappelle que, face au tollé provoqué par la fermeture de la MTV, ces derniers avaient appelé au calme, affirmant que la rue ne devrait pas bouger, qu’il fallait laisser faire la justice et dépolitiser l’affaire. Dans le jargon politicien, ou même usuel, il s’agissait là d’une proposition assez claire de désengagement. C’est-à-dire d’une promesse à peine voilée qu’on allait gentiment arranger les choses, entre gentlemen, pour peu que l’opposition cesse de pousser les hauts cris. Or, au moment même où Kornet Chehwane, se reniant presque, laissait entendre qu’elle était de nouveau partante pour un nouveau round de dialogue avec les loyalistes, on apprenait d’abord que le procès de la chaîne était retardé, pour cause de subites permutations judiciaires décidées par le pouvoir politique. Puis, cerise sur le gâteau, que Gabriel Murr était dénoncé par le Conseil constitutionnel à cause d’une déclaration de revenus, entendre de patrimoine, non expédiée dans les délais. Amine Nassar, président de cette instance, a immédiatement saisi les autorités, le Parlement surtout, de cette infraction qui aurait pu – n’était-ce le constat fait hier par la police judiciaire – faire annuler le mandat populaire délivré au député du Metn, sans même qu’il y eût besoin de l’invalider suite au recours déposé par sa concurrente, Myrna Murr. En somme, on était passé d’un débat sur les libertés des médias à des disputes d’arguties juridico-administratives. Un domaine courtelinesque, qui offre l’avantage, pour les loyalistes, que la rue ne peut suivre ni l’opposition ni le sujet en soi. Car elle n’est pas en mesure de s’échauffer pour des éléments d’arcanes judiciaires difficiles à apprécier pour des non-professionnels. En outre, sur ce terrain, le pouvoir est plus à l’aise que ses contempteurs, puisque les lois, c’est lui qui les fait puis qui les interprète comme il veut. Seulement, cette fois, la balle était dans le camp de Berry. Ce n’est pas tout à fait la même chose que lorsque le dossier galope dans le corral de l’Intérieur et de ses succédanés, comme cela a été le cas pour la MTV. En effet, le président de la Chambre, indiquent ses proches, n’avait pas beaucoup envie de s’impliquer dans un conflit politique qui ne le concerne pas directement, tant s’en faut. Certes, il n’a pas contré le régime dans ses démêlés avec l’Est, mais il ne voyait pas pourquoi il lui fallait renoncer à l’attitude commode de neutralité bienveillante adoptée jusque-là. Officiellement, la présidence de la Chambre, saisie de la notification de Nassar aux termes de laquelle le député Murr pourrait être considéré comme démissionnaire, conformément à l’article 5 du code sur l’enrichissement illicite, indique qu’elle compte étudier le dossier sous tous ses angles juridiques avant de se prononcer. Un délai de réflexion tout à fait normal, et l’on se dit que si la justice n’est pas pressée pour la MTV, on ne voit pas pourquoi la Chambre le serait. Il va de soi que la démarche du Conseil constitutionnel, une première dans son genre, provoque de forts remous, et certaines inquiétudes, chez les députés. Même parmi ceux dont les sympathies opposantes ne sont pas évidentes. On a pu de la sorte entendre, place de l’Étoile, un loyaliste indépendant (eh oui, toutes les nuances existent) se demander si les autorités sont elles-mêmes en règle en ce qui concerne le cas de Gabriel Murr. Le parlementaire indique en effet que le secrétariat de l’Assemblée doit relancer tout nouvel élu pour l’informer de ses diverses obligations d’ordre administratif, dont le devoir de remplir un formulaire de déclaration de patrimoine. Et peut-être cela n’a pas été fait pour Murr, vu qu’il ne fait pas partie d’une fournée générale. Toujours est-il que les députés juristes, nombreux comme on sait, sont tous d’accord pour estimer qu’aucune loi ne peut surclasser la Constitution ou entrer en contradiction avec elle. À leur avis, aucune interprétation de l’article 5 de la loi sur l’enrichissement illicite ne peut annuler le verdict des urnes rendu par le peuple souverain. C’est-à-dire qu’aucune infraction d’ordre administratif ne peut abroger un mandat de députation. Surtout quand le code est mal rédigé, contraire à l’esprit comme à la lettre de la Constitution. Cet article 5 n’a en effet rien à envier à l’article 68 qui a permis de boucler la MTV. On y trouve en effet que lorsque un député ne déclare pas son patrimoine dans les trois mois, il perd « un des éléments constituants de sa députation et se trouve considéré comme démissionnaire ». D’abord, ce n’est pas dans une loi sur l’enrichissement illicite, loi ordinaire, que peut résider la définition des éléments constituants d’une élection, qui relève de la Constitution. Ensuite, comment peut-on considérer quelqu’un comme démissionnaire, s’il n’a pas présenté sa démission ? On peut le révoquer, on ne peut pas le démissionner, tout comme on ne peut pas suicider autrui, sauf s’il s’agit d’un quelconque Sabri Banna, alias Abou Nidal, étourdiment réfugié chez Saddam. En pratique, que va-t-il se passer ? Qu’il le veuille ou non, la balle est dans le camp du Parlement. Il s’offre à lui deux façons de procéder. Soit un examen dans le cadre de son bureau. Soit un débat en séance plénière. En tout cas, Berry va consulter à droite et à gauche et se hâter lentement. De leur côté, les loyalistes n’en finissent pas d’affirmer que ceci n’a rien à voir avec cela. Tout comme ils soutenaient hier que les permutations judiciaires n’avaient aucun rapport avec le tribunal des imprimés, ils affirment aujourd’hui que la percutante, l’originale initiative du Conseil constitutionnel n’est pas liée au contentieux électoral des frères Murr. Ni que, par ricochet, c’est l’opposition qui est visée. Pas plus, répètent-ils, que la création d’un Rassemblement parlementaire chrétien loyaliste n’a rien à voir avec l’existence de Kornet Chehwane ou ne se trouve dirigée contre Bkerké. Selon les gens du pouvoir, il n’y a aucune sorte de lien entre les incidences de l’actualité, toutes fortuites, judiciaires et apolitiques, à les en croire. Mais qui le voudrait? Probablement pas la Rencontre dont on attend une prise de position aujourd’hui même. Philippe ABI-AKL
L’œil vissé au mauvais bout de la lorgnette, c’est-à-dire le gros, qui réduit le monde au diamètre de la pupille voyante, les acteurs se livrent sur la scène locale à des jeux puérils, des taquineries de potaches irresponsables. Ou manipulés par le surveillant général. Au moment où le monde entier retient son souffle pour voir si, et quand, le volcan régional va...