Rechercher
Rechercher

Actualités - INTERVIEWS

ARCHÉOLOGIE - Mounir Bouchnaki, assistant du directeur général de l’Unesco, dresse un état des lieux Les sites du Liban classés « patrimoine mondial » menacés par l’expansion urbaine (photo)

«Protéger les sites archéologiques de l’expansion urbaine est une nécessité au Liban. Cela exige un renforcement de la loi sur les antiquités afin de pouvoir lutter contre les constructions illicites». C’est en ces termes que l’assistant du directeur général de l’Unesco, Mounir Bouchnaki, a exprimé sa crainte de voir le précédent de Tyr se répéter. Au cours d’une interview accordée à L’Orient-Le Jour, M. Bouchnaki, ancien directeur du bureau du Patrimoine mondial, a adressé un état des lieux pour évaluer la situation des sites du Liban classés sur la liste du patrimoine mondial. De Anjar à Baalbeck, en passant par Tyr, Byblos, la vallée de la Qadisha et les Cèdres, de lourdes menaces pèsent sur notre patrimoine. L’expansion urbaine gagne du terrain dans les alentours directs de ces sites, déformant leur paysage caractéristique, les dissimulant au regard et, surtout, menaçant les vestiges archéologiques enfouis dans leur sol. En fait, la création d’une zone tampon, ou périmètre de protection, n’était pas exigée par l’Unesco dans les demandes de classement des sites dans les années 60 et 80. «Pour cette raison, ces sites bénéficient d’une circonstance atténuante au bureau du Patrimoine mondial, et nous collaborons avec les autorités locales pour régler ce problème, indique M. Bouchnaki. La campagne internationale pour la sauvegarde de Tyr en est d’ailleurs l’exemple». La collaboration entre l’Unesco et le gouvernement libanais ne se limite pas à Tyr mais englobe aussi les autres sites, comme Baalbeck. «En dehors du temple de Bacchus, le complexe culturel de Baalbeck ne semble pas souffrir d’une grande dégradation», souligne cet archéologue qui ajoute que «les experts de l’Unesco suivent les études présentées par la Direction générale des antiquités pour traiter l’éclatement de la pierre dans la partie supérieure des murs». Le grand danger qui vise Baalbeck se situe, cependant, en dehors des murs des temples. Il est manifeste dans la vieille ville qui n’est pas dotée d’égouts. Certes, il est indispensable de trouver une solution à ce problème touchant des milliers de personnes, sans toutefois porter atteinte à l’archéologie. Or creuser toutes les ruelles jusqu’à une certaine profondeur, pour établir un réseau moderne d’égouts, c’est mettre en péril les vestiges enfouis. «Pour tenter de trouver une solution, il est nécessaire de faire appel à des experts ayant l’expérience de la réhabilitation des centres historiques et des aménagements d’infrastructure», suggère M. Bouchnaki. La ville de Tyr, devenue exemple mondial des sites archéologiques classés et menacés par l’explosion urbaine, nous apprend qu’«il est primordial de mettre en œuvre le schéma directeur réalisé pour cette ville par le comité scientifique de l’Unesco, de délimiter la zone archéologique et d’y interdire toute forme d’urbanisation», explique-t-il. Le site archéologique de Byblos «est actuellement le mieux entretenu, surtout depuis la réalisation des panneaux explicatifs présentant les vestiges et indiquant les circuits à suivre», souligne M. Bouchnaki. «Ce sont là deux éléments indispensables pour parcourir le site, précise-t-il, éléments souvent réclamés par les comités scientifiques». La vallée de la Qadisha et les Cèdres du Liban constituent de cas particuliers. «Il est nécessaire de renforcer la protection de l’unique site des pays arabes classé patrimoine culturel et naturel de l’humanité, déclare M. Bouchnaki. À cette fin, il est indispensable de mettre en œuvre le plan de gestion qui avait été soumis à l’Unesco lors de la demande de classement. Il faut également interdire toute construction dans la zone tampon fixée dans le pourtour de la vallée et détourner la route des Cèdres pour l’éloigner de la forêt». Anjar, un site militaire Quant au site omeyyade de Anjar, il est zone militaire syrienne. La menace qui pèse sur les vestiges est d’une toute autre nature et les dégâts restent indéterminés. M. Bouchnaki affirme «avoir été scandalisé de voir de soldats syriens jouer au foot dans la cour du palais omeyyade». À la question de savoir s’il est possible à l’Unesco de faire pression sur les autorités pour libérer le site, M. Bouchnaki répond que «toute démarche effectuée par l’Unesco se fait en étroite collaboration avec les autorités libanaises et la Direction générale des antiquités». «Mais si cela s’avère nécessaire, il sera alors possible de classer Anjar sur la liste des sites du patrimoine mondial en danger, souligne-t-il. Cela entraînera des campagnes internationales de sensibilisation et de demande de sauvegarde et augmentera les fonds qui sont alloués». Toutefois, il est important de souligner que jusqu’à présent, les autorités libanaises n’ont pas demandé à l’Unesco d’effectuer des démarches dans ce sens et aucun effort n’a été déployé pour obtenir la libération de ce site. M. Bouchnaki a fait part de son évaluation des sites classés du Liban en se basant sur le dernier rapport présenté par les experts du bureau du Patrimoine mondial et de l’Icomos qui ont déjà effectué leur tournée annuelle d’inspection. «Selon la mission de l’an 2002, explique M. Bouchnaki, les sites classés souffrent de l’inexistence de personnel qualifié chargé de leur protection et de leur mise en valeur». Les autorités libanaises comptent toutefois combler cette lacune par le projet de réhabilitation de ces sites prévu pour les cinq ans à venir et financé par un prêt de la Banque mondiale. Toujours est-il que former des archéologues et architectes pour la mise en valeur des sites est impératif, mais le meilleur moyen de protection consiste dans la sensibilisation de la population à l’importance de ce patrimoine. «Si les habitants d’une ville historique sont convaincus de sa valeur patrimoniale, ils vont collaborer avec les autorités pour aider à sa sauvegarde. Sinon, ils ne verront dans son classement qu’une liste d’inconvénients et d’obligations sans intérêt quelconque», conclut M. Bouchnaki. Joanne FARCHAKH
«Protéger les sites archéologiques de l’expansion urbaine est une nécessité au Liban. Cela exige un renforcement de la loi sur les antiquités afin de pouvoir lutter contre les constructions illicites». C’est en ces termes que l’assistant du directeur général de l’Unesco, Mounir Bouchnaki, a exprimé sa crainte de voir le précédent de Tyr se répéter. Au cours d’une interview...