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Actualités - REPORTAGE

PATRIMOINE - Prospection dans la zone libérée du Liban-Sud Des vestiges archéologiques menacés dans tous les villages méridionaux(photos)

La guerre peut-elle préserver le patrimoine ? Durant plus de deux décennies, dans la zone occupée du Liban-Sud, les vestiges archéologiques ont été épargnés, assez paradoxalement, pourrait-on dire, puisque guerre est synonyme de ravages et de destruction. L’abandon des villages par leurs populations fuyant les zones de combat explique en partie le fait que le patrimoine ait été sauvegardé. Avec l’exode, en effet, les constructions qui, au Liban, sont souvent anarchiques ont connu un arrêt forcé et le béton n’a pas recouvert irréversiblement, comme en bien d’autres secteurs du pays, les traces d’un passé si riches en éléments archéologiques. Mais, aujourd’hui, les récentes donations consacrées à la reconstruction et l’ignorance par les habitants de la valeur du patrimoine constituent une menace à sa sauvegarde. Prenant les devants, la Direction générale des antiquités a chargé des archéologues de prospecter cette région et d’inventorier les vestiges et sites antiques. Pour les archéologues et les historiens, le Liban-Sud reste une zone inconnue. Hormis Saïda, Tyr et les quelques sites archéologiques fouillés avant les années soixante-dix, cette région n’a pas encore dévoilé ses trésors, pourtant elle en recèle. C’est la conclusion de la prospection effectuée par des archéologues, à la demande de la Direction générale des antiquités. De Naqqoura à Khiam, ils ont sillonné les localités, répertorié, photographié et décrit les vestiges antiques ainsi que les bâtiments historiques avant de les classer sur une base de données informatisées. «Notre prospection vise à connaître le patrimoine historique et archéologique de cette zone, à déterminer les dommages subis et les éventuelles menaces qui pèsent dessus, afin de définir les priorités d’intervention», explique le Dr Sami Masri, l’archéologue et restaurateur responsable de cette prospection. «Cette première tournée nous a permis de recenser plus de cent cinquante vestiges et sites apparents datant des périodes romano-byzantine, islamique et ottomane. De même, de nombreux tells archéologiques, dont des tessons de céramique remontant à la période phénicienne, ont été identifiés», poursuit-il. Dans ces villages, les vestiges sont parfaitement intégrés au paysage typique. Mis à part les «Khirbet», ou ruines situées dans les alentours des localités qui servaient autrefois de presses à huile, les vestiges antiques, privés et religieux, continuent d’être fonctionnels. Les maisons centenaires sont toujours habitées et les édifices religieux, mosquées, mausolées et églises encore fréquentés par les fidèles. Quant aux grands objets archéologiques, ils sont réutilisés dans leur majorité. Aussi voit-on des sarcophages servant de pots de fleurs ou de blocs de soutien dans les murs de soubassement, alors que des presses à huile sont alignées le long des ruelles en guise de décoration. Cet inventaire n’est pas exhaustif, sa réalisation s’étant heurtée à quelques obstacles de taille, tels que les mines placées dans les alentours des villages, sans aucune signalisation, empêchant ainsi l’exploration des zones. L’archéologie, un bien économique «Les textes des voyageurs des XVIIIe et XIXe siècles nous ont permis de situer les grands édifices et de connaître, brièvement, le patrimoine architectural et archéologique des villages, indique le Dr Masri. Malheureusement, un très grand nombre de vestiges décrits a disparu. Le recensement a été entrepris parmi les vestiges restants, dont certains risquent d’être perdus à jamais, victimes de la dégradation rapide, du pillage, du vandalisme ou carrément de la destruction…». Pour ces villageois démunis, l’archéologie est source de rentrées substantielles. D’une part, les sites abandonnés sont convertis en «carrières» de pierres taillées qu’il suffit de réutiliser. D’autre part, la valeur marchande des objets antiques incite aux fouilles clandestines. Par ailleurs, le patrimoine bâti, si bien préservé par l’abandon et la suspension des constructions, se trouve actuellement menacé à cause des donations consacrées aux reconstructions. Ainsi, les villages datant de la période ottomane, souvent sauvegardés dans leur intégralité, sont rasés pour être remplacés par des immeubles en béton. Les maisons, à tuile ou à terrasse, remontant aux XVIIIe-XIXe siècles sont à leur tour détruites, car elles nécessitent un entretien continu et coûteux. Face à ces dangers, il est urgent d’établir un plan de développement pour la région dont le patrimoine demeure une ressource à exploiter. Cet inventaire constitue, en fait, le premier jalon d’une étude qui vise à tracer les circuits touristiques entre les villages. Il permet également à la DGA de sélectionner les édifices les plus importants afin de les exproprier, de les classer sur la liste du patrimoine national ou de les restaurer. Cet inventaire aide, par ailleurs, à établir des zones interdites à la construction sous réserve d’un accord préalable des autorités. Réussir cette politique de protection du patrimoine nécessite des tournées continues dans les villages pour contrôler les chantiers de construction… ce que la DGA est actuellement incapable d’assurer par manque d’effectifs. En effet, un seul archéologue est responsable de toutes les démarches administratives et scientifiques de la zone qui s’étend de Tyr jusqu’à Naqqoura. Dans son étude, le Dr Masri a proposé une ingénieuse démarche pour la préservation de ce patrimoine. «Elle consiste à collaborer avec les moukhtars des villages, pour la protection des sites et des vestiges apparents, car ils sont souvent les seuls représentants de l’État, souligne-t-il. Ajouter à leurs responsabilités celle de la supervision et de la protection du patrimoine dans leurs villages représente une garantie à sa sauvegarde», insiste-t-il. L’archéologie est le pilier central du développement touristique et économique de la région, à la condition que les vestiges soient préservés dans leur authenticité et le respect de leur contexte socio-culturel. À l’État de relever le défi ! Joanne FARCHAKH
La guerre peut-elle préserver le patrimoine ? Durant plus de deux décennies, dans la zone occupée du Liban-Sud, les vestiges archéologiques ont été épargnés, assez paradoxalement, pourrait-on dire, puisque guerre est synonyme de ravages et de destruction. L’abandon des villages par leurs populations fuyant les zones de combat explique en partie le fait que le patrimoine ait été...