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Actualités - CONFERENCES ET SEMINAIRES

SOCIÉTÉ - Un projet de la Commission nationale des femmes en coopération avec le ministère des Affaires sociales - « Sois consciente de tes droits » : une campagne - qui cible les employées

Liliane est une jeune directrice de création dans une maison de production. Najat, elle, vient d’être embauchée dans une imprimerie. Elle a la quarantaine et un sourire qui ne s’efface pratiquement pas de ses lèvres. Le point commun entre elles ? Toutes deux sont des employées qui cherchent à mieux connaître leurs droits à la faveur d’une session organisée par la Commission nationale de la femme libanaise, au siège du ministère des Affaires sociales à Achrafieh. Les thèmes abordés font le tour de la question : négociation du contrat, sécurité sociale, licenciement abusif… Des sessions qui devraient durer jusqu’en octobre, financées par la commission, et qui sont données dans 24 centres du ministère, avec l’appui de l’Unicef. Ces droits, tout un chacun (sinon toute une chacune) devrait en être conscient. Même dans un contexte de crise économique où l’emploi se fait extrêmement rare et où les problèmes abondent. Des problèmes, Liliane et Najat en ont connus, à l’instar d’une bonne partie des autres participantes. Elles nous en font part, avant d’assister à la session. La première, qui n’a jamais signé de contrat, a reçu il y a quelque temps une notification de réduction de moitié de son salaire et de son horaire. Ayant quitté le travail à la suite de l’incident, elle est rappelée par ses employeurs. «Je n’ai jamais compris pourquoi, souligne-t-elle. Mais je crois que les autres sont aussi perdus que moi. Ma société n’est d’ailleurs pas seule dans ce cas. Et nous autres, employés, ne pouvons nous montrer intransigeants quand il est si difficile d’être embauché ailleurs». Pour sa part, Najat a été confrontée à de sérieux problèmes avec son ancien patron. «J’ai été licenciée de mon ancienne société et, jusqu’à présent, je n’ai pas touché tout ce que mes employeurs d’alors me devaient, raconte-t-elle. Je voudrais porter plainte pour licenciement abusif. Mais les avocats que j’ai consultés sont divisés sur ce point. C’est la question que je m’apprête à poser à nos formateurs aujourd’hui». Elle a donc consulté des avocats ? «Quand j’ai été remerciée, un avocat m’a conseillé de porter plainte avant l’expiration du délai d’un mois après ma notification, et j’en attends toujours le résultat, poursuit-elle. C’est par pure coïncidence que j’ai eu accès à ces informations : c’est ma sœur, qui s’apprête à devenir juge, qui a pu me renseigner». Consulter un avocat, c’est une idée qui ne paraît pas évidente à tout le monde. Or, en cas de problèmes, comment agir ? Quelles solutions nous offre la loi et selon quelles contraintes ? Un homme averti en vaut deux, une femme aussi. Les sessions de sensibilisation aux droits des employées organisées par la Commission nationale de la femme se sont fixé pour but de rendre ces femmes conscientes de leurs droits et de fournir des armes pour faire face à un patron éventuellement oublieux de ses obligations. Même si revendiquer ces droits devient de plus en plus ardu dans un contexte de crise économique où, comme l’a bien résumé Liliane, les offres d’emploi restent bien inférieures aux demandes. Comment réaliser l’équilibre ? Telle est la question. Faire face à la résignation Interrogée sur ce point, Zeina Kesrouani, l’une des avocates chargées par la commission d’assurer ces sessions de sensibilisation, avoue déceler chez ses participantes «une résignation que nous voudrions combattre». «Il ne faut surtout pas croire que l’on pousse les employées à se brouiller avec leurs patrons et à risquer le licenciement, poursuit-elle. Nous sommes très conscients de l’état désastreux du marché du travail. Mais ce que nous pouvons offrir à ces femmes, ce sont des conseils sur la façon dont, une fois informées de leurs droits, elles doivent négocier en position de force pour obtenir progressivement leur dû». Pourquoi des sessions consacrées aux femmes ? Est-ce parce que leurs problèmes diffèrent de ceux des hommes ? «Le code du travail est le même pour tout le monde, d’autant plus qu’en 2001, des modifications de la loi ont mis fin à toute sorte de discrimination entre les sexes, précise Me Kesrouani. Mais la Commission nationale de la femme vise le plus naturellement les femmes, et à travers elles leur mari, leur frère, etc.». Cette «résignation» dont parle Me Kesrouani se manifeste très clairement dans la session qui suit l’entretien. Au fur et à mesure des explications, certains participants, visiblement sortant d’expériences malheureuses, lancent : «À quoi bon ? Ils (les patrons) s’arrangent pour contourner la difficulté quand ils le veulent». «Que faire si notre employeur refuse de capituler ?», ajoutent-ils. «Négocier en connaissance de cause, sans interrompre la communication», répètent Me Kesrouani et l’assistante sociale qui l’accompagne, Rita Hayek Nehmé. «Si votre patron comprend que vous avez connaissance de vos droits, il hésitera une prochaine fois avant de les ignorer. Toutefois, une possibilité de compromis est toujours possible. Il ne faut pas croire que l’employeur ne le souhaite pas, lui aussi. Dans un tel contexte de crise, il est indispensable de revendiquer ses droits tout en conservant son emploi». Elles expliquent qu’il existe plusieurs recours en cas de problèmes : les négociations (en groupe si possible), les syndicats, le ministère du Travail qui peut enquêter et intervenir le cas échéant, et en dernière étape seulement la justice. Contrat, Sécurité sociale, licenciement… La session regroupe de 18 à 25 femmes, selon les jours, et porte sur le code du travail en soi (avec des définitions du salarié et de l’employeur), sur le contrat, sur les vacances et congés de maternité, sur le licenciement et le licenciement abusif (l’une des parties captant le plus évidemment l’attention de l’auditoire), sur la Sécurité sociale, sur les assurances-maladie, sur les indemnités de fin de service et familiales, ainsi que sur des clauses spécifiques aux enseignants quand il s’en trouve. Tous ces sujets sont discutés durant une heure et demie ou un peu plus, selon les cas. Chaque femme participe à une session. Les formatrices répondent aux différentes interrogations des personnes présentes. Tony Aoun, coordinateur national du projet, nous explique que «40 formateurs ont été choisis par la Commission nationale de la femme parmi les avocates, en collaboration avec les barreaux de Beyrouth et de Tripoli, et des ONG». Ces formatrices suivent auparavant une formation elles-mêmes pour être à même de communiquer ces informations. «Les sessions ont lieu dans 24 centres du ministère des Affaires sociales répartis dans les différentes régions, du Nord au Sud, poursuit Me Aoun. Le projet, qui a débuté en août, dure trois mois environ, jusqu’en octobre. Il cible 3 000 employées et enseignantes». Neemat Geagea, directrice du centre d’Achrafieh, explique que le rôle d’une institution comme celle qu’elle dirige est de fournir un local, mais aussi de faire travailler son réseau pour informer les femmes de l’existence de telles sessions. «L’idée est celle de la commission, mais c’est le ministère qui a mis à sa disposition son infrastructure sur le terrain, précise-t-elle. C’est une excellente idée et je suis convaincue que toute femme doit assister à ces sessions, parce que certaines informations peuvent étonner, même les plus averties». Elle ajoute que des brochures, réalisées par l’Unicef et contenant toutes les informations évoquées lors des sessions, sont distribuées aux participantes. Selon elle, une prolongation des sessions n’est pas exclue si besoin est. Il n’est d’ailleurs pas trop tard pour s’inscrire, même si les conditions de travail sont bonnes. Il suffit d’appeler la Commission nationale de la femme au 05-955101, ou le centre d’Achrafieh pour celles qui le désirent au 01-327248, 01-333194 (téléphone et fax), ou Mme Geagea au 03-525717.
Liliane est une jeune directrice de création dans une maison de production. Najat, elle, vient d’être embauchée dans une imprimerie. Elle a la quarantaine et un sourire qui ne s’efface pratiquement pas de ses lèvres. Le point commun entre elles ? Toutes deux sont des employées qui cherchent à mieux connaître leurs droits à la faveur d’une session organisée par la...