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Actualités - CHRONOLOGIES

Coopération - « Le Liban est un pays important », a affirmé, dans le Bureau ovale, le président US au Premier ministre - George W. Bush rend un hommage très appuyé, devant Rafic Hariri, à Bachar el-Assad

Dès 8 heures du matin, heure locale, il y a, déjà, les bruits de couloir, tenaces, têtus. On ne parle, évidemment, que de la rencontre de 9h50, celle qui réunira le locataire de la Maison-Blanche George W. Bush et le Premier ministre Rafic Hariri. «C’est le fait du jour, tout ou presque se jouera au cours de cet entretien». Toujours cette tendance à l’exagération intempestive. On dit, par exemple, que sans l’insistante demande séoudienne, Rafic Hariri n’aurait rencontré que l’omnipotente conseillère du président à la Sécurité nationale Condoleeza Rice, «et George W. Bush serait rentré par hasard pour dire bonjour». Soit. D’ailleurs, le simple fait que le président français Jacques Chirac ait jugé nécessaire de recommander à son homologue US «son ami Rafic» est assez significatif, la veille de la rencontre. On dit aussi – mais on dit beaucoup de choses – que ce n’est pas le Premier ministre libanais que le président américain reçoit, mais plutôt Rafic Hariri. La nuance est d’importance : «ce n’est pas un pays qui envoie un de ses (plus hauts) responsables, c’est un homme qui représente à lui tout seul (son) pays»... Également au menu des chuchotements de coulisses, la guerre des communiqués entre le CPL et Rafic Chélala à propos d’une virtuelle rencontre à Paris entre ce dernier et Michel Aoun. Et tout aussi commentées, les rumeurs autour d’une éventuelle démission du Premier ministre à son retour de tournée – les sourires mi-moqueurs mi-désolés de l’entourage de Rafic Hariri étaient largement de mise. Il n’empêche... Rafic Hariri est le troisième responsable arabe reçu à Washington par George W. Bush. Il est d’ailleurs assez significatif que ces deux prédécesseurs aient été le Raïs égyptien Hosni Moubarak et le monarque hachémite Abdallah II. La rencontre Bush-Hariri était bien moins longue que celles avec les dirigeants égyptien ou jordanien, mais elle a duré un quart d’heure de plus que prévu : 45 minutes. Du côté libanais, autour du président du Conseil, les ministres Mohammed Abdel Hamid Beydoun, Fouad Siniora, Bassel Fleyhane et Ghassan Salamé, ainsi que l’ambassadeur du Liban à Washington Farid Abboud – dont les relations avec le Premier ministre sont loin, dit-on, d’être au beau fixe. Du côté US, autour du président Bush, le secrétaire d’État Colin Powell, la conseillère Condoleeza Rice et l’ambassadeur américain sortant à Beyrouth, David Satterfield. Un détail peut-être, mais dont la signification est particulièrement importante : aucun sujet désagréable pour le Liban n’a été soulevé au cours de cette rencontre. Concrètement, ni l’envoi de l’armée au Liban-Sud, une des conditions sine qua non, avait-on dit, pour un soutien US bien plus substantiel, ni la (plutôt favorable) position syrienne à l’égard des attaques du Hezbollah dans le secteur des fermes de Chebaa, n’auraient été évoqués par les deux hommes. Des attaques dont une des principales conséquences, pour bon nombre d’observateurs, est un torpillage en bonne et due forme des efforts de Rafic Hariri visant à assainir la situation socio-économique du pays, comme à relancer et redynamiser la confiance des investisseurs étrangers. Et, selon des sources proches de la délégation libanaise, il semblerait que l’Administration Bush soit beaucoup plus préoccupée – et intéressée – par une situation proche-orientale globale que par une réalité strictement libano-libanaise. Le credo du président américain aurait été son attachement à l’opération de paix au P-O – le cas de l’Irak a été soulevé par les deux hommes – ainsi que sa volonté de travailler sérieusement en faveur d’une espèce de statu quo régional, pour que prévalent le calme et la modération. «Toutes ces rumeurs dénonçant le silence et le désintérêt des États-Unis – notamment par rapport au processus de paix – sont complètement erronées, aurait affirmé le président US au Premier ministre. Le travail sur le terrain continue, tout comme nos efforts pour réunir autour d’une même table Israéliens et Palestiniens. Nous avons notre propre façon de travailler, et contrairement à l’ancienne Administration, nous évitons les promesses en l’air. Il y aura toujours de la violence. Mais la violence n’est pas une solution...». Dans tous les cas, il semblerait que les États-Unis auraient interdit assez fermement à Israël de pénétrer dans la zone Aleph, à l’intérieur des territoires palestiniens. Et toujours selon les mêmes sources, Rafic Hariri aurait insisté auprès du président Bush sur la nécessité de retourner aux bases de l’accord de Madrid, de respecter la légalité internationale, par l’application des résolutions de l’Onu. «Pas à 97 %, mais à 100 %. C’est-à-dire qu’il faudrait que l’État hébreu se retire de toute la Cisjordanie et de Gaza, de tout le territoire libanais et de tout le Golan. L’application par le cabinet Sharon de la politique de la force au détriment de celle des résolutions onusiennes est très dangereuse». Voilà ce qu’aurait dit Rafic Hariri à George W. Bush. Aucune mention donc – et le contraire aurait été bien surprenant – d’une autre résolution, tout aussi chère aux yeux d’une grande majorité de Libanais, diaspora incluse : la 520. Concernant la Syrie justement, le Premier ministre, toujours selon des sources proches de la délégation libanaise, aurait encouragé le président Bush à renforcer les relations entre les États-Unis et la Syrie, «dans l’intérêt des deux pays, comme pour celui de l’opération de paix». Profonde conviction, ou volonté de prouver à Damas, après le report de sa visite au palais des Mouhajerine à la veille de sa tournée, une bonne volonté certaine de sa part ? Il n’empêche que Rafic Hariri, tout comme les membres de la délégation présents dans le Bureau ovale hier matin ont écouté – avec sans doute beaucoup d’intérêt – George W. Bush rendre un hommage prononcé à son homologue syrien Bachar el-Assad. «C’est un homme avec lequel il est possible de travailler», aurait affirmé le locataire de la Maison-Blanche, exprimant son admiration à l’égard de l’action d’Assad et des initiatives qu’il a prises depuis son accession au pouvoir, et souhaitant «une coopération productive dans le futur», tant avec le Liban qu’avec la Syrie. «J’attends de coopérer pleinement, et à tous les niveaux, avec le président Assad», aurait-il dit au chef du gouvernement, selon des informations recueillies à l’issue de l’entretien par L’Orient-Le Jour. Une façon de faire comprendre à Rafic Hariri qu’il faudrait transmettre le message à tous ceux au Liban – et ils sont nombreux – qui, depuis des mois, déploient tous les efforts afin d’aboutir à un rééquilibrage des relations avec Damas. Quel message ? Eh bien que «ce n’est absolument pas le moment de parler de rééquilibrage ou de redéploiement ou de Taëf, et encore moins de retrait». Impossible de ne pas se souvenir d’une déclaration du secrétaire d’État Colin Powell, il y a quelque temps devant les Congressmen : «Pour moi, personnellement, je souhaiterais que les Syriens sortent du Liban. Mais c’est loin d’être une chose facile». Une lapalissade... Et au sujet du Liban ? «Nous sommes concernés par la stabilité politico-économique du Liban. Le Liban est un pays important. Et durant ma campagne électorale, j’ai croisé beaucoup de Libanais qui m’ont demandé, ardemment, de ne pas oublier leur pays... D’ailleurs, la première tournée à l’étranger de Colin Powell a été celle qu’il a effectuée au Proche-Orient», aurait dit George W. Bush à Rafic Hariri, ainsi que l’a appris L’Orient-Le Jour. On comprend encore moins, alors, pourquoi l’escale beyrouthine du secrétaire d’État a été escamotée. Quoi qu’il en soit, le président américain a exprimé, à l’intention de son interlocuteur, son souhait de s’entretenir, à Washington, avec le chef de l’État Émile Lahoud. Une invitation – cette fois à se rendre au Liban – que lui a retournée, au nom du général Lahoud, le Premier ministre. Qui a souhaité, en arabe et en anglais, sur une page du livre d’or réservé, salle Roosevelt, aux visiteurs de la Maison-Blanche, que «cet entretien avec le président Bush – qu’il a été très honoré de rencontrer – puisse servir au renforcement de l’amitié entre le Liban et les États-Unis, ainsi qu’à un travail en commun, au service de la paix au P-O». Rafic Hariri qui a profité de cette occasion pour présenter à George W. Bush ses deux fils, Bahaa et Saad, qui l’accompagnent durant la tournée. Qu’en est-il de ce sommet des pays donateurs – ou des partenaires du Liban –, de ce Paris II au sein duquel le Premier ministre souhaite une participation directe et effective des États-Unis ? Selon les sources proches de la délégation libanaise, le président Bush aurait fait part de sa volonté d’assurer au Liban le soutien de son pays, indiquant qu’«il avait donné des instructions en ce sens» à bon nombre de ses grands conseillers, en tête desquels le secrétaire au Trésor Paul O’Neill. Et selon des informations recueillies auprès de quelques observateurs, libanais comme étrangers, installés à Washington, il semblerait que cette participation à un quelconque sommet soit liée à l’envoi de l’armée au Liban-Sud. Ce que Rafic Hariri, selon eux, serait venu demander à George W. Bush, c’est de «convaincre le Congrès de débloquer une partie des 20 millions de dollars» – «qu’est-ce que c’est 20 millions ? Ça servirait à nettoyer, une ou deux fois, Beyrouth», a rétorqué un proche du Premier ministre – en contrepartie de quoi il s’engagerait à accroître le volume de l’armée et des FSI déjà présents à la frontière. Ce que Hariri veut, c’est que chacune des deux parties fasse la moitié du chemin. Dans tous les cas, les Américains considèrent que la résolution 425 de l’Onu a été appliquée, ils estiment d’ailleurs qu’ils n’ont vu aucune carte prouvant que les fermes de Chebaa seraient libanaises. Et pour eux, seule la résolution 242 réglerait le dossier Chebaa. Un mot enfin sur le programme d’hier après-midi (horaire local) du Premier ministre. À midi, il a donné une interview au Washington Post, avant de déjeuner avec des membres du Conseil pour les relations internationales – une sorte de bureau d’étude. Son rendez-vous avec le secrétaire au Commerce Donald Evans ayant été reporté, Rafic Hariri rencontrera le directeur du Fonds monétaire international Horst Koehler – une réunion importante dit-on, étant donné que la politique du FMI à l’égard du Liban aurait évolué positivement grâce aux actions du cabinet Hariri. Il s’entretiendra ensuite avec le sénateur Sam Brownback – un proche du patriarche maronite Nasrallah Sfeir, avant de se rendre aux studios de la CNN, pour une interview en direct. Quant à la journée de mercredi, elle sera marquée par les entretiens qu’aura Rafic Hariri avec le président de la Banque mondiale James Welfonshen, la conseillère présidentielle à la Sécurité nationale Condoleeza Rice, le secrétaire d’État Colin Powell et le secrétaire au Trésor Paul O’Neill. Une journée chargée.
Dès 8 heures du matin, heure locale, il y a, déjà, les bruits de couloir, tenaces, têtus. On ne parle, évidemment, que de la rencontre de 9h50, celle qui réunira le locataire de la Maison-Blanche George W. Bush et le Premier ministre Rafic Hariri. «C’est le fait du jour, tout ou presque se jouera au cours de cet entretien». Toujours cette tendance à l’exagération...