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Actualités - INTERVIEWS

Entretien - L'ambassadeur de Yougoslavie réaffirme la détermination de son pays à résister Dulovic : les Etats-Unis se livrent à une épuration politique (photo)

Quels sont les objectifs réels de l’Otan et plus particulièrement des États-Unis en Yougoslavie ? Belgrade acceptera-t-il les conditions posées par les alliés pour l’arrêt des frappes aériennes ? La dimension religieuse est-elle déterminante dans ce conflit ? Pourquoi les autorités serbes se livrent-elles à une épuration ethnique contre les albanophones du Kosovo qui sont en fin de compte des citoyens yougoslaves ? Autant de questions que nous avons posées à l’ambassadeur de la République fédérale de Yougoslavie (RFY) Vélibor Dulovic qui a accusé Washington de pratiquer une «épuration politique contre les États et les régimes qui refusent de se soumettre à sa volonté». Pour Velibor Dulovic, ce qui se passe actuellement en Yougoslavie s’inscrit dans le cadre d’une stratégie globale des États-Unis qui «veulent étendre et renforcer leur puissance dans le monde». «Le véritable objectif de Washington n’est pas la Yougoslavie ou le Kosovo, mais les pays du Proche-Orient, l’Asie centrale et la Chine populaire, dit-il. Contre la Yougoslavie, les États-Unis mènent une campagne militaire, contre la Russie une guerre politique et contre l’Europe (occidentale), une guerre économique pour l’empêcher de s’unir». Arborant à la poitrine une petite cible noire «symbole de la résistance des Yougoslaves à l’agression», le diplomate ne se fait pas d’illusion sur les capacités militaires de son pays à faire face aux attaques de l’Otan. «Nous sommes beaucoup plus faibles qu’eux sur le plan militaire, mais nous continuerons à résister, déclare-t-il. Depuis la chute de l’Union soviétique, la politique de l’Amérique est claire : affaiblir tout État qui veut préserver son indépendance et qui refuse de s’intégrer au système qu’elle met en place. En Europe, il ne restait plus que la Yougoslavie. Les États-Unis se sont alors appliqués à démembrer notre pays qui a été partagé en cinq petits États. De 23 millions d’habitants avant son morcellement, la Yougoslavie est passée aujourd’hui à 11 millions d’habitants. Maintenant, c’est à l’intégrité territoriale de la Serbie même qu’ils s’en prennent». Mais la Constitution yougoslave n’autorise-t-elle pas les États membres de la fédération à proclamer leur indépendance et à faire sécession ? «Effectivement, répond M. Dulovic. Toutefois, le Kosovo n’est pas un État indépendant. C’est une province qui fait partie de la Serbie et qui ne possède pas sa propre Constitution. Nous sommes d’accord pour une autonomie, mais il n’est pas question que des troupes étrangères soient déployées sur notre territoire. Jamais un président serbe, Slobodan Milosevic ou un autre, n’acceptera la présence de forces étrangères sur notre sol. Pour venir, ils devront utiliser la force». L’Occident et l’Orient M. Dulovic replace le conflit actuel dans un contexte historique. Selon lui, la Yougoslavie se trouve sur une ligne séparant l’Orient de l’Occident. «Il y a plusieurs siècles, nous avions servi de boucliers à l’Occident, explique-t-il. L’invasion ottomane s’est arrêtée à Belgrade. C’était à l’époque l’avancée de l’Orient vers l’Occident. Aujourd’hui, nous assistons au processus inverse. C’est l’Occident qui avance vers l’Orient. C’est pour cela que je dis que le véritable objectif, ce n’est pas la Yougoslavie, mais la Russie, l’Asie centrale et le Proche-Orient. Le tour d’autres pays viendra bientôt». Le diplomate est formel : les États-Unis n’ont jamais envisagé une solution pacifique à ce conflit. «Leur but était d’en arriver là où nous sommes aujourd’hui, dit-il. Lorsque je suis entré en fonctions au Liban, il y a trois ans, j’ai demandé à rencontrer l’ambassadeur américain Richard Jones. On ne m’a pas répondu. Même chose pour le chargé d’affaires. Quand David Satterfield lui a succédé, il a fait la tournée de tous les ambassadeurs comme l’exige le protocole. Mais mon nom ne figurait pas sur sa liste. Juste avant le début des frappes de l’Otan, j’ai appelé la chancellerie US pour demander un rendez-vous avec l’ambassadeur ou le sous-chef de mission. En vain. Aucun ambassadeur occidental n’a accepté de me voir. C’est une preuve que le dialogue ne les intéresse pas». Le sentiment d’être encerclé et d’être la victime des grandes puissances justifie-t-il le recours à l’épuration ethnique contre les albanophones du Kosovo ? «Les autorités yougoslaves ne se livrent pas à une épuration ethnique contre leurs propres citoyens, assure M. Dulovic. Les civils fuient les combats et les bombardements de l’Otan qui ne font pas de distinction entre un Serbe et un non-Serbe. De l’aveu même des médias occidentaux, plusieurs dizaines de milliers d’albanophones ont trouvé refuge en Serbie. Comment envisagerait-on de trouver un abri chez ceux qui sont censés vous persécuter ?». Selon M. Dulovic, «les États-Unis parlent d’épuration ethnique alors qu’eux-mêmes se livrent à une épuration politique contre les régimes qui refusent de se plier à leur volonté». «L’Otan est en train de détruire notre pays, mais jamais nous ne capitulerons. S’ils nous envahissent, nous les combattrons au couteau, déclare M. Dulovic. À l’âge de 65, je n’hésiterai pas à prendre les armes si ma patrie est envahie».
Quels sont les objectifs réels de l’Otan et plus particulièrement des États-Unis en Yougoslavie ? Belgrade acceptera-t-il les conditions posées par les alliés pour l’arrêt des frappes aériennes ? La dimension religieuse est-elle déterminante dans ce conflit ? Pourquoi les autorités serbes se livrent-elles à une épuration ethnique contre les albanophones du Kosovo qui...