Une censure inspirée ? On en reste interdit

Se rappelle-t-on du 6 et 6 bis ? C’est le décret qui consacre le partage équitable de la Chambre entre chrétiens et mahométans. Le 666 pour sa part, débouche sur le 6 et 6 bis. Il permet en effet aux religieux de l’Est, après l’affaire Khalifé, de faire contrepoids à leurs collègues de l’Ouest. Une nouvelle affaire qui interpelle à plus d’un titre. Seules l’incapacité et la faiblesse de l’État sont responsables du pouvoir grandissant des religieux au Liban, à l’instar de ce qui se passe dans nombre de pays sous-developpés. Sinon, comment expliquer, entre autres, le récent talent de censeurs des gens en robe noire. Les services de dame Anastasie poussent même le vice jusqu’à faire appel à eux en toute circonstance, pour ménager leurs susceptibilités et jouer les Ponce Pilate. Un État de droit n’est-il pas seul garant de la moralité, de la sécurité et de la culture de ses citoyens, toutes appartenances confondues ? Où se situe donc cet État qui, d’une part, clame tout haut sa volonté de déconfessionnaliser, et de l’autre se presse de céder aux pressions des religieux ? Au nom de quoi ces derniers, qu’on voit rarement, par exemple, au théâtre, au cinéma, aux grandes manifestations culturelles et artistiques, sont-ils habilités à juger et condamner un spectacle, une chanson, un texte, un groupe, usant pour cela et abusant de leurs médias comme de leur pouvoir pour porter préjudice? Informer, et manipuler pour mieux condamner sont des actes «religieusement» délicats, aux conséquences très graves. Ils ont certes le devoir de prévenir leurs ouailles, de les mettre en garde, lorsqu’ils considèrent que… Mais de là à imposer une interdiction… Seulement voilà, lorsque l’État est incapable, à lui seul, d’assurer à ses citoyens le pain, l’ordre, la sécurité, la culture et la libre expression dans le respect des droits et des devoirs, il n’est pas surprenant de voir des religieux gagner du galon, supplanter les structures officielles, et la religion devenir une arme à plusieurs tranchants. On comprend qu’elle ait ses préceptes, sa logique, sa morale propre. Mais la religion elle-même condamne tout diktat. Alors la censure des religieux devient une hérésie qui mène droit à l’obscurantisme et à l’intégrisme. Les croyants de tous bords qui vivent et assument leur foi, leur appartenance et leur culture refusent ce fait établi. Ils l’ont déjà prouvé dans l’affaire Marcel Khalifé. «Panem et circenses» (du pain et des jeux), disait-on à Rome. Mais quand le pain vient à manquer et que le spectacle est censuré, que nous reste-t-il ?…