Rechercher
Rechercher

Actualités - DISCOURS

Communautés - Message du catholicos d'Arménie à l'occasion du nouveau millénaire Aram 1er : le Liban, pays des libertés et de la coexistence

Dans un message adressé hier aux Libanais à l’occasion de la célébration du nouveau millénaire, le catholicos arménien de Cilicie Aram Ier a voulu engager «un dialogue sincère et réaliste» avec ses «compatriotes» afin de «percevoir où nous nous trouvons en cette conjoncture décisive de l’histoire humaine». Dans un contexte de mondialisation effrénée, Mgr Aram Ier définit le rôle du Liban comme un pays de libertés, de valeurs spirituelles, morales et de coexistence. Le prélat arménien rappelle aussi que «ce petit coin du grand village global» est un pont jeté entre l’Orient et l’Occident. Selon lui, il est donc susceptible de «libaniser les idées occidentales». Voici l’intégralité du message d’Aram Ier : «Nous nous trouvons à l’aube d’un nouveau millénaire de l’histoire de l’humanité. Le monde entier en parle et nombreux sont ceux qui spéculent sur les implications de ce tournant historique. Je voudrais pour ma part engager avec chacun de mes compatriotes libanais un dialogue sincère et réaliste afin de percevoir où nous nous trouvons en cette conjoncture décisive de l’histoire humaine. «Observons ce qui se passe autour de nous. Nous vivons dans un monde qui change profondément et rapidement. La technologie et ses réalisations quasi miraculeuses dans des domaines tels que l’informatique, la conquête spatiale, la physique, la biologie, la communication et d’autres ont radicalement changé nos modes de vie, nos perceptions et nos perspectives. Or la technologie a un caractère toujours ambigu. En même temps que ses bienfaits indéniables, elle est capable de soumettre la vie humaine à des dangers insoupçonnés et imprévisibles. «Le rôle des cultures qui déterminent et valorisent l’identité d’une société a également subi des changements significatifs. L’allure de plus en plus rapide de la mondialisation est en train de vider les cultures de leurs valeurs et de leur identité, les fondant dans une culture mondiale dépourvue de couleur, de physionomie propre et même de contenu. «C’est aussi le cas du domaine économique où une mondialisation agressive se fait fortement sentir. En effet, l’économie actuelle et le système du libre-échange, guidés par des dessins capitalistes et ne servant que les intérêts des grandes puissances, commencent déjà à déclencher partout dans le monde pauvreté, chômage, insécurité et de sérieux dangers écologiques. «Derrière leurs amitiés artificielles et bien maquillées, les véritables relations des États se fondent sur des visées économiques, politiques et stratégiques. Par conséquent dans le monde d’aujourd’hui les valeurs et leur échelle sont inversées. Les valeurs spirituelles, morales et culturelles semblent tout simplement marginalisées. Les sociétés d’aujourd’hui se caractérisent par des modes de vie et de pensée, des méthodes de travail qui vident la vie humaine des principes éthiques les plus élémentaires. En effet, la consommation de masse, la violence, la corruption sont les forces prédominantes au sein de la société contemporaine. La personne humaine est en train de s’éloigner de son moi propre ; l’image de Dieu manifestée par la vocation unique de l’homme au sein de la Création est en train de se souiller. «Dans cette situation est-il encore possible de parler de droits humains ? Ceux-ci ne sont plus que de belles formules inscrites sur des bouts de papier dont les grandes puissances se servent exclusivement pour réaliser leurs intérêts régionaux et internationaux. «Nous sommes tellement pris par les soucis de notre vie quotidienne que nous avons rarement le temps d’observer ce qui se passe autour de nous. Or en ce début de l’an 2000, le monde se caractérise par autant de bienfaits que de méfaits, autant d’espérance que de désespérance, par des horizons nouveaux mais aussi beaucoup d’incertitude. Le Liban, ce petit coin «Le Liban fait partie de ce monde. Quel sera l’impact de tout ceci sur la réalité libanaise ? Où se situe le Liban, ce petit coin du grand “village global”, dans le monde d’aujourd’hui ? Nous sommes tellement engagés dans la petite politique que très souvent nous ignorons les conséquences néfastes de ce qui se passe dans le monde. Sur nos écrans nous ne voyons que violence et superficialité, pour ne citer que ces deux exemples. Pourquoi les grandes questions et les soucis qui occupent le monde sont-ils rarement débattus dans nos médias et sur nos podiums ? «Essayons d’observer le Liban dans le cadre du monde arabe, du Moyen-Orient et de la communauté internationale, afin d’en discerner la particularité. Tout pays a son identité et son rôle propres, mais plus qu’aucun autre pays, la particularité de ce petit pays qu’est le Liban est saillante et singulière ; je la trouve dans les réalités suivantes : «Le Liban est le pays des libertés. Une réalité héritée de notre passé historique et des données et conditions géopolitiques qui forment le cadre de la vie libanaise. Au cours de sa longue histoire, les communautés qui constituent le Liban y ont trouvé refuge et s’y sont installées pour une raison unique : la liberté. Le peuple arménien fut persécuté, écrasé et massacré sous la tyrannie turque. Le catholicossat de Cilicie, centre spirituel de beaucoup d’Arméniens de la diaspora, ainsi qu’un grand nombre de survivants se sont installés au Liban, car il y régnait un climat de liberté. C’est dans cette atmosphère de liberté que se sont constituées toutes les communautés libanaises, qu’elles se sont développées et qu’elles ont ensemble rebâti le Liban. Nous ne pouvons imaginer le Liban sans libertés. Ne perdons pas, ne souillons pas ce trésor suprême du Liban, cet immense don divin car la liberté est source de progrès, garante de stabilité, expression de sécurité et de crédibilité. «Le Liban est le pays des valeurs spirituelles, morales et humaines. Dans le monde ancien, le Liban était un des centres rayonnants dont l’apport a enrichi et a contribué au développement des civilisations, des religions et des cultures. Les trésors qui ornent nos musées sont les témoins tangibles de ce Liban qui fut et reste une oasis de valeurs spirituelles, morales et culturelles. En tant que Libanais non seulement nous sommes les héritiers et les gardiens de ce riche héritage mais nous sommes aussi tenus de développer et d’enraciner encore plus ces valeurs. En effet, la société humaine est saine dans la mesure où les valeurs qui la guident ne sont pas purement et exclusivement matérielles et séculaires mais aussi et surtout morales et spirituelles. Face aux sociétés occidentales où ces valeurs spirituelles et morales sont de plus en plus marginalisées, le Liban se doit de rester un phare rappelant la priorité et l’urgence de ces valeurs dans la vie des sociétés. Libaniser les valeurs occidentales «Le Liban est un pont jeté entre l’Orient et l’Occident. Par son histoire, son identité, sa culture et son orientation politique, le Liban fait partie du monde arabe. Mais en même temps, de par son histoire, sa composition et sa situation géographique, le Liban est un pont entre Orient et Occident. Cette vocation unique du Liban ne devrait pas être comprise exclusivement dans un sens politico-stratégique. Elle est beaucoup plus profonde. Dans ce petit pays, les idées, les valeurs et les traditions de l’Orient et de l’Occident sont en dialogue constant et existentiel. Par son ouverture vers l’Occident et par sa capacité de s’approprier et de “libaniser” les valeurs et les idées occidentales, le Liban occupe une place particulière aussi bien au sein du monde arabe que de la famille internationale. «Le Liban est le pays de la coexistence. L’histoire a imposé au Liban sa composition interne, notamment la coexistence entre les communautés. Ceci est le fondement du Liban; une réalité qui lui donne son identité propre. Une réalité qui ne peut et ne doit être changée sous la pression de facteurs de géopolitique et de conjoncture. La géopolitique ne peut transformer les données démographiques. Le Liban est le pays de la coexistence des communautés, sinon le Liban, n’existerait pas. Ce qui fait la force et la pérennité du Liban, c’est la coexistence harmonieuse de ses communautés. Mais il est indispensable que cette coexistence ne soit pas figée, moulée dans son carcan; elle doit guider le peuple libanais vers une réelle interaction et une véritable intégration, telle que les communautés, tout en conservant leurs particularités, réussissent à dépasser les limitations communautaires afin d’exprimer la totalité et l’unité du peuple libanais. Tel est le Liban; sinon il n’y a plus de Liban. «Nous n’avons pas de ressources naturelles, de force militaire ou économique pour impressionner le monde. Mais nous avons la force de la foi, de l’amour et de l’espérance qui transcendent toutes les forces du monde. Au seuil du troisième millénaire, en tant que Libanais, nous sommes appelés à rester solidement attachés aux valeurs nationales, religieuses et culturelles qui constituent la libanité du Liban. Je crois fermement que le Liban deviendra plus fort lorsque le chrétien vivra sa vie selon les principes et les vérités de l’Évangile et que le musulman traduira fidèlement dans sa vie les préceptes et les principes du Coran. Musulmans et chrétiens devraient être les avant-gardes, les promoteurs et les défenseurs de l’amour et de la paix, de la justice et des vérités divines, du dialogue et de la coexistence des peuples et des religions. C’est l’essence et la mission de ces deux grandes religions monothéistes; c’est un grand défi pour tous les Libanais», a conclu Mgr Aram Ier.
Dans un message adressé hier aux Libanais à l’occasion de la célébration du nouveau millénaire, le catholicos arménien de Cilicie Aram Ier a voulu engager «un dialogue sincère et réaliste» avec ses «compatriotes» afin de «percevoir où nous nous trouvons en cette conjoncture décisive de l’histoire humaine». Dans un contexte de mondialisation effrénée, Mgr Aram Ier...