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Actualités - ANALYSE

Le découpage favorise les visées du pouvoir Prochaine étape : la composition des listes

Un vieux de la vieille, qui a participé à autant d’élections que ce pays en a connues en un demi-siècle, applaudit «le tour de passe-passe du pouvoir. Avec la loi électorale qu’il a mise au point, c’est du tout cuit pour lui. Il s’assure d’une très large majorité dans la prochaine Chambre. Sans nul besoin de s’immiscer ensuite dans la campagne ou dans le scrutin. Ce qui lui évite de se voir accuser de fraude et de subir un feu roulant de plaintes en invalidation des résultats devant le Conseil constitutionnel. Chapeau donc, c’est le mot, pour ce prestidigitateur qui, pour son coup d’essai, réalise un coup de maître». Ce vétéran souligne que «l’opération tout entière est téléguidée. Le découpage effectué épargne à l’électorat libanais les affres du suspense. On sait en effet déjà quels sont les pôles d’influence qui vont triompher. À quelques sièges près un observateur averti peut même donner dès à présent, sans risque de se tromper, la liste des membres de la future législature. Suprême habileté: tout est prévu pour que personne ne perde vraiment la face. La marginalisation de certains leaderships est calculée de manière à ce qu’ils gardent assez d’effectifs pour constituer une éventuelle relève, si jamais on a envie de changer de gouvernants, mais pas assez pour s’imposer d’eux-mêmes. On évite donc les erreurs commises jadis successivement par les régimes de Béchara el-Khoury et de Camille Chamoun. Pour tenter de faire proroger leurs mandats respectifs, ces deux présidents avaient organisé des élections législatives, en 47 et en 57, aux termes desquelles des géants avaient été écartés de la scène, ce qui avait provoqué à six ans d’intervalle, en 52 et en 58, deux révolutions, l’une blanche et l’autre sanglante». Cette personnalité, qui sait que l’éthique a peu de poids en politique, juge pour sa part que «le jeu du système électoral favorisant le pouvoir est légal sinon légitime et se joue en fait dans la plupart des démocraties. On sait par exemple qu’en France, Mitterrand avait introduit la proportionnelle pour renforcer le Front national de Le Pen et affaiblir ainsi la droite traditionnelle. Il reste que dans les pays évolués, l’information et la lucidité de l’électorat jouent un rôle pondérateur en empêchant parfois le pouvoir en place d’atteindre ses objectifs. Ici, c’est plus difficile…». Toujours est-il qu’après l’approbation en un temps record du projet par la commission parlementaire de l’Administration et de la Justice, le nouveau code va maintenant être approuvé par l’Assemblée nationale sans problème. «La partie technique commencera alors, indique le politicien cité, le pouvoir devant organiser ses listes. Il lui faudra dans quelques régions, comme il l’a du reste fait lors des précédentes éditions, convaincre certains adversaires d’enterrer la hache de guerre et de s’allier pour les élections sous son égide. Ce travail se fera lors de réunions organisées discrètement en coulisses, avec le concours parfois des décideurs, quand les morceaux seront gros. Une fois les listes proclamées, les Libanais sauront presque à coup sûr quels vont être les élus, ici ou là. Il y a fort à parier qu’il y aura peu de vraies batailles électorales. Les endroits où les opposants seront assez forts pour faire face aux loyalistes sont rares sur la carte. On a par exemple neutralisé Bécharré, Jezzine ou Beyrouth-Est. Parfois il y aura des simulacres d’affrontement, c’est-à-dire qu’on pourrait avoir deux listes opposées se réclamant en réalité toutes deux du pouvoir. Ce dernier va sans doute éviter d’intervenir d’une manière flagrante dans les opérations, vu qu’il est assuré de la majorité et qu’il est bon pour son image de marque qu’un petit nombre d’opposants puissent percer, comme ce fut le cas en 1996. Autre élément à l’avantage du pouvoir : il va laisser l’électeur s’exprimer librement et il va organiser un scrutin tout à fait propre, sans triche et sans risque de déception, puisque le gros du travail a été accompli à travers le découpage des circonscriptions». Il faut en prendre son parti. En espérant qu’au-delà de son ambition de contrôler la Chambre, le pouvoir saura respecter les équilibres. On peut rappeler à ce propos les remarques de Michel Chiha pour qui «le Parlement n’est pas seulement le fruit d’une conception démocratique de la vie nationale mais aussi le point de rencontre indispensable entre les communautés fédérées au sein de la patrie et l’emblème officiel de la volonté de vivre en commun et de gouverner ensemble». Un point de vue que l’Est politique, actuellement frappé de discrimination, partage sans réserve.
Un vieux de la vieille, qui a participé à autant d’élections que ce pays en a connues en un demi-siècle, applaudit «le tour de passe-passe du pouvoir. Avec la loi électorale qu’il a mise au point, c’est du tout cuit pour lui. Il s’assure d’une très large majorité dans la prochaine Chambre. Sans nul besoin de s’immiscer ensuite dans la campagne ou dans le scrutin. Ce...