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Actualités - REPORTAGES

Ballet - Au Forum de Beyrouth Les Etoiles de Bolchoï : grâce, romantisme et volupté orientale(photos)

Les nostalgiques du ballet classique ont certainement été comblés par la prestation des étoiles du ballet du Bolchoï, lui-même plus étoile que ses étoiles, qui s’est produit au Forum de Beyrouth. Plus de trente-cinq danseurs sur scène et des prima donna frémissantes dans leurs tutus amidonnés et se déplaçant, aériennes, en pointe sur chaussons satinés avec des gestes de colombes effarouchées à l’envol, voilà les images un peu surrannées et figées dans le temps et le conservatisme rigoureux d’un art farouchement codé de ce spectacle aux costumes chatoyants surtout dans la version certes orientalisante mais aussi bien «russifiée» d’une Shéhérazade livrée sans vergogne au libertinage, à la luxure et la concupiscence. Au menu de la dernière déferlante-ballet dans notre capitale une sorte de «best of», des extraits de Casse-Noisettes sur une superbe musique de Tchaïkovsky, le solo du Cygne sur la languide musique de Saint-Saëns, le second acte de Gisèle d’Antoine Adam au romantisme évanescent et pour terminer la scène de débauche et l’arrivée impromptue de Shahrayar châtiant par la mort les dévoyés de Shéhérazade sur la magnifique et somptueuse musique de Rimsky- Korsakov. En ouverure donc, les personnages emperruqués, mignons comme des poupées de porcelaine, presque jaillis d’un musée de cire de Casse-Noisettes donnant vie aux fantasmes et jeux de l’enfance et à sa délicieuse candeur. Prétexte aussi aux danseurs d’exécuter de formidables numéros allant des rythmes des talons sur fond de falbalas espagnols aux mimiques toutes en courbettes en habits chinois aux éblouissants sauts cosaques avec des hussardes jusqu’aux genoux, pour finir en beauté, charme et grâce avec un pas de deux alternant vivacité et langueur dans l’éclat d’un tutu blanc comme neige et d’un prince à la taille de guêpe, parfait chevalier servant pour que la prima ballerina exécute avec brio et bravoure sa performance pleine de délicatesse et d’agilité. Le Cygne de Saint-Saëns, dansé en intermède en bord de scène avec les rideaux tirés entre le changement de décor (dont on entendait grincer bien comiquement les poulies sans songer à ménager la mélodie de l’auteur de Samson et Dalila !) de deux tableaux, a mis en valeur la souplesse à couper le souffle d’une ballerine aux mouvements vaporeux, étonnamment éthérés, ondulatoires et imitant avec infiniment de grâce les battements d’ailes d’un cygne effrayé fendant les eaux... Moment d’une intense beauté que le public a longuement applaudi songeant peut-être à la gloire légendaire de Maya Plissetskaïa dans ce rôle qu’elle a immortalisé. Sombre et déchirant romantisme (la nuit, la mort, les cyprès, l’amour éternel et contrarié) avec le second acte de Gisèle où à la lueur argentée de la lune, les «esprits de la forêt», ces «sylphides» aux têtes ceintes et penchées en longues robes de mousselline blanche dansent devant la tombe de celle qui fut trahie... Atmosphère diffuse et sombre rehaussée par la haie de ces jeunes «vestales» froufroutantes dans leurs mousselines virevoltantes et portées par des petits pas chargés de la tristesse des cœurs meurtris et inconsolables... Changement de cap et d’univers avec le décor parfaitement oriental de cette Shéhérazade aux sonorités colorées dans ce harem aux femmes couvertes de voilages impudiques batifolant entre amants volages et eunuque à l’allure d’une grosse bouboulina-mammouchka... Scène orgiaque et lascive où les corps, roulant dans le tourbillon de désirs impérieux, sont offerts aux regards des spectateurs dans leur ronde infernale et dyonisiaque... Orient de luxure, de magnificence, de palais croulant sous les soieries, les perles, les brocarts et les kandils illuminant cette vision échapée à un conte à la fois polisson et lyrique mais où pointe inéluctablement à l’horizon, par-delà un simple badinage érotique, une hécatombe sanglante. Dans cette fête improvisée tordant le cou à tous les interdits et se livrant jusqu’à l’ivresse à toutes les licences, voilà que surgit inopinément Shahrayar, ce sultan parti guerroyer et représentant absolu des valeurs morales sacrées. Condamnation immédiate, sans recours et mort par sabre à poings levés pour ces «dépravés», ces mutins de la fidélité... Mais Zobayda, sa femme favorite s’empare d’un poignard et se fait justice sous ses yeux. C’est sur les accents impétueux et torrentiels d’un Rimsky-Korsakov au faîte de son art qu’on voit évoluer et tournoyer cette fresque bariolée et d’un exotisme coloré et sulfureux où l’Orient semble échappé à un livre d’image à l’érotisme un peu raffiné d’un Aubrey Beardsley... Mettre l’emprise et la servitude des désirs en images dansées sans tomber dans le gongorisme n’est pas une mince affaire. Pari gagné par les étoiles du Bolchoï qui tiennent les spectateurs sous leur coupe jusqu’au dernier pas, jusqu’au dernier trémolo, jusqu’à l’ultime frémissement d’un corps de femme qui s’abat sans vie sur scène. Les fervents adeptes de la danse classique en auront eu pour leur compte, même si la prestigieuse institution du Bolchoï n’est plus ce qu’elle était et que son «aura» au fil des ans a notablement baissé... Tout compte fait il demeure dans ce spectacle traversé d’une certaine lumière, par-delà toute considération de créations momifiées et naphtalinisées ou de magnificence de pacotille en décor de carton-pâte, assez de féerie, de magie et bien entendu d’art et de remarquable discipline pour séduire le plus échaudé ou le plus blasé des spectateurs.
Les nostalgiques du ballet classique ont certainement été comblés par la prestation des étoiles du ballet du Bolchoï, lui-même plus étoile que ses étoiles, qui s’est produit au Forum de Beyrouth. Plus de trente-cinq danseurs sur scène et des prima donna frémissantes dans leurs tutus amidonnés et se déplaçant, aériennes, en pointe sur chaussons satinés avec des gestes...