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Actualités - REPORTAGES

Bazars de Noël - Pâtisseries, céramique et fleurs au Bustan L'Irap aux couleurs des fêtes (photos)

Dans le hall de l’hôtel «al-Bustan», à l’entrée de la «Cedar Room», Rania, Tacla, Marguerite, Samira et Mona, des jeunes filles qui ont passé leur enfance à l’Irap (Institut de rééducation audiophonétique), aident les volontaires et les amis de l’institution à préparer des stands alourdis par les décorations de Noël. C’est seulement à l’occasion des fêtes de fin d’année que l’Irap expose ses travaux, qui ont mobilisé durant douze mois une centaine de personnes. De plus, cette septième exposition marque l’anniversaire de l’institution, qui a célébré hier vendredi sa quarantième année. «Ce sont les travaux de la grande famille de l’Irap», indique Mme Jeanine Safa, directrice et membre fondateur de l’Irap, en montrant les articles exposés. Des productions qui regroupent des pâtisseries orientales, comme la «semsmiyyé», «cheval de bataille de l’Irap», de la confiture, des serviettes et des draps brodés, des cadres en bois, des figurines en céramique, des arrangements de fleurs et de fruits… L’exposition, aux couleurs chaudes des fêtes de fin d’année, réunit également des décorations de Noël de toutes les dimensions : de petites boules en corde, des bougies multicolores, des personnages de la Crèche en jute, des cornes d’abondance fabriquées à partir de cônes de pin, des rennes en bois… et évidemment des sapins décorés et des pères Noël. Pour organiser une telle exposition, il faut la coopération de tous les élèves de l’Irap en premier lieu. Ce sont eux, dans les ateliers de l’institution, qui forment les premiers maillons de la chaîne. Mais aussi les parents des élèves qui participent à la fabrication de certains produits alimentaires, un groupe de femmes appartenant à un quartier sinistré de la banlieue de Beyrouth qui effectue des travaux de broderie, une quinzaine de volontaires qui se chargent de la décoration et surtout l’équipe de l’Irap, encadrée par les deux directrices de l’institution, présentes au sein de l’association depuis sa création en 1959 : Jeanine Safa et Souad Ballita. Mais le travail de l’Irap ne saurait être réduit à la seule exposition de Noël. L’institut de rééducation audiophonétique, fonctionnelle grâce aux dons de ses nombreux amis, devrait assurer ses propres ressources. Tout au long de l’année, des produits alimentaires confectionnés dans les cuisines de l’Irap sont en vente dans les supermarchés de la ville ; les travaux manuels sont exposés dans une salle du foyer de Aïn-Aar, tandis que les femmes volontaires, mères de familles et maîtresses de maison, tiennent les cafétérias de l’Hôtel-Dieu et de l’hôpital Abou Jaoudé. Ces volontaires, nommées «les petites mains», œuvrent depuis longtemps au sein de l’association. Tout au long des années de la guerre, elles ont présenté les produits de l’Irap à l’étranger. Elles tentent toujours, tout en préparant les expositions de Noël, d’élargir le grand réseau d’amis de l’institution. Au cours des années de la guerre, l’Irap s’est tourné vers les déplacés. Et c’est le quartier d’el-Aïn, à Biakout (Metn), qui a bénéficié, à partir de 1985, de leurs activités. L’équipe de l’Irap a tenu compte dans son action des besoins des familles sinistrées. Une garderie a été créée et des femmes ont été formées à la broderie et à la couture. Leurs travaux sont exposés au Bustan. « C’est notre maison » Fondé le 3 décembre 1959, l’Irap a accueilli et formé au fil des ans plus de 500 enfants malentendants. Actuellement, le foyer de Aïn-Aar, inauguré en 1969, regroupe plus de 150 personnes, notamment des enfants, des adolescents, et des adultes déficients auditifs, des animateurs, des éducateurs et des familles amies. «L’Irap prend en charge l’éducation précoce des enfants malentendants et les accompagne jusqu’à leur intégration professionnelle ou académique», indique Jeanine. Au foyer de Aïn-Aar, les cours sont assurés dès la maternelle et jusqu’au cycle complémentaire. L’année dernière, l’association a célébré la réussite de huit étudiantes aux épreuves officielles du brevet. Les jeunes pensionnaires, qui appartiennent à toutes les confessions et à toutes les régions du pays, logent pour la plupart au foyer et rentrent à la maison durant les week-ends. Mis à part la formation scolaire, le foyer de l’Irap assure aux pensionnaires des ateliers de formation professionnelle (cuisine, pâtisserie, couture, céramique…). C’est un moyen comme un autre, qui permet l’intégration de ces jeunes. Rania, Tacla, Marguerite, Samira et Mona, qui ont été soutenues par l’Irap dès leur enfance, en sont des exemples. Âgées d’une vingtaine d’années, l’Irap représente pour elles plus qu’une école ou un pensionnat. «C’est notre maison», disent-elles. Rania travaille depuis trois ans et demi au Bustan. Elle tient le bar du restaurant el-Giardino. Avant de trouver un emploi à l’hôtel, elle a donné des cours de diction et de langage des signes aux tout petits de l’Irap. «Je voulais prouver au monde entier qu’une fille qui n’entend pas est capable de travailler», explique-t-elle. «Au début, c’était pénible mais j’ai réussi grâce au soutien de Mme Ballita, de la propriétaire de l’hôtel et de tout le personnel ; je sentais que j’étais différente», dit-elle. «Parfois je ne comprenais pas les commandes, et les clients me demandaient sur un ton ironique : “es-tu sourde” ? En effet, je suis sourde, mais au début je n’osais pas le dire», avoue-t-elle. Grâce à son travail à l’hôtel, Rania a trouvé l’âme sœur. Elle s’est fiancée il y a 4 mois avec un jeune homme qui habite Beit-Méry. «Figurez-vous, je vais épouser un garçon bien entendant», lance-t-elle dans un éclat de rire. Rania vit actuellement avec ses parents dans un village du Metn, mais elle se rend souvent à l’Irap «pour voir maman Jeanine». «Plus tard, dit-elle, j’irai au foyer avec mes enfants afin qu’ils rencontrent leur tatie Jeanine». Tacla est arrivée à l’Irap quand elle avait 10 ans. Après son brevet, elle a tenté de décrocher un emploi. «Mais toutes les entreprises exigent que leurs employés parlent deux langues», se désole-t-elle. Actuellement, elle est enseignante à l’Irap. Elle donne des cours de prononciation et de langage des signes aux élèves de la 10e. Est-ce qu’ils apprennent vite ? «Cela dépend de l’enfant, il faut être très patient», déclare Tacla qui anime, comme toutes les jeunes présentes, la préparation de l’exposition. «De cette manière, nous montrons aux autres ce que nous sommes capables de faire. De plus, toute la famille de l’Irap participe au travail», affirme-t-elle. Les personnes qu’elle rencontre hors de la famille de l’Irap se montrent-elles blessantes ? «Cela dépend. Par exemple, il en a qui engagent la conversation et qui se rendent compte un peu plus tard que je suis sourde (Tacla porte un minuscule appareil auditif). Ils s’arrêtent soudain de m’adresser la parole et se mettent à poser des questions aux personnes bien entendantes qui m’accompagnent, comme si j’étais incapable de comprendre leurs propos», raconte-t-elle. Marguerite est arrivée à l’Irap à l’âge de 5 ans. Elle a fréquenté plusieurs écoles privées. Elle a son baccalauréat (série philosophie). Elle a exercé le métier de coiffeuse, mais elle s’est arrêtée un peu plus tard pour ne pas endommager son appareil auditif. Elle travaille actuellement aux ateliers de l’Irap. «Au début de l’année, je suivrai une formation en informatique», se promet-elle. Marguerite habite également le foyer de l’Irap, «une institution qui m’a aidée à avoir confiance en moi-même et qui m’a appris que j’ai des droits. Maman Jeanine m’a inculqué beaucoup de valeurs : il faut vivre en paix, travailler avec joie et aimer son prochain», indique-t-elle. L’exposition de Noël de l’Irap se poursuivra à l’hôtel al-Bustan jusqu’à demain dimanche. Plus tard, les travaux des élèves et des volontaires seront exposés au foyer de Aïn-Aar.
Dans le hall de l’hôtel «al-Bustan», à l’entrée de la «Cedar Room», Rania, Tacla, Marguerite, Samira et Mona, des jeunes filles qui ont passé leur enfance à l’Irap (Institut de rééducation audiophonétique), aident les volontaires et les amis de l’institution à préparer des stands alourdis par les décorations de Noël. C’est seulement à l’occasion des fêtes de fin...