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Actualités - CONFERENCES ET SEMINAIRES

Clôture de la cérémonie du jubilé des Conseils d'Etat libanais et français Un passé mouvementé, mais un avenir prometteur

«Je suis sûr qu’il y aura encore un Conseil d’État en l’an 2100 et je propose comme thème pour les cérémonies du tricentenaire de la naissance de cette instance en France, la création de conseils pour les institutions internationales». C’est sur cette perspective résolument optimiste que M. Guy Braibant, président de section honoraire en France, a clôturé les deux jours de débats à l’occasion du double jubilé des Conseils d’État français et libanais: deux cents ans pour la France et 75 ans pour le Liban. Il y a des anniversaires qui tombent bien. Alors que les responsables libanais promettent une réforme administrative radicale (qui d’ailleurs se fait attendre), le Conseil d’État libanais célèbre en grande pompe ses 75 ans et les vénérables 200 ans de son homologue français. Si la journée de jeudi était surtout consacrée aux généralités et à l’histoire, celle d’hier est entrée dans les détails du fonctionnement et des prérogatives du Conseil d’État. Et cette instance souvent méconnue n’a jamais semblé aussi familière, aussi proche des citoyens. Elle est aussi très utile, puisque comme l’ont expliqué les éminents spécialistes français et libanais qui ont pris la parole, elle a pour rôle de protéger les individus des excès de l’administration, mais elle protège aussi cette dernière de ses propres dérives. Ce qui ne lui a pas valu que des bonheurs, puisque comme l’a souligné M. Guy Braibant, les Conseils d’État français et libanais ont eu une histoire mouvementée. Deux morts et trois naissances En France, cette instance a traversé 12 régimes, dont des empires et les convulsions des républiques, et n’a disparu que quelques mois. Au Liban, le Conseil d’État est né en 1924 ; il a été dissous deux fois et il en est à sa troisième naissance, tout en ayant survécu à la guerre au cours de laquelle il a dû créer une jurisprudence spéciale. C’est dire que son existence est devenue inhérente à la démocratie. Selon M. Braibant, les pays anglo-saxons, qui ont refusé de créer une instance spéciale pour les litiges entre les citoyens et l’administration, sous prétexte que le principe d’égalité exige qu’il n’y ait pas un privilège de juridiction, sont en train de revoir cette position. Ainsi, le système de contrôle parlementaire devient insuffisant en raison de l’importance et de la technicité des problèmes. M. Pierre Delvolvé, dont tous les étudiants en droit connaissent les traités de droit administratif, explique d’ailleurs à L’Orient-Le Jour que le Conseil d’État «permet d’encadrer le comportement de l’exécutif et permet de lutter contre l’excès de pouvoir. De même, l’administration y est protégée, non pas en tant qu’instrument du pouvoir, mais parce qu’elle touche à la vie des citoyens». M. Delvolvé raconte ainsi qu’en France, des arrêtés municipaux interdisant des manifestations ont été annulés par le Conseil d’État. On ne peut alors s’empêcher de penser à la décision ministérielle d’interdire les manifestations, adoptée au Liban en 1994… Une mission consultative Le problème, c’est que le Conseil d’État ne peut se saisir lui-même d’une affaire. Il doit donc attendre qu’on lui présente un recours. Et c’est là qu’il peut remplir son rôle juridictionnel. Bien que moins connue du public, la seconde mission du Conseil d’État est de conseiller l’exécutif. Toute une séance de débats a été consacrée à ce thème. Il y est notamment apparu que le Conseil d’État doit être consulté avant l’adoption de décrets et arrêtés ministériels. Mais cette consultation n’est pas impérative, bien qu’en général, les ministres préfèrent s’y conformer pour ne pas que leurs décisions fassent l’objet de recours. Une autre séance est consacrée à la jurisprudence, principale source du droit administratif. M. Alexandre Fayad, président du contentieux administratif, a montré un parallélisme entre les événements qui ont secoué le pays et les arrêts du Conseil d’État qui illustrent ainsi notre histoire mouvementée. Mais c’est M. Michel Tabet, président du Conseil général de discipline, qui, dans un long exposé a montré l’évolution de la jurisprudence libanaise, largement inspirée de celle de la France et basée sur de grandes règles, telles que l’erreur manifeste d’interprétation et la notion de détournement de pouvoir. Les intervenants français, MM. Daniel Labetoulle et Bruno Odent, ont évoqué les nouvelles orientations du Conseil d’État en France. M. Odent en a profité pour critiquer les arrêts, parfois incompréhensibles, selon lui. C’est à M. Braibant qu’est revenu le soin de clôturer les débats, par l’exposé des perspectives d’avenir du Conseil d’État. Convaincu de l’utilité de cette institution, il a expliqué pourquoi, selon lui, il y a de bonnes raisons de croire qu’elle existera encore en l’an 2100. Mais selon lui, elle doit pouvoir s’adapter et innover afin de correspondre au développement des sociétés et des administrations. Il s’agit pour le Conseil d’État de trouver un équilibre entre ses deux activités juridictionnelle et consultative, entre le droit et l’équité (en l’absence de textes de loi) et entre la continuité et l’innovation. Mais c’est au président du Conseil d’État libanais et ministre de la Justice Joseph Chaoul qu’est revenu le mot de la fin. Après avoir remercié les intervenants, il a déclaré que toutes ces idées doivent nous donner à réfléchir afin de pouvoir rendre une meilleure justice, puisque c’est là notre unique but. Les cérémonies du jubilé ont ainsi pris fin, mais les délégations française, italienne, tunisienne, sénégalaise, syrienne, égyptienne et ivoirienne feront un peu de tourisme pendant le week-end, selon le vœu du vice-président du Conseil d’État français, M. Renaud Denoix de Saint Marc. Pendant deux jours, au rythme de trois séances quotidiennes de débats, le Conseil d’État a donc été à l’honneur. Un honneur bien mérité pour une instance sur laquelle les Libanais fondent beaucoup d’espoirs.
«Je suis sûr qu’il y aura encore un Conseil d’État en l’an 2100 et je propose comme thème pour les cérémonies du tricentenaire de la naissance de cette instance en France, la création de conseils pour les institutions internationales». C’est sur cette perspective résolument optimiste que M. Guy Braibant, président de section honoraire en France, a clôturé les deux...