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Actualités - ANALYSE

Sécurité Des relents redoutables de provocation et de manipulation

Il ne faut certes pas dramatiser. Les engins qui explosent, ou qui sont lancés contre des églises, dans la banlieue de Beyrouth ou au Nord, n’ont fait jusque-là qu’une victime, un malheureux sacristain. Ce sont de simples grenades à main, et non des machines infernales, qui, dans les quatre ou cinq cas relevés, ont été utilisées. Mais on ne peut oublier que des attentats semblables, qui paraissaient relever de la vindicte et de l’intimidation plutôt que de la destruction, avaient précédé la guerre de 1975. On se souvient ainsi d’un attaché militaire jordanien pris littéralement la main dans le sac, alors qu’il déposait une bombe dans une cathédrale du centre-ville. Tout le monde, sauf bien entendu les auteurs des derniers exploits, est d’accord pour condamner fermement ces provocations à fort relent confessionnel. Plusieurs indices laissent penser que ces actes se rapportent à la guerre de Tchétchénie où l’armée d’une puissance orthodoxe, la Russie, attaque les indépendantistes pour leur soutien présumé à des extrémistes islamiques sunnites. On se rappelle qu’il y a quelques années des activistes avaient sauté sur les mines qu’ils plaçaient sur la route de Balamand où se tenait un congrès religieux œcuménique. Et c’était à l’époque en relation avec la guerre de Bosnie-Herzégovine. Commentant cette sorte de réaction épidermique à ce qui peut se passer dehors, un leader déclare : «Encore heureux qu’il n’y ait pas ici, à part les 17 communautés, de fraction ayant des affinités étroites avec des ethnies en lutte violente contre les autorités de leurs contrées, comme les Sikhs ou les Tamils. Les conflits extérieurs se répercutent chez nous, comme si nous étions directement concernés, comme si notre allégeance allait d’abord à des causes étrangères. C’est le même syndrome qui se perpétue depuis les années soixante-dix et l’affaire des Palestiniens. Nous pensions que tous nos compatriotes avaient fini par comprendre, après tout ce qui est arrivé, qu’à se montrer plus royaliste que le roi, on court tout droit au suicide collectif. Mais non, les mêmes réflexes primaires subsistent. Il reste une poignée de Libanais que l’expérience de notre malheureux passé ne dissuade pas et qui sont prêts à mettre la paix civile en danger, pour satisfaire un besoin de revanche tordu». Abondant dans le même sens, un responsable sécuritaire s’étonne que «des nationaux puissent oublier leur patrie pour embrasser des causes étrangères. Le résultat, comme on l’a vu pendant la guerre domestique, ne peut être que la dislocation de la société en fractions rivales et leur dépendance, chacune de son côté, envers des forces extérieures dont elles deviennent des instruments. Les sentiments de sympathie qu’on peut éprouver pour telle ou telle cause sont naturels. Mais ils ne doivent pas verser dans les excès au point d’en oublier encore une fois leur propre intérêt, qui relève directement de celui du pays où l’on vit». Pour sa part, le ministre de l’Intérieur, qui représentait le chef de l’État au dîner du Conseil central maronite, a proclamé, après l’attentat de samedi, que «la sécurité constitue au Liban une ligne rouge que nous n’autoriserons personne à outrepasser. Nous sommes prêts pour réprimer quiconque serait tenté de troubler l’ordre public. Il faut que nous serrions les rangs et unissions nos efforts pour consolider la position libanaise. Nous devons coopérer tous ensemble pour instaurer un climat de détente et d’apaisement, afin de dynamiser l’économie et de franchir sans encombre cette étape délicate, pleine de difficultés.» À noter que, selon une source informée, les autorités ont reçu il y a quelque temps un rapport de spécialistes mettant en garde contre l’existence d’un plan visant à semer des troubles en attaquant des lieux de culte. Le but serait de déstabiliser ce pays à l’intérieur, à l’heure des échéances régionales, pour qu’il s’affaiblisse face à Israël. Il y aurait donc de la manipulation, une intox profitant des passions exacerbées de certains fanatiques qui tomberaient probablement des nues s’ils savaient quel maître ils servent en réalité. Mais les loyalistes soulignent que, cette fois, ce jeu basé sur l’exploitation du confessionnalisme, ne passera pas et qu’aucune dislocation interne n’est possible à l’ombre de la nouvelle légalité autour de laquelle se regroupent les différentes communautés du pays. Reste cependant, ajoutent les loyalistes, un autre danger : l’entrée en lice des intégristes palestiniens sur le terrain au Sud. La Résistance doit rester purement libanaise, soulignent ces sources, sinon la lutte serait déviée, au profit de ceux qui souhaitent l’implantation. Les Israéliens, certes, mais aussi, bien qu’ils refusent de l’avouer, les arafatistes qui ne voient pas comment ils pourraient accueillir dans leurs territoires déjà surbondés le flot d’un éventuel retour des réfugiés. Toujours est-il que plusieurs opposants se demandent ce que fait le pouvoir. Ils relèvent que le massacre de quatre juges à Saïda et d’autres attentats meurtriers restent toujours impunis, qu’Abou Mahjane court toujours et qu’Aboul Aynaïn est bien à l’abri à Rachidyeh.
Il ne faut certes pas dramatiser. Les engins qui explosent, ou qui sont lancés contre des églises, dans la banlieue de Beyrouth ou au Nord, n’ont fait jusque-là qu’une victime, un malheureux sacristain. Ce sont de simples grenades à main, et non des machines infernales, qui, dans les quatre ou cinq cas relevés, ont été utilisées. Mais on ne peut oublier que des attentats...