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Actualités - REPORTAGES

Crise - Les clients à revenus limités récupérés par des compagnies solvables Restructuration et autoassainissement dans le secteur des assurances

Depuis septembre dernier, on peut lire de temps en temps sur les tableaux d’affichage à l’entrée de certains établissements hospitaliers les noms d’une série de compagnies d’assurance dont les clients n’étaient plus admis dans ces établissements. Ces annonces, en plus des quelques informations distillées à la presse, ont rendu les bénéficiaires sceptiques et ont laissé planer le doute sur la crédibilité de l’ensemble du secteur de l’assurance au Liban. Ce secteur se porterait-il aussi mal ? Serait-il en pleine mutation comme ce fut le cas du secteur bancaire dans un passé tout récent ? Qu’en est-il du projet de loi (élaboré en 1995 et non encore approuvé) portant sur une réorganisation qui préluderait à un assainissement drastique ? La branche de l’assurance-maladie serait à l’origine des problèmes qui se posent. La proportion élevée de contrats dans cette branche et les rentrées directes importantes qui en résultent auraient poussé un grand nombre de compagnies à intégrer cette branche dans leurs activités. Les primes d’assurance-maladie perçues par les compagnies d’assurances se sont élevées en 1998, selon des sources officielles, à près de 250 millions de dollars, soit plus de la moitié de la totalité des primes recueillies par les compagnies au cours de cette année (la valeur globale des primes étant de 360 millions de dollars). Dans ce cadre, il est intéressant de relever que les sociétés qui couvrent l’assurance-maladie figurent en tête de la liste des compagnies les plus productives. Pour s’approprier la plus grande part du marché local, certaines compagnies se sont livré une concurrence sauvage en «cassant les prix». Au moment où les frais d’hospitalisation et le coût des soins médicaux doublaient, les sociétés d’assurance révisaient à la baisse la prime d’assurance-maladie pour s’imposer comme leader sur le marché. Il était clair, pour les observateurs, que les primes affichées par ces compagnies allaient se révéler insuffisantes pour couvrir l’ensemble des allocations et des services qu’elles s’engageaient à prendre en charge. Face aux réclamations des clients, il était naturel que la gloire et les châteaux de sable s’effondrent et que les compagnies soient en butte à des difficultés financières importantes. Des pertes considérables auraient été essuyées par certaines sociétés qui avaient contracté à des prix de groupe compétitifs des polices d’assurance collectives en faveur de certains ordres et ligues professionnels ou au profit de fonctionnaires d’établissements et de services autonomes. Plus d’un expert en assurance affirme que les difficultés financières auxquelles font face aujourd’hui certaines compagnies seraient principalement dues à une mauvaise gestion de leur portefeuille. Un management plus rationnel leur aurait permis d’éviter d’être victimes des aléas économiques dont est victime en ce moment le secteur de l’assurance. Certaines compagnies connaîtraient des problèmes financiers bien qu’ayant conclu au préalable d’importants et solides accords de réassurance. Par ailleurs, les courtiers d’assurance ne semblent pas à l’abri des critiques. Ils se retrouvent au banc des accusés et certains milieux du secteur de l’assurance les tiennent pour responsables de l’aggravation de la crise. En s’abstenant de se conformer à l’échéance des versements qu’ils doivent aux compagnies d’assurance, les courtiers auraient aggravé le problème du manque de liquidités dont souffrent celles-ci. Mais il serait contraire à toute logique de généraliser certains cas et de faire assumer aux seuls courtiers la responsabilité de ce qui se passe actuellement au sein du secteur de l’assurance. Une crise prévisible En fait, la crise au sein de ce secteur n’est pas récente. Elle serait latente et daterait d’au moins trois ans. À l’époque, certaines compagnies ont demandé des lignes de crédits supplémentaires aux banques alors que d’autres optaient pour un rééchelonnement de leur dette. Se basant sur des rapports d’experts faisant état de situations malsaines au sein du secteur, l’ancien ministre de l’Économie Yassine Jaber avait adressé des mises en garde à certaines compagnies, les sommant de procéder à une recapitalisation et de s’acquitter de leurs dettes. Certaines sociétés auraient demandé un délai de grâce alors que d’autres auraient ignoré complètement les mises en garde. M. Jaber devait alors retirer fin 1997 leurs licences à six compagnies. Il s’agissait d’Income, 3G, Slag, Prosperity, Rogers et Union financière. Aujourd’hui, plusieurs sociétés auraient suspendu l’émission de nouvelles polices d’assurance en attendant de régler leurs problèmes financiers. De leur côté, certains courtiers relevant de compagnies en cessation de paiement auraient transféré les polices de leur clientèle au compte d’autres sociétés solvables. Si cette procédure est illégale au regard de la loi, dans la conjoncture actuelle, les compagnies d’assurance en cessation de paiement n’auraient pas intérêt à actionner en justice les courtiers, ces derniers s’activant pour trouver une solution pratique à un état de fait dont les victimes sont les clients à revenu limité. Les dettes de certaines compagnies d’assurance envers le corps médical et les hôpitaux s’élèveraient à prés de soixante-cinq millions de dollars, selon une source du syndicat des hôpitaux privés. N’étant pas en mesure de contraindre les patients assurés auprès de sociétés en cessation de paiement de régler leur factures d’hospitalisation, les établissements hospitaliers font désormais signer à cette catégorie de patients un contrat les obligeant à se substituer aux compagnies d’assurance si celles-ci manquaient à ses obligations. Une source du secteur de l’assurance dénonce le comportement de certains hôpitaux qui ont contribué à accentuer la crise du secteur des assurances, oubliant que dans un passé encore tout récent, les sociétés d’assurance étaient pratiquement les seuls bailleurs de fond de ces établissements. Difficultés limitées «La crise ne touche que certaines compagnies et ne devraient pas mettre en péril l’ensemble de ce secteur», affirme M.Abraham Matossian, PDG d’al-Mashreq et président de l’Association des compagnies d’assurances, qui souligne d’autre part que les compagnies qui connaissent des problèmes financiers se comptent sur les doigts d’une main. Quant aux dégâts subis par les assurés, ils sont limités, les compagnies en cessation de paiement ne détenant pas une part importante du marché. S’il déplore l’absence d’un contrôle étatique des activités de compagnies d’assurance créées pendant la guerre, s’il reconnaît la mauvaise gestion par certaines compagnies, M. Matossian ne manque pas de souligner que les effets du marasme dans le pays, marqué par un ralentissement de la circulation fiduciaire, ont contribué à hâter la crise dans le secteur de l’assurance. Les compagnies n’avaient d’autres choix que de procéder à une augmentation de leur capital lorsque ce choix se présentait ou de continuer à fonctionner dans l’espoir de pouvoir opérer un redressement financier dans l’avenir. «Le marasme économique a contraint les assurés et les courtiers à ne pas respecter les délais de paiement. Or, pour la branche de l’assurance-maladie, c’est en quelque sorte un peu le principe des vases communicants qui est appliqué. Si les deux parties ne s’acquittent pas de leur dû envers les compagnies, celles-ci, à leur tour ne seront pas en mesure d’honorer leurs engagements à l’égard des hôpitaux», dit-il. Les compagnies sont-elles en mesure de réclamer leur dû? «Elles peuvent le faire», affirme M. Matossion. «Mais cela ne va pas les avancer énormément, la loi régissant le secteur de l’assurance accusant de graves lacunes». En France, si une personne contracte une police d’assurance et ne paie pas dans les délais, il y a une saisie automatique de ses biens après une simple lettre de notification. Un délai de quinze jours est accordé pour le paiement de la prime d’assurance. Passé ce délai, l’huissier se présente au client et la police d’assurance est annulée. Au Liban, les choses se passent différemment. Même si le bénéficiaire d’une police d’assurance ne s’est pas acquitté de la totalité du montant de sa prime d’assurance en cas de sinistre, l’assureur couvre le sinistre. En réponse à une question, M. Matossian affirme qu’il y a toujours une possibilité de sauver certaines compagnies à condition que toutes les parties concernées fassent des compromis. «Il est question, ajoute-t-il, d’accorder un moratoire à certaines compagnies qui devraient par la suite se conformer à des règles strictes de gestion». Assurés récupérés «Oui, le secteur est en crise. Nous traversons une phase de restructuration et d’autoassainissement», affirme Nagi Habis, PDG de la Libano-Suisse et vice-président de l’Association des compagnies d’assurances. Selon lui, la mauvaise gestion n’est pas la seule cause de la crise. Le manque de contrôle de la part de l’État sur les activités de certaines compagnies tout comme l’existence de graves lacunes au niveau de la loi régissant le secteur ont eux aussi leur part dans le problème. M. Habis met en accusation le citoyen qui a tendance à opter pour des primes réduites sans pour autant chercher à mieux connaître la situation réelle de la société. Aujourd’hui l’association tente de sauver les clients à revenu limité ayant contracté des polices d’assurance-maladie en deuxième classe auprès de compagnies en cessation de paiement en les récupérant pour la période restante de la police, en contrepartie de sommes symboliques. À l’heure de la mondialisation, le PDG de la Libano-Suisse se prononce carrément pour les mégafusions afin de relever les défis de l’avenir. Pour M. Antoine Wakim, PDG de la SNA et membre du bureau de l’Association des compagnies d’assurance, le secteur est en crise, oui. «L’assurance, l’une des branches les plus sophistiquées dans le monde des services financiers, a été pratiquée par certaines compagnies avec amateurisme et aventurisme», dit-il. Des signes avant-coureurs de la crise actuelle sont apparus dès le début des années 90 avec la création de sociétés telles qu’Insaan et Income. Prié de dire pourquoi les responsables n’avaient pas réagi à l’époque, M.Wakim estime que dans le secteur de l’assurance, il n’y a pas d’organisme de contrôle pour cerner les problèmes et trouver les solutions qui s’imposent, faisant allusion au rôle louable joué par la Banque centrale dans l’assainissement du secteur bancaire. Il est toutefois optimiste quant à l’avenir. «La nouvelle loi sur la réorganisation du secteur de l’assurance sera votée avant la fin de l’année», estime-t-il. M.Wakim ajoute qu’il faut classer les compagnies opérant au Liban en trois catégories : les jeunes compagnies ayant obtenu facilement une licence d’exploitation pendant les années de guerre. Ces compagnies sont à la base des sociétés de courtage ; les sociétés d’assurance captives qui appartiennent à des banques et enfin les compagnies libres, au nombre de six ou sept qui cherchent à fusionner ou à avoir des partenaires étrangers pour s’implanter avec force sur le marché local et international. Est-il nécessaire de souligner que l’État se doit d’accorder une importance primordiale à l’assainissement du secteur de l’assurance s’il souhaite que Beyrouth redevienne une place financière ? On ne peut concevoir l’architecture d’une place financière en se basant sur un seul élément des finances, à savoir les banques, et en délaissant les assurances et les sociétés financières.
Depuis septembre dernier, on peut lire de temps en temps sur les tableaux d’affichage à l’entrée de certains établissements hospitaliers les noms d’une série de compagnies d’assurance dont les clients n’étaient plus admis dans ces établissements. Ces annonces, en plus des quelques informations distillées à la presse, ont rendu les bénéficiaires sceptiques et ont...