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Actualités - OPINION

Tribune Taëf an X : ambiguités persistantes

Alors que l’État se prépare à célébrer le 10e anniversaire de l’accord de Taëf, il serait peut-être utile de relever les ambiguïtés qui continuent d’entraver sa mise en application. La première ambiguïté est d’ordre historique. Adopté en 1989, l’accord de Taëf a été entravé dans son application par deux évènements majeurs : l’assassinat, en novembre 1989, du président René Moawad, homme de dialogue et d’ouverture, qui aurait très probablement réussi à imposer la mise en application «en douceur» de l’accord, évitant ainsi au pays les violentes secousses qu’il a connues jusqu’en octobre 1990. L’invasion du Koweït par l’Irak (2 août 1990) qui a entraîné le désengagement des pays arabes garants de la bonne application de l’accord. La Syrie, qui était partie prenante à cet accord au même titre que les forces politiques libanaises, prend, de fait, la place de la commission tripartite arabe (Arabie séoudite, Algérie et Maroc) et impose, surtout après l’éviction du pouvoir du général Michel Aoun (13 octobre 1990), sa propre lecture de l’accord. Les garants arabes de l’accord ne se sont plus manifestés depuis. La seconde ambiguïté relève de l’ordre de la procédure. L’accord de Taëf estime que le point de départ à l’instauration de la paix civile et la reconstitution de l’État est la réconciliation nationale qui devrait se concrétiser dans la formation d’un gouvernement d’union nationale au sein duquel seraient représentées toutes les forces politiques libanaises. Le seul parmi les chefs de gouvernement qui se sont succédé depuis 1989 à avoir tenté de mettre en application cette clause a été le président Omar Karamé. La troisième ambiguïté est d’ordre politique. Cet accord qui a nécessité pour sa conclusion la présence de trois partenaires, musulmans, chrétiens et Syriens, a été utilisé pour évincer l’un des trois – à savoir le partenaire chrétien – sans lequel l’accord n’aurait jamais vu le jour. Il est, en effet, paradoxal de constater que le prix payé pour imposer l’accord de Taëf l’a été surtout par les chrétiens avec la guerre de libération (1898) suivie de la guerre d’extermination (1990). Or les artisans chrétiens de Taëf ont tous été marginalisés, certains même emprisonnés comme cela a été le cas pour le chef des Forces libanaises, et remplacés par les partenaires chrétiens de l’accord tripartite de 1985. La quatrième ambiguïté est d’ordre institutionnel. Taëf a jeté les bases d’un pouvoir collégial où l’Exécutif n’est plus détenu par le chef de l’État mais relève du Conseil des ministres. Cette réforme a été dévoyée dans la pratique car le pouvoir a été monopolisé par le président du Conseil, les ministres faisant fonction de directeurs généraux et n’ayant pas voix au chapitre en ce qui concerne les décisions politiques, ce qui a conduit à l’établissement d’un régime hybride, marqué par un pouvoir à trois têtes. Autre ambiguïté d’ordre également institutionnel, celle qui a trait à l’exercice de la démocratie. Avons-nous affaire à une démocratie classique déterminée par la loi du nombre ou à une démocratie consensuelle qui prend en considération tout à la fois les individus et les communautés ? La cinquième ambiguïté relève du domaine de la participation. Taëf avait prévu une série de structures de participation parmi lesquelles : la mise en application d’une décentralisation administrative pour assurer la participation des citoyens à la gestion de leur quotidien, la formation d’un Conseil économique et social de manière à assurer la participation des secteurs économiques et des syndicats et organisations professionnelles dans la définition de la politique économiques et sociale du gouvernement, la création d’un Conseil national des réfugiés dans leurs foyers, etc. Non seulement aucune de ces structures n’a vu le jour, mais la pratique gouvernementale s’oriente vers un centralisme de plus en plus étouffant. Que faire pour lever toutes ces ambiguïtés dont la liste est loin d’être exhaustive ? Faut-il modifier le texte de l’accord ou changer ceux qui ont la charge de le mettre en application ? Taëf a coûté aux Libanais beaucoup de sang et de larmes. Il serait dangereux de le remettre en question. Les Libanais devraient, sans plus attendre, prendre l’initiative d’instaurer entre eux un dialogue sur les moyens de définir, à partir de cet accord, les fondements d’un nouveau pacte national.
Alors que l’État se prépare à célébrer le 10e anniversaire de l’accord de Taëf, il serait peut-être utile de relever les ambiguïtés qui continuent d’entraver sa mise en application. La première ambiguïté est d’ordre historique. Adopté en 1989, l’accord de Taëf a été entravé dans son application par deux évènements majeurs : l’assassinat, en novembre 1989,...