Rechercher
Rechercher

Actualités - REPORTAGES

Dans les coulisses Doublage : avec pour scène le micro (photo)

Esmeralda, Antonio, Maria Magdalena et les autres ont débarqué au Liban dans les années 90. Des vedettes venues des pays chauds, physique bronzé, dents blanches, robes et cravates fleuries dans leur bagage! Il fallait y ajouter la touche locale, voix, expressions, repères. L’idée a plu, le doublage a marché. À l’écran, «ça passe». Le jeune homme trompé s’énerve. Ses lèvres bougent, la voix suit. Bizarre, la première fois, cette voix qui n’est pas tout à fait la sienne mais qui le devient, comme par magie, passées les premières minutes. Ce phénomène a rapidement fini par devenir tout à fait normal. Le public libanais s’est habitué au doublage, jusqu’à ignorer tout le travail nécessaire pour en arriver là. Mettre des voix sur des visages étrangers, leur faire dire-jouer un texte sur une image déjà filmée, trouver et donner le ton juste, l’interprétation exacte est un métier en soi, pour les producteurs qui gèrent tout ce travail et pour les acteurs qui découvrent là une nouvelle forme «d’expression». «Notre travail ne se limite pas aux feuilletons mexicains, argentins ou espagnols», précise Mme Abou-Samah, qui gère sa maison de production avec son mari Nicolas. Filmali s’est spécialisée dans les doublages de feuilletons dont elle achète les droits avant de les travailler et de les revendre aux chaînes de télévision. «Il est vrai que ces émissions ont eu leur heure de gloire, mais le doublage de dessins animés pour Disney, Hollywood, Warner, ou d’autres, représente une grande et importante partie de notre travail, ainsi que les documentaires et les publicités». Quel que soit le sujet, pour transformer ces images «venues d’ailleurs» en un produit libanais, il faut surtout avoir un coup d’œil, une certaine «psychologie» des personnages. Le traitement de la traduction est sans doute l’aspect le plus contraignant et le plus «pointu» du travail. Les différents traducteurs doivent non pas simplement traduire ligne par ligne, mais réécrire un dialogue, en fonction de la scène qu’ils ont visionnée, du caractère des héros, de l’humeur de chacun et surtout de la longueur de leurs phrases. «La correction du texte, explique Mme Abou-Samah, exige beaucoup de temps. Elle est faite par une ou deux personnes qui doivent respecter la syntaxe, mais également, et c’est le plus important, la longueur de la phrase réelle. Écrire pour un doublage exige une technique spéciale et beaucoup d’expérience». Drôle de tournage Le script traduit et corrigé, il devient urgent de distribuer les rôles, ou plutôt de distribuer les voix sur les rôles. Un travail subtil qui se fait après avoir visionné toute la série. La voix doit coller au personnage, physiquement et psychologiquement, les acteurs doivent être de vrais professionnels. Yorgo Chalhoub, Samir Chamas, Antoinette Akiki, Pierre Chamoun et bien d’autres ont sacrifié leur physique à cet exercice périlleux. Dans les couloirs qui abritent les studios et la salle d’attente, des visages familiers apparaissent. Certains, mal rasés, mais ce n’est pas grave, attendent, en fumant une cigarette, le moment de «passer sur scène». D’autres répètent en duos leurs textes, écrits et redits «mot à mot». Ici, pas de costumes, pas de maquillage, pas de souffleurs ni de trous de mémoire, mais une véritable course contre la montre, où la seconde, le souffle, l’interrogation et le ton sont essentiels. Dans le studio «Akhdar», (vert), un dessin animé défile à l’écran, un enfant, cousin de ET, perdu cherche sa mère. L’enfant, en studio, n’est autre qu’une femme de trente ans, spécialisée dans les rôles de mômes, tous sexes confondus. «Nous faisons ce travail, nous confie-t-elle, car les enfants sont à l’école, et l’arabe classique est très dur à dire». Dans la salle voisine, une femme semble parler seule, les écouteurs sur les oreilles. «Oui, je sais», répond-elle à une question que nous n’avons pas entendue. Elle poursuit ainsi un dialogue-monologue, achevant une scène doublée la veille par les autres protagonistes. Dans le studio «Ahmar» (rouge), on «tourne» la scène 26. Antonio et Isabella, en maillot de bain, se retrouvent après la douloureuse séparation de la scène 25. Il fait chaud, la mer est démontée. Les écouteurs collés aux oreilles, un écran en face d’eux pour voir l’action, nos acteurs nationaux répètent leur phrase plusieurs fois, à l’air frais, jusqu’à obtenir la bonne prise. Derrière la vitre, les professionnels en régie enregistrent les prises, les mains sur leur clavier, les yeux fixant l’écran. «En général, 10 minutes d’antenne prennent une journée de doublage!», précisent-ils. Pour les bruits des vagues, il faudra attendre la fin du doublage, le contrôle de la qualité du son et le montage. À toutes ces étapes, le mot est manipulé, dirigé comme un véritable acteur. Il devient alors la vedette. Mais il n’est rien sans un visage, un sourire, une identité. Le mixage vient conclure la longue besogne. Mixage des voix et de la musique, touche finale d’un paysage audio, qui se transforme en images à regarder. Et les séries continuent à défiler, avec un double générique, image et son, une combinaison réussie. Antonio finit même par ressembler à Nadim le fils du voisin, et Esmeralda à la cousine germaine…
Esmeralda, Antonio, Maria Magdalena et les autres ont débarqué au Liban dans les années 90. Des vedettes venues des pays chauds, physique bronzé, dents blanches, robes et cravates fleuries dans leur bagage! Il fallait y ajouter la touche locale, voix, expressions, repères. L’idée a plu, le doublage a marché. À l’écran, «ça passe». Le jeune homme trompé s’énerve. Ses lèvres...