Rechercher
Rechercher

Actualités - INTERVIEWS

Entretien - L'architecte du Grand Louvre au Liban dans le cadre de Sibatech 99 Michel Macary : l'architecture, héritage ou stigmate(photo)

Présent au Liban depuis mardi soir, l’architecte Michel Macary est intervenu dans le cadre du salon Sibatech 99 sur le thème de l’architecture des stades. Urbaniste en chef de la ville nouvelle de Marne-la-Vallée dans les années 1970, son parcours le conduit à des réalisations de dimensions historiques, telles que le Grand Louvre, en association avec Ming Pei et le Stade de France. Il est actuellement chargé de l’aménagement des fouilles du centre-ville de Beyrouth... Mais l’homme ne se prend pas pour un démiurge, et l’entretien qui suit se déroule avec un compagnon, dans l’acception médiévale. Qu’est-ce qui fait le succès d’une œuvre architecturale et sa pérennité ? C’est l’adaptation d’un bâtiment à son usage et une fonctionnalité qui permet son évolution avec l’usage. C’est aussi quand les gens considèrent qu’il est symbolique de l’époque où il a été construit. La tour Eiffel, par exemple, n’est ni spécialement belle ni vraiment utile, mais elle symbolise la qualité technique des ingénieurs en France, leur courage, leur toupet pour l’époque. Le Centre Pompidou est symbolique des années 60 etc. Que pensez-vous de l’usage de la couleur en façade ? C’est un peu anecdotique, et puis ça vieillit mal, mais après tout pourquoi s’en priver ? Pour ma part, je préfère les matériaux qui possèdent une couleur intrinsèque. Mais on peut aussi obtenir de beaux enduits, des ciments colorés. Comment expliquez-vous l’engouement récent pour l’art-déco ? C’est une tendance que l’on constate surtout aux États-Unis. Pour moi, c’est un moyen de faire moderne sans risque de faire trop moderne ! Êtes-vous mégalomane ? Auriez-vous aimé créer la Grande Muraille, quelque chose qui soit vu de la lune ? Quand on pense à la responsabilité sociale qu’un architecte doit assumer, la mégalomanie est relativisée tous les jours. Le succès d’une œuvre est dû au succès du dialogue établi à la base. C’est un travail énorme qu’on ne peut pas faire tout seul comme un peintre ou un sculpteur. C’est aussi un métier inséré dans plusieurs autres métiers. Quant à la muraille...il est évidemment plus intéressant de faire un musée, un palais, un stade où les gens vivent et s’expriment. Une muraille ce n’est qu’un mur. Lequel de vos projets a-t-il votre préférence ? Le Louvre. Il s’ancre dans l’histoire de la France. Château-fort au Moyen Âge, puis résidence royale de la Renaissance à Napoléon III en passant par Louis XIV, pour devenir enfin un musée ouvert à tout le monde, enregistrant des records de fréquentation. C’est le résumé dans un même lieu de l’histoire architecturale de la France. Un lieu qui dit qu’une ville doit vivre et se modifier. Elle n’a pas le choix. Elle se développe et se transforme et se modernise et donc se régénère et rajeunit en vieillissant. Quelle est la tendance actuelle en architecture ? Il en existe principalement deux : d’abord la continuité du modernisme lancé dans les années 70, avec l’apparition de nouveaux matériaux qui permettent des formes de plus en plus expressives. Nous avions déjà le béton coulé que l’on peut mouler à loisir. Nous avons en plus le titane qui permet des structures très solides et légères à la fois comme on l’a vu dans le musée de Bilbao. De plus en plus on peut jouer sur la transparence en comptant aussi sur le progrès du verre. Mais on constate aussi un net retour à l’architecture historique qui rassure sur le plan culturel et esthétique. On dirait que certains décideurs sont atteints de la peur de l’avenir récurrente à chaque fin de siècle. Avez-vous des déformations professionnelles ? Je suis très sensible à la beauté des choses, des objets, des paysages. Entre deux objets d’utilité égale je choisis plutôt celui qui me donne une émotion esthétique. Je suis également collectionneur. Adolescent, je collectionnais les boîtes d’allumettes. Depuis un certain temps, je collectionne les tasses. Ma femme est antiquaire. Ensemble nous aimons ces souvenirs qui marquent le style d’une époque. L’usage est le même mais les formes sont totalement différentes. Le design doit se renouveler pour ne pas lasser, il est moins pérenne que le bâtiment qui,lui, est travaillé avec des concepts de temps et de durabilité de matériaux. En quoi consistera votre travail sur l’aménagement des fouilles du centre-ville de Beyrouth ? Pour Beyrouth, cet aménagement est très important. Il s’agira de donner au public local et international la certitude que Beyrouth peut retrouver son âme historique. Beyrouth s’est superposée par strates successives dans un même endroit. Aussi bien l’aménagement du sol que d’un jardin de la mémoire ou d’un musée de site permettront de comprendre et d’évaluer la reconstruction de cette ville sur des bases qui remontent à la nuit des temps. Une ville est en éternelle recomposition. Il en tient au génie des politiques que cette évolution ne se fasse pas dans l’anarchie, que la greffe des parties nouvelles tienne compte du passé, que la modernité s’exprime en s’appuyant sur l’histoire. C’est une grave erreur de raser l’ancien. Quel message dans votre intervention ? La recherche de la qualité architecturale est une preuve de culture et de civilisation. C’est une démarche qui doit être soutenue autant par les pouvoirs publics que par les acteurs économiques. C’est une erreur que de considérer l’architecture comme superfétatoire. Erreur parce que l’architecture est témoin d’une époque, d’une dimension esthétique qui marque cette époque. Il faut savoir si l’on veut laisser un héritage ou des stigmates.
Présent au Liban depuis mardi soir, l’architecte Michel Macary est intervenu dans le cadre du salon Sibatech 99 sur le thème de l’architecture des stades. Urbaniste en chef de la ville nouvelle de Marne-la-Vallée dans les années 1970, son parcours le conduit à des réalisations de dimensions historiques, telles que le Grand Louvre, en association avec Ming Pei et le Stade de...