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Actualités - REPORTAGES

Patrimoine - Le musée des fossiles à Jbeil Un trésor délaissé faute de moyens(photos)

Faute d’indications dans les ruelles de l’antique ville de Byblos, seuls les poissons fossiles, entassés pêle-mêle dans des caisses, témoignent de la présence de l’unique musée consacré aux fossiles au Liban. Ce musée est situé dans un magasin dans les souks. Par son architecture, il est en harmonie avec son environnement, mais entre ses murs il cache l’une des plus belles collections de fossiles du pays. Le musée est formé, essentiellement, de deux salles. La première abrite des documents vulgarisés et des images en couleurs illustrant l’évolution des espèces vivantes, donnant des indications sur l’âge de la terre et le phénomène de fossilisation, et évoquant les premières découvertes de poissons fossiles au Liban. «Le musée ayant une vocation pédagogique, cette salle revêt un caractère primordial», souligne M. Hany Abdelnour, professeur de biologie à l’Université libanaise et membre de l’équipe chargée de la réhabilitation de l’endroit. De courts textes attribués aux orientalistes du siècle dernier et expliquant le phénomène de fossilisation présentent un intérêt particulier. Certains de ces extraits considèrent la fossilisation comme «un jeu du hasard», les fossiles, étant «des animaux morts lors du déluge» ou tout simplement «des restes d’un dragon terrassé par saint Michel» ! La science a, heureusement, pu expliquer depuis ce phénomène. Il y a des millions d’années, les espèces vivaient dans des milieux marins auxquels ils étaient habitués. Puis, pour une raison quelconque, une eau douce s’y est infiltrée, changeant ainsi les conditions de vie, ce qui a provoqué la mort de ces animaux. Ceux-ci sont tombés au fond de la mer et ont été très vite recouverts par une couche de sédiments. Facteur qui a permis leur conservation et par la suite leur fossilisation, d’autant que ces sédiments se sont durcis pour devenir, par la suite, du calcaire marneux finement stratifié. Salle d’exposition Dans la deuxième salle du musée sont exposés les poissons fossiles, suivant un ordre chronologique, dans des cadres en bois, à la forme bizarre. «Les échinodermes, animaux de fonds marins qui rampent sur le substrat rocheux comme les oursins, occupent les premières vitrines, explique le Dr Abdelnour. Viennent ensuite les empreintes de crustacés, des poissons cartilagineux, d’autres osseux pour arriver aux reptiles qui sont les premiers vertébrés sur terre», poursuit-il. Ainsi, le visiteur aura une idée de l’évolution des espèces à travers le temps comme tout autre organisme vivant. De courts textes expliquent la particularité de chaque type de poissons (requins, raies, calmars, sardines…). «Le fait que les spécialistes aient donné aux fossiles les noms d’espèces vivantes actuelles ne veut pas dire que c’est cette même forme qui a existé il y a 80 millions d’années», souligne M. Abdelnour qui précise que «ces noms sont donnés à cause de quelques ressemblances». Il est important de signaler que tous les objets exposés ont été trouvés au Liban, et que cette forme de fossile est reconnaissable par la couleur et la forme de la roche. Mais où les trouve t-on et comment les dégager ? Carrières naturelles à Jbeil Jusqu’à présent, c’est la région de Jbeil qui a fourni le plus grand nombre de carrières naturelles de poissons fossiles. On les y a découverts grâce à l’érosion des montagnes qui les a ramenés à la surface. Il n’empêche que d’autres localités peuvent en renfermer des quantités. En fait, le fossile le plus important du musée a été trouvé dans l’Anti-Liban (Békaa). C’est celui d’un reptile vertébré. Actuellement, les villages de Haqil, Hjoula et Nammoura sont ceux qui exploitent le plus les sites formés dans les gisements du Crétacé supérieur (80 millions à 100 millions d’années) et qui sont constitués de calcaire marneux stratifié. «On cherche les strates dans la roche et on les sépare avec un burin et un marteau. Ils éclatent révélant l’empreinte d’un poisson fossile. Et alors commence le travail minutieux de dégagement», souligne M Pierre Abi Saad, propriétaire d’une carrière et commerçant. «Avec des outils fins et un petit marteau, il faut dégager la petite couche de sédiments calcifiés pour exposer le fossile en entier. Ce n’est pas tous les jours qu’on a de beaux fossiles», souligne-t-il. Après ce dur labeur, les poissons sont identifiés, vendus, ou tout simplement exposés dans des musées comme celui de Jbeil. Cependant, ce dernier n’est visité que par des élèves, lors de sorties éducatives, ou par quelques touristes de passage. «Ce musée est un fossile, il faut lui redonner la vie à laquelle il a droit», déplore le Dr Abdelnour. Aucune brochure n’évoque ce site, récemment ouvert aux touristes. Le centre d’exposition de fossiles (autres que les poissons) et le centre d’initiation pour enfants (avec en télévisions et ordinateurs) n’existent pour l’instant que sur papier. Le projet, qui avait suscité l’enthousiasme des scientifiques, s’est limité à une cérémonie inaugurale. Faute de moyens et d’une main-d’œuvre qualifiée, cet aspect du patrimoine national est resté délaissé.
Faute d’indications dans les ruelles de l’antique ville de Byblos, seuls les poissons fossiles, entassés pêle-mêle dans des caisses, témoignent de la présence de l’unique musée consacré aux fossiles au Liban. Ce musée est situé dans un magasin dans les souks. Par son architecture, il est en harmonie avec son environnement, mais entre ses murs il cache l’une des plus belles...