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Actualités - CONFERENCES ET SEMINAIRES

Nouveau mandat et nouveau gouvernement Constantes et retournements de notre démocratie

Le 4e séminaire du programme Observatoire de la démocratie au Liban, organisé par la Fondation Joseph et Laure Moghaizel en coopération avec l’Union européenne, aura lieu aujourd’hui vendredi 29 janvier de 9h à 16h, à la salle de conférence de l’École hôtelière à Dékouané. À l’ordre du jour: la présentation des résultats d’une enquête par sondage sur l’évolution démocratique au Liban, des rapports documentaires sur la société civile, les libertés, les forces politiques, le mouvement de législation et de jurisprudence et des études sur des problèmes ponctuels concernant notamment les rapports des citoyens avec l’administration, l’indépendance de la magistrature et la séparation des pouvoirs. Nous publions ci-après une synthèse, rédigée pour L’Orient-Le Jour, de l’exposé introductif de Antoine Messarra, coordinateur de la recherche. Les retournements dans la politique libanaise intérieure auxquels nous assistons avec le mandat du président Émile Lahoud et la formation du gouvernement Hoss, après des années d’un pouvoir qui semblait fortement bien établi, invitent à une réflexion sur la démocratie au Liban, au-delà d’une conjoncture particulière. Le propre de la démocratie est d’assurer à la fois la stabilité et le changement, par la rotation du pouvoir, la légitimité populaire et la prééminence du principe de légalité. Mais l’histoire du Liban est parsemée de conflits, de ruptures, de violences et d’ingérences, le tout suivi certes par des pactes qui rétablissent, tant bien que mal, le fonctionnement des institutions. Il en est ainsi, durant les années de guerre, des courants qui ont renié radicalement les fondements traditionnels du Liban «pour ne plus rééditer tous les 15 ou 20 ans une nouvelle guerre». Paradoxes de stabilité et de fragilité Le Liban, parce qu’il ne répond pas au schéma classique de la stabilité politique, a dérouté des auteurs anglo-saxons qui ont écrit sur le Liban des ouvrages aux titres plutôt effrayants: Precarious Republic (Michael Hudson), Improbable nation (Leila Meo), Confessionnalism and chaos (Enver Khoury)… Or l’histoire du Liban depuis 1975 montre que notre république connaît des bouleversements sans être précaire ni improbable ni un chaos confessionnel. Le Liban réunit des paradoxes de stabilité et de fragilité dans son histoire mouvementée: invasions, occupations, guerres intérieures et, depuis novembre 1998, une alternance imprévisible dans un pouvoir si fortement sûr de lui-même. On avait appelé cette capacité de renaître et de défier les prévisions les plus pessimistes de «miracle libanais». Mais le miracle, par définition, ne se répète pas. Or nos conflits se répètent et nos retours à la déraison et à la raison – et à la raison d’État – se répètent aussi, avec presque la même périodicité et régularité. Aussi le survol du passé lointain, ainsi que des mutations récentes, peut faire l’objet d’une analyse scientifique. Le Liban est-il le pays des surprises où rien n’est décidé une fois pour toutes, le pays des constantes séculaires qui défient les plus grands stratèges internationaux et israéliens, et aussi le pays des retournements, des changements brusques de direction, d’orientation, d’opinion…, passant ainsi des démarcations confessionnelles au vivre ensemble harmonieux, de la domination d’une caste milicienne ou financière à l’émergence d’une nouvelle élite au pouvoir animée par une volonté d’État de droit, de légitimité et de transparence? Changement sans précarité? Il n’y a pas d’interrogation aussi fondamentale pour l’avenir de notre démocratie, notre culture politique, notre mémoire collective et notre image internationale, clé pour la confiance et l’investissement, que celle-ci: Qu’est-ce qui est changeant et qu’est-ce qui est constant au Liban? Grâce à une conscience plus claire de ce qui change et de ce qui ne change pas, nos petits-enfants connaîtront peut-être des lendemains plus sereins, dans un pays où tout a déjà été essayé, par les grandes puissances, l’ennemi israélien, les amis, les frères, le grand frère, les cousins et nous-mêmes. Que cela plaise ou non à des intellectuels ou à des idéologues, les textes de base sur nos constantes sont ceux de Michel Chiha, Kazem el-Solh, Béchara el-Khoury, Riad el-Solh…, et plus tard le courant du Cénacle libanais, du chéhabisme et, sur le plan des rapports intercommunautaires et du Liban dans son environnement arabe, le discours du président Hafez el-Assad du 20 juillet 1976 devant le peuple à l’amphithéâtre de l’Université de Damas. Nos constantes séculaires sont reproduites avec des variantes de plus en plus explicites dans tous nos pactes. L’expérience réitérée devrait nous inciter à mieux les intégrer dans la pratique politique et la culture vécue de la nouvelle génération: arabité du Liban avec surtout ses implications stratégiques, garantie de participation démocratique dans une société multicommunautaire, unité souveraine du Liban dans ses frontières et toute la composition démographique de la population. Le drame de certaines idéologies libanaises ou importées est que, épisodiquement, elles renient ces constantes, les remettent en question ou cherchent à les rompre par la force. Toute la sagesse pour l’avenir consiste à apprendre désormais de l’histoire et non dans l’histoire, en ne réitérant plus des expériences coûteuses et hasardeuses. Quant à la nouvelle alternance au pouvoir, elle offre, par son imprévisibilité même, une leçon de comportement politique démocratique. Nul pouvoir au Liban ne peut se considérer bien installé et assis, malgré le patronage extérieur, la surenchère confessionnelle, la corruption ou l’achat d’une clientèle politique, et cela avec le Liban tel qu’il est et les Libanais tels qu’ils sont, instinctivement démocratiques peut-être, versatiles sans doute dans leurs allégeances profondes. Comment consolider la démocratie libanaise dans la stabilité et le changement, sans ruptures épisodiques et sans violence de parcours? Par l’État de droit certes, mais aussi grâce à une élite politique renouvelée dotée d’une imagination politique à la fois sage et créatrice, parce que l’État n’est pas seulement une administration bureaucratique, et aussi grâce à une société civile toujours active et disposée à la pratique quotidienne de la citoyenneté. Ni le patronage extérieur, ni l’arrogance dans le discours politique quotidien qui touche à la vie du Libanais moyen ni l’argent ni le formalisme juridique et administratif pour rétablir l’État de droit ne tiennent lieu de style de bonne gouvernance au Liban. Leçon de modestie et leçon de démocratie libanaise, pour les anciens gouvernements comme pour les nouveaux.
Le 4e séminaire du programme Observatoire de la démocratie au Liban, organisé par la Fondation Joseph et Laure Moghaizel en coopération avec l’Union européenne, aura lieu aujourd’hui vendredi 29 janvier de 9h à 16h, à la salle de conférence de l’École hôtelière à Dékouané. À l’ordre du jour: la présentation des résultats d’une enquête par sondage sur...