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Actualités - ANALYSE

Réforme - La trêve n'aura vécu que l'espace d'un matin La petite guerre reprend entre haririens et loyalistes

Parmi les expressions favorites des Américains, qui idolâtrent Baden Powell, «scout une fois, scout toujours». Certains ici transposent cette loyauté en loyalisme. Ils sont, comme Talleyrand et Fouché, au service d’une constante : l’État. Et ils s’adaptent à tous les régimes, dont ils deviennent les plus ardents défenseurs. C’est l’un de ces politiciens qui entreprend aujourd’hui de répondre, sous couvert de l’anonymat, aux vives critiques de M. Rafic Hariri. L’ancien chef du gouvernement s’est en effet étonné que les mesures d’éviction administrative ne frappent que les haririens, alors que les gens de M. Nabih Berry restent épargnés. Il se demande dès lors si on n’est pas en plein milieu d’un système de partage et de protection politique, «ombrelle de pouvoir» suivant ses termes. Le loyaliste constant lui répond immédiatement : «Les promotions ou les mises sur la touche se font en fonction des mérites ou des démérites de chacun. Si les partisans de M. Berry au sein de l’Administration sont des incapables ou des pourris, pourquoi M. Hariri ne les a-t-il pas sanctionnés lui-même quand il était au pouvoir…». Un député présent intervient alors : «Les circonstances ne le permettaient pas…». Mais l’avocat du pouvoir passe outre et enchaîne : «Il n’y a pas, comme l’affirme M. Hariri, de considérations politiciennes dans les décisions prises qui sont d’ordre purement technique. D’ailleurs il le sait mieux que personne. La preuve est facile à apporter : en se demandant pourquoi on n’a pas écarté les éléments qui relèvent de M. Berry, il laisse clairement entendre qu’il y aurait de quoi sévir. À partir de là, il reconnaît qu’il y a bien des cadres incompétents ou pourris qu’il est nécessaire de neutraliser. On est donc en plein dans une affaire de nettoyage pour que le moteur puisse redémarrer et la politique politicienne est si absente du projet gouvernemental qu’on n’a mis dehors aucun fonctionnaire régulièrement cadré, se contentant de les placer à disposition. On effectue dès lors ce que M. Hariri aurait dû lui-même faire lorsqu’il était aux commandes : étudier les dossiers des responsables administratifs en faute, les muter ou les mettre sur la touche. Au lieu de quoi il a attendu d’être en dehors du pouvoir pour tenir à l’encontre d’une catégorie de fonctionnaires des propos diffamatoires». Le député interrupteur cité plus haut revient de nouveau à la charge : «Vous savez bien, dit-il, qu’à l’époque, il était interdit de toucher aux fonctionnaires, à cause des facteurs d’équilibre entre dirigeants…» À quoi le loyaliste répond sans se démonter : «Qu’est- ce que c’est cette histoire d’interdit… Il n’y en a jamais eu. Il fallait simplement un peu de courage. Mais M. Hariri, à dire vrai, ne pensait pas du tout en termes de nettoyage de l’Administration. Il a laissé traîner les choses trop longtemps. Mais il faut trancher dans le vif. On ne peut plus laisser les fonctionnaires attribuer leur allégeance à des pôles d’influence plutôt qu’à l’État». Ce qui laisse entendre que les partisans de M. Berry, déjà évoqués, devront un peu oublier leur admiration pour sa personne, aussi charismatique qu’elle soit. Le loyaliste, après avoir mentionné la mansuétude dont les autorités font montre, affirme cependant que «l’on procède à une opération d’épuration radicale qui ira jusqu’au bout. Elle se base sur des documents et des faits. Il n’y a pas d’injustice commise : la liste des infractions est trop accablante. On s’y prend en outre de la plus délicate des manières, en évitant de toucher à l’honneur, à la dignité voire à la réputation des gens, puisqu’on ne les chasse pas et qu’on a simplement l’air de les remplacer par un nouveau staff plus conforme aux vues du nouveau pouvoir. De plus comme MM. Hoss et Khalil le leur ont répété, ils peuvent toujours se pourvoir devant le Conseil d’État, instance devant laquelle nous présenterions alors nos dossiers…». Et de répéter que l’opération de réforme va se poursuivre et qu’à chaque séance du Conseil des ministres il y a aura un nouveau train de mesures. Sans package deal, en respectant les dosages confessionnels. En fait, désormais il n’y aura à chaque fois qu’un petit paquet d’exclus, pour limiter la casse et les réactions tapageuses. Ainsi à la dernière étape, selon cette source, le ministre qualifié, M. Hassan Chalak, n’a livré que quatre noms au couperet et il en sera de même à la prochaine. Sur un autre plan, la coordination ne s’est pas tout à fait instaurée entre MM. Rafic Hariri et Walid Joumblatt dont les proches estiment que l’ancien chef de gouvernement n’y va pas assez franchement du côté de l’opposition, qu’il réagit de manière impulsive sans plan politique, qu’il danse une sorte de tango, un pas en avant deux en arrière, qu’il ménage le régime et qu’après toute attaque contre le pouvoir il lui tend la main. Une source qui se dit informée évoque par ailleurs la rencontre que M. Hariri a eue à Damas avec M. Bachar el-Assad, pour la qualifier de positive. Et de souligner que les décideurs soutiennent résolument le général Émile Lahoud et souhaitent qu’on ne fasse pas trop de vagues sur la scène libanaise, qu’on ne cherche pas trop querelle au gouvernement Hoss.
Parmi les expressions favorites des Américains, qui idolâtrent Baden Powell, «scout une fois, scout toujours». Certains ici transposent cette loyauté en loyalisme. Ils sont, comme Talleyrand et Fouché, au service d’une constante : l’État. Et ils s’adaptent à tous les régimes, dont ils deviennent les plus ardents défenseurs. C’est l’un de ces politiciens qui...