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Nos Lecteurs ont la Parole

Subprimes : beaucoup reste à faire

Par Haytham AOUN
La crise financière a éclaté en août 2007 comme une surprise pour tous les agents économiques. Si la plupart ont anticipé des défauts de paiements sur les prêts hypothécaires, personne n'a imaginé qu'elle engendrerait des ruptures dans le système bancaire et financier mondial. Plus finement, quelques mois avant la crise, les marchés n'annonçaient pas de ralentissement mondial ; ils signalaient tous le risque d'un ralentissement américain, mais pas un ralentissement qui se transmettrait au reste du monde.  
Cependant, l'histoire devait en décider autrement, puisque le retournement de la conjoncture financière et bancaire a été plus brutal et plus général que prévu. À la lecture de nombreuses études et divers articles traitant le sujet des subprimes, nous relevons des interrogations sur :
- la valeur ajoutée des procédures de titrisation ;
- le rôle des innovations et la complexité des techniques financières dans le transfert des risques ;
- le contrôle interne des risques au sein de l'entreprise ;
- la structure des rémunérations dans l'industrie financière qui favorise la prise de risque ;
- le fonctionnement des agences de notation ; et
- l'importance d'appliquer les nouvelles normes comptables.  
La mise en œuvre de ces phénomènes n'est pas suffisante, puisque la crise des subprimes ne s'est pas enchaînée de façon linéaire et unidirectionnelle. Au contraire, il y avait une conjonction de nombreux événements qui se sont renforcés les uns les autres. Néanmoins, nous mettrons dans ce qui suit un ensemble de trois problèmes majeurs qui analyse les ressorts de cette crise : situation macroéconomique instable, dysfonctionnements microéconomiques et pratiques financières à haut risque.

1) Situation macroéconomique instable
Le point de départ nous semble être l'excès de liquidités au niveau mondial. Cette augmentation de liquidités est induite par :
- la progression très rapide des réserves de change des banques centrales des pays émergents et des pays exportateurs de matières premières ; et  
- l'expansion du crédit qui a nourri la liquidité mondiale, mais qui n'a pas induit une inflation sur les biens et services.

2) Dysfonctionnements microéconomiques
Afin d'offrir une rentabilité plus élevée, les banques ont relâché les conditions d'attribution des prêts et se sont dépêchées de se lancer dans des pratiques financières à haut risque.

3) Pratiques financières à haut risque
Nous entendons parler de nouveaux véhicules de titrisation. Cette technique n'est pas nouvelle, mais ce qui est en cause, c'est la titrisation de nouveaux produits de crédits, assortis de garanties nouvelles. À la différence de la titrisation classique qui porte sur un portefeuille des créances bancaires, les ingénieurs financiers n'ont pas cessé :
- de proposer de nouveaux produits dérivés, toujours plus sophistiqués ;
- de créer des « pools » de crédits classés selon divers niveaux de risques.
Il s'agit ici d'un transfert de risques où, en pratique, la demande de fonds risqués par les investisseurs a monté et la détention d'actifs par la source originale (la banque) n'a plus lieu d'être. En conséquence, la quantité de crédits dans le système financier a augmenté, leur qualité moyenne s'est dégradée, les fonds propres bancaires qui les garantissent sont devenus de plus en plus faibles et le risque pris par l'acheteur du papier a augmenté.
Donc, bien que la titrisation ait joué un rôle essentiel dans la crise des subprimes, il ne faut pas oublier de mettre aussi en cause le danger de la sophistication des innovations financières qui a mis en cause les problèmes de la transparence, des compétences, des dispositifs de contrôle interne et de supervision, de risque et d'incertitude, des incitations et des rémunérations (bonus).
Vu que tous les ingrédients de la crise financière sont réunis, on est en droit d'esquisser ses effets sur le court, le moyen et le long terme.
1) Effets à court terme :
1.1 - Assèchement rapide de la liquidité sur certains marchés (spécifiquement ceux interbancaires). Raisons :  
- les investisseurs ne désirent plus financer les systèmes de titrisation étant donné que beaucoup des produits structurés étaient complexes, difficiles à valoriser et impossibles à transformer en liquide en cas de tension financière ;
- les banques touchées directement aux États-Unis se trouvent obligées de se refinancer auprès de la Banque centrale, car elles ne peuvent plus le faire entre elles.
1.2 - Pertes pour les banques dont les résultats sont affectés par la crise financière. Ces pertes n'ont cessé de s'alourdir depuis le début de la crise.
1.3 - Pertes patrimoniales des ménages : le risque est du côté de la demande de crédit, de la consommation des ménages dans les pays où il y avait une baisse du prix de l'immobilier résidentiel, et spécifiquement là où il existe un lien entre la valeur du patrimoine immobilier et la capacité d'endettement (États-Unis et Royaume-Uni). En fait, les ménages dans ces pays ont le droit de s'endetter de nouveau quand la valeur de leur maison monte par rapport au niveau de leur dette hypothécaire.
2) Effets à moyen et long terme :
Les analyses montrent que les primes de risque à moyen et long terme vont rester plus élevées. De plus, la titrisation devrait être plus difficile et de plus petite taille, d'où la nécessité pour les banques de davantage conserver les crédits dans leurs bilans et un besoin en capital accru.
Par-delà la multiplicité, la diversité et le profondeur des informations et parce que le thème des subprimes évolue chaque jour et que le débat et les recherches sont intellectuellement très vivants, une question primordiale se dégage : où mettre, en premier lieu, le curseur d'intervention pour endiguer cette crise ? Faut-il intervenir à court terme avant de formuler les remèdes à moyen et long terme ?
Même si elle est importante, la distinction entre le court terme d'un côté et le moyen et le long terme d'un autre côté ne doit pas être poussée trop loin. En raison de l'étendue de ce champ et de l'abondance des propositions purement monétaires et économiques, il nous paraît utile de nous limiter à des recommandations managériales, comptables, financières et déontologiques :
1) Meilleur fonctionnement des agences de notation, qui devront améliorer la transparence de l'information financière en réduisant des asymétries d'information entre les émetteurs et les investisseurs, en servant de références pour l'évaluation du risque de crédit.
2) Réduire la procyclicité des normes : nous n'entendons en aucune façon remettre en cause le concept de la « juste valeur », ni plaider pour le retour à une comptabilité aux prix historiques ; au contraire, il faut assouplir les règles de comptabilisation en valeur de marché pour certains investisseurs en leur permettant de lisser leurs plus ou moins valeurs latentes sur plusieurs années dans le cas où les titres seraient détenus à échéance.
3) Réviser les pratiques de rémunération des dirigeants des institutions financières qui, dans le but de maximiser les profits,  sont prêtes à prendre des positions risquées à l'extrême.
4) Initier une nouvelle démarche déontologique et un renouveau de l'éthique financière susceptibles d'apporter de réels changements dans la gestion des entreprises.
Nous sommes partisans de :
4.1 - La nécessité de confier la direction managériale à de vrais professionnels, aux solides qualités humaines et intellectuelles, qui acceptent de gérer sans spéculer.
4.2 - De développer une culture basée sur l'honnêteté et sur des codes éthiques qui faciliteront l'institutionnalisation des valeurs de l'entreprise ainsi que sa bonne internationalisation.
Plutôt que de tenter une conclusion qui ne pourrait être que provisoire, tant que les questions abordées sont en pleine évolution et méritent d'être encore approfondies, on se bornera à souligner que l'heure est aux slogans : « Back to Basics », augmenter la confiance, améliorer la transparence financière et réduire l'asymétrie d'information. Actuellement, il existe une réelle volonté internationale de circonscrire la crise financière des subprimes ; mais, à mon avis, beaucoup de progrès restent à accomplir en matière d'éducation et de formation de futurs dirigeants d'entreprises pour améliorer leur perception et leur respect de l'éthique professionnelle.

Haytham AOUN
Docteur en sciences de gestion
La crise financière a éclaté en août 2007 comme une surprise pour tous les agents économiques. Si la plupart ont anticipé des défauts de paiements sur les prêts hypothécaires, personne n'a imaginé qu'elle engendrerait des ruptures dans le système bancaire et financier mondial. Plus finement, quelques mois avant...

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